1900, Port Baïkal. Les forçats chargés de finir la voie ferrée de ce côté du lac ont fini leur ouvrage. Bientôt, le tsar en personne viendra inaugurer l’ouvrage en franchissant à bord de son train le fameux lac. Eugène Savitskaia est un de ces prisonniers ayant payé de leur sueur et certains de leur vie la fin de la voie ferrée. Acteur de théâtre, il a été incarcéré pour ses idées. Mais il ne compte pas rester longtemps dans ce camp, il espère bien s’évader à la première occasion. Bon, cela ne ferait que sa huitième tentative, ayant été systématiquement repris par la police. C’est dans ce camp qu’il rencontre un vieil homme qui, sous ses airs de gentil vieillard à la barbe blanche, cache un terroriste qui n’est pas par hasard dans ce camp. Il lui propose de l’aider dans son entreprise à condition qu’Eugène s’associe à ses alliés et lui, des alliés menés par le célèbre bandit de grand-chemin aussi considéré comme un terroriste par l’armée pour ses acte contre le tsar : le fameux Tilman Razine. Et ce serait Tilman lui-même qui mènerait la grande évasion des forçats de ce camp. Mais pour que mettre en route leur plan, il faut que le train du tsar soit arrivé à bon port.
“La Ballade de Tilman Razine” vient clore la collection des Grandes Evasions. Et cette fois, cette histoire porte bien son nom puisque les références au film culte qui l’a inspiré seront nombreuses. Le fait qu’elle commence en pleine Seconde guerre mondiale n’est pas un hasard car cela permet de boucler la boucle avec l’aventure de Steve McQueen et ses acolytes dans le film de John Sturges. Mais la véritable action se déroulera en réalité aux premières heures du XXe siècle, au bord du lac Baïkal en Russie. L’histoire de Tilman Razine est une pure invention de Kris qui nous offre sa propre déclinaison de l’histoire originale : des prisonniers mettant en place un plan audacieux d’une évasion massive au sein de leur camp de réclusion. Ce quarantenaire s’est mis sur le tard à la bande dessinée, son premier titre en tant que scénariste, “Toussain 66”, sortant en 2002. Depuis, il enchaine sans le moindre temps mort des séries comme “Le Monde de Lucie” chez Futuropolis avec Guillaume Martinez au dessin, ou encore “Les Brigades du Temps” chez Dupuis avec Bruno Duhamel au dessin. “La Ballade de Tilman Razine” peut ressembler à un mélange de “La Grande Evasion” de Sturges et de la série “Mission Impossible”, car le plan qui sera élaboré par les protagonistes impliquera l’inévitable tunnel mais également des jeux d’acteurs, des maquillages... Kris prend sa source un peu partout et réussit à obtenir une bonne histoire avec du suspens, de l’action, un peu d’humour, tenant son lecteur en haleine car ne lui révélant qu’à la dernière planche qui est vraiment Tillman Razine.
Cet ultime épisode de “La Grande Evasion” est dessiné par Guillaume Martinez, qui retrouve donc son complice du “Monde de Lucie”. Il met alors en pause son travail sur la série “Motherfucker”, scénarisée par Sylvain Ricard, où il s’attaque au racisme. Ici, il garde son style réaliste, avec des personnages très expressifs et où les traits des visages sont dessinés avec soins même dans de petites cases. Associées aux couleurs de Delf, les planches de Guillaume Martinez permet au lecteur de s’immerger dans cette Sainte Russie, encore sous le pouvoir du tsar Nicolas II. Malgré le nombre de protagonistes et le zapping entre les différentes scènes à enjeux de l’histoire, la lecteur est fluide et le lecteur ne se perd jamais dans les méandres de cette évasion rondement menée. Comme pour le film de Sturges, le lecteur prend le train en marche (c’est l’occasion de le dire) et arrive alors que les plans d’Eugène et du groupe de Tilman Razine sont déjà bien ficelés. Nous sommes alors témoins de leur exécution, de leurs failles mais aussi de leurs réussites. Comme dans tout bon scénario d’aventure, il y aura de l’émotion, des sacrifices pour la cause, le tout à un rythme rondement mené comme le montre le nombre important de petites cases dans les planches. Mais les détails apportés par Guillaume Martinez compensent cela.
“La Ballade de Tilman Razine” finit d’une bien belle façon la collection “La Grande Evasion”, même si certains trouveront trop de ressemblances avec le film de John Sturges.
(T8) La Ballade de Tilman Razine Série : La Grande Évasion
Scenario : Kris
Dessin : Guillaume Martinez
Couleur : Delf
Éditeur : Delcourt
Collection : Conquistador
Dépôt légal : 18 juin 2014
Format : 230 x 320 mm
Pagination : 64 pages couleurs
ISBN : 978-2-7560-3367-9
Prix Public : 15,50 €
A lire sur la Yozone :
La Grande Evasion (T2) Le Labyrinthe
La Grande Evasion (T4) Fatman
La Grande Evasion (T5) Dien Bien Phû
La Grande Evasion (T6) Tunnel 57
La Grande Evasion (T7) Asylum
Illustrations © Teague et Delcourt (2014)