« Piège à loup » est déjà la seizième enquête de Varg Veum à paraître chez Folio Policier. À travers le personnage du détective privé, Gunnar Staalesen continue à décrypter la société norvégienne, à fissurer l’image idyllique présentée à l’extérieur de ses frontières. Dans « Cœurs glacés », il évoquait la prostitution et là, il s’attaque au sujet sensible de la pédopornographie. Que Varg Veum qui travaillait autrefois dans la protection de la petite enfance soit accusé est d’autant plus étonnant, mais le doute taraude les protagonistes. Même sur les photos, Veum ne peur nier que c’est lui, alors est-il coupable ?
Cela ressemble à un piège, encore faut-il le prouver ! C’est ce à quoi s’attache son avocat avec l’aide d’un spécialiste informatique. La clé repose dans un passé qui se dérobe à Veum, la faute à l’alcool qui l’imbibait continuellement. Quelques affaires lui reviennent à l’esprit, trois échecs qui lui ont valu des menaces, mais est-ce suffisant pour pousser la police à chercher plus loin que sa culpabilité offerte sur un plateau ?
Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, à la première opportunité il s’enfuit et mène son enquête, tout en étant cherché par les forces de l’ordre qui, il faut bien l’avouer, ne font pas le forcing pour le trouver, car elles essaient d’étouffer le scandale.
« Piège à loup » s’avère attrayant, car trois apartés sont offerts au début, les trois enquêtes avortées dont se souvient Veum, puis il interroge des personnes ignorant à de rares exceptions qu’il est en fuite. Il est obligé de protéger ses arrières, mais doit prendre des risques pour se sortir de cette embrouille aux graves conséquences. Ce roman est aussi éprouvant pour plusieurs raisons : la détresse de Veum qui cherchait par tous les moyens à oublier la perte de sa femme, le suicide évoqué à plusieurs reprises, la dépravation et bien sûr la pédopornographie. Tous les moyens semblent bons pour assouvir les plus bas instincts, ce qui est révoltant, et Veum doit vraiment remuer la m... Il le fait à sa manière en posant de nombreuses questions, en revenant régulièrement voir les personnes pour éclairer des points de détail... Il agace, énerve et doit se méfier des réactions violentes suscitées. Mais c’est efficace.
La fin laisse dans une certaine expectative. Veum a-t-il réussi ?
Le mot loup revient souvent dans les titres des enquêtes de Varg Veum, le loup c’est celui qui, tapi dans l’ombre, guette sa proie avant de fondre dessus. Dans « Piège à loup », les enfants sont les victimes, l’auteur met l’accent sur le manque de moyens affectés à la protection de l’enfance, sur la façon dont l’attention est détournée pour regarder ailleurs et ainsi ne pas affronter ce problème sociétal.
La Norvège présentée sous la plume de Gunnar Staalesen montre une face plus crue, plus brutale, nettement moins idyllique que l’on pourrait le croire. Ce roman s’avère éprouvant par bien des aspects, il s’en dégage une atmosphère malsaine car la dépravation humaine semble sans limites.
Efficace, prenant et engagé, « Piège à loup » satisfera tous les amateurs de polar qui trouveront en Varg Veum un être humain avec ses forces et ses faiblesses, qui affronte tant bien que mal une vie qui ne lui fait pas de cadeaux.
Une série qui mérite vraiment d’être découverte !
Titre : Piège à loup (Ingen er så trygg i fare, 2014)
Auteur : Gunnar Staalesen
Traduction du norvégien : Alexis Fouillet
Couverture : Photo © Isabelle Lafrance / Arcangel (détail).
Éditeur : Gallimard (1ère édition française : éditions Gaïa, 2019)
Collection : Folio Policier
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 444
Format (en cm) : 10,7 x 17,9
Dépôt légal : octobre 2020
ISBN : 9782072895692
Prix : 8,50 €
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