L’âge adulte en approche rapide
Les aventures d’Eliot et Fiona se poursuivent donc dans la droite ligne de celle découverte précédemment. Les péripéties, une nouvelle fois, s’intriquent avec les atermoiements et hésitations des deux enfants qui s’interrogent sur le caractère moral des luttes et combats qui leur sont imposés, et avec les tentations diaboliques auxquelles les soumettent les Infernaux. C’est ainsi que Fiona, qui avait cru pouvoir se défaire par la simple force de la volonté de son addiction aux chocolats célestes découvre qu’il lui faut pour cela sacrifier une plus grande part d’elle-même, c’est ainsi qu’Eliot découvre les choix à faire entre la survie de son amie et celle de sa sœur. C’est ainsi également que les deux enfants se découvriront de nouveaux liens, et finiront par comprendre qu’ils n’étaient pas si orphelins que leur grand-mère avait essayé de le leur faire croire.
Des péripéties incessantes, un rythme toujours soutenu
Pour autant, cette découverte de tourments bien humains ne ralentit guère l’action, et l’auteur prend un malin plaisir à les faire affronter les épreuves dans des lieux abondamment arpentés par les concepteurs de fiction. Une immense fête foraine tout d’abord – il est difficile de ne pas penser aux multiples incursions qu’y mena Ray Bradbury – siège d’un affrontement nocturne et particulièrement spectaculaire. La fameuse « Zone 51 » ensuite, sévèrement gardée par l’armée américaine, où les deux enfants doivent trouver non pas les reliques de quelque extra-terrestre dissimulées au reste du monde, mais bel et bien une des fameuses Pommes d’Or de la légende, ce qu’ils feront non sans laisser derrière eux ruines et dévastation. Mais d’autres épreuves non prévues par le règlement, surviennent à tout bout de champ et sans prévenir, comme par exemple affronter Belzébuth en personne à la sortie de la pizzeria – les jumeaux n’ont pas vraiment le temps de respirer.
« Il y aura toujours des secrets. C’est une constante du monde dans lequel nous vivons. »
Dans cette course vers l’âge adulte et cette découverte d’un monde plus complexe et dangereux que celui des simples mortels, certains mystères sont résolus, d’autres apparaissent, s’emmêlent, s’accumulent.
Qui est réellement le mystérieux Louis, clochard épiant les enfants, écrivant à la craie des mélodies impossibles jouées par un Eliot usant alors de son violon comme d’une arme ?
Ces Immortels qui prétendent être de leur famille, et qui semblent tour à tour vouloir les sauver ou les occire, de quel côté sont-ils réellement ?
A ce jeu perpétuel de dupes et de faux-semblants, à trouver des pièges dissimulés derrière d’autres pièges, les enfants vont-ils parvenir à tirer leur épingle du jeu ?
Quelle est cette mystérieuse Vallée du Nouvel An, lieu d’un réveillon perpétuel, où l’on essaie d’exiler Fiona ?
Le clochard parviendra-t-il à venir à bout d’Urakabaramiel, Maître des Ombres et Murmures ?
Et les Infernaux ? Quelles manigances ourdissent-ils encore ?
Inventions, magie, action, musique, poésie, sentiments : le roman recèle tout cela, mais aussi, et surtout, d’innombrables secrets.
Des livres toujours présents
Nous avions noté lors de la chronique du premier volume l’omniprésence des livres à la fois dans l’environnement des enfants et dans la genèse des péripéties. Cette utilisation se confirme ici et l’on retrouve avec plaisir une allusion à l’hypothétique « Guide pratique des premiers secours et de la chirurgie d’urgence » commandé par Napoléon à Marcellus Masters, ainsi que de nombreuses notes de bas de page rapportant des extraits de l’« Encyclopédie St Hawthorn de la botanique du Nouveau-Monde et au-delà », des « Dieux du premier et du vingt et unième siècles » (en plusieurs dizaines de volumes), ou de l’édition Beezle de « Mythica Improbica ».
C’est ainsi que l’on découvrira, outre l’existence d’un œuf de Fabergé construit à partir des débris de la comète de Tunguska et d’un train fantôme initialement construit à la mémoire de l’archiduc Rodolphe, les étranges propriétés du Noisetier du diable et des alcaloïdes spiritueux de May Mortimer. L’on apprendra également que les enfants sont capables à l’occasion de s’inspirer d’autres types d’ouvrages tels que le redoutable « Guide Marmat de l’autopsie » , sans oublier les références à d’autres documents mis en abîme dans les précédents, par exemple les « Manuscrits des Eaux Scintillantes » écrits par Zhe l’Aveugle, les cartes de l’explorateur Ignacio Balermo, ou les « Actes de pénitence de la Sorcière Rose Bourbeuse »
Une fin ouverte
On voit au fil des derniers chapitres se dessiner une fin apaisée, mais dont la trame fallacieuse dissimule quelques fils qui ne demandent qu’à être tirés par l’auteur pour relancer quelque sarabande infernale à laquelle nos deux héros n’auront sans doute guère de chances d’échapper.
Certes, les Immortels reconnaissent définitivement les deux enfants comme faisant partie des leurs, mais que pensent les Infernaux de cette décision ?
Certes, il semble bien que le père d’Eliot et Fiona soit finalement de leur côté, mais est-ce bien sûr ?
Et qui est donc ce mystérieux chat nommé Amberflaxus ?
Et pour quelle abominable raison le Conseil des Immortels se réunit-il au tout dernier moment, si ce n’est pour mettre en péril une fois de plus la vie des enfants ?
Mais un danger plus abominable encore menace : les deux jumeaux, dont l’éducation avait été faite exclusivement par celle qui disait être leur grand-mère, se retrouvent désormais inscrits à l’école...
On ne saurait imaginer dénouement plus tragique.
S’agit-il de l’épilogue le plus cauchemardesque et le plus abominable qui puisse être ou d’une fin ouverte sur de nouvelles aventures ?
Depuis la parution de ce livre, Eric Nylund a fort heureusement récidivé dans ses manigances diaboliques. « All that lives must die » raconte en effet les déboires d’Eliot et Fiona au cours de leur scolarisation à la Paxington University, qui semble-t-il abriterait aussi dieux, démons, sorciers et guerriers.
Comme le proclame l’éditeur dans la langue de Shakespeare : « High school is bad enough, but imagine being caught in the midst of an immortal/infernal war... ».
La balle est donc dans le camp des éditions Castelmore, dont on espère qu’après avoir eu l’excellente idée de traduire « Le Pacte des Immortels », elles proposeront bientôt aux lecteurs la version française de ces nouvelles aventures d’Eliot et Fiona.
Titre : Arrêt de mort (Le Pacte des Immortels, volume 2) (Mortal Coils, 2009)
Auteur : Eric Nylund
Traduction de l’anglais (Etats-unis) : Emmanuelle Casse-Castric
Couverture : Miguel Coimbra
Éditeur : Castelmore
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 382
Format (en cm) : 14,3 x 21,2 x 2,7
Dépôt légal : mars 2012
ISBN : 978-2-36231-043-0
Prix : 15,20 €
À lire également sur la Yozone : Le Pacte des immortels volume 1