Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Bifrost n°111
La revue des mondes imaginaires
Revue, n°111, nouvelles - articles - entretiens - critiques, juillet 2023, 192 pages, 11,90€

Sous une dérangeante et fascinante couverture à dominante verte, le lecteur pourra découvrir plus avant un auteur finalement assez méconnu : Gene Wolfe (1931-2019). La première nouvelle “L’île du docteur Mort et autres histoires” permet de comprendre pourquoi sa renommée n’est pas celle qu’elle pourrait être. Une fois achevée, qui peut dire qu’il a vraiment saisi de quoi il retournait ? Un jeune garçon, Tackie, entame un livre dont les personnages ont tendance à déborder dans la vie réelle. Entre passages du livre et quotidien de Tackie, la frontière devient toujours plus mince. L’auteur a ainsi écrit plusieurs déclinaisons autour du roman d’H.G. Wells : « L’île du docteur Moreau ». Celle-ci, la première, laisse finalement pensif. Une lecture ne suffit clairement pas.



Le même constat se dégage du dossier qui lui est consacré. Sa présentation, un travail exemplaire de Pascal J. Thomas, et l’entretien accordé à Larry McCaffery en 1988 permettent d’appréhender l’homme et son œuvre. À ma grande surprise, bien plus de ses écrits ont été traduits que ce que je pensais. Tout en exerçant son métier d’ingénieur, Gene Wolfe a été très productif, ce que montre la longue bibliographie concoctée par Alain Sprauel, et il est surtout connu pour le cycle consacré au bourreau Severian : « Livre du Nouveau Soleil » dont Ada Palmer nous parle dans un article traduit par Erwann Perchoc. Le ressenti de l’auteure peut effrayer le potentiel lecteur, car elle précise rapidement qu’il faut au moins deux lectures pour comprendre une partie du propos. Elle évoque aussi une certaine frustration avec de longues expositions, alors qu’un passage important est expédié en quelques lignes. La série regorge de pièces à assembler tel un jeu dont il faut découvrir les règles. C’est aussi fascinant que frustrant. Malgré tout, on sent que ces quatre tomes méritent l’attention et qu’il s’agit d’une expérience.
Dans l’entretien, cette difficulté de compréhension est justement évoquée et l’auteur dit fonctionner de la sorte, sans vouloir poser consciemment des énigmes dans ces récits.
Le guide de lecture aborde les autres titres disponibles en français et l’impression générale s’avère mitigée avec certains écueils à éviter et des avis loin d’être dithyrambiques.

Trois nouvelles complètent le volet Fictions.
Rich Larson est un habitué, à raison d’une apparition pratiquement tous les deux numéros depuis « Bifrost 100 ». “Le requin conceptuel” s’avère assez étonnant, pour ne pas dire bizarre, avec ce requin sortant du lavabo ou de la douche d’un homme, comme si les bondes devenaient des passages sur la mer. L’auteur dispose d’une imagination lui permettant d’emprunter bien des voies, pour notre plus grand plaisir.

Jean-François Seignol présente un travailleur d’un genre nouveau : “Le groom”, chargé d’ouvrir et de fermer les portes d’entrée d’un grand hôtel. Comme il se dégage un air de déjà-vu, chacun comprendra rapidement la condition de ce salarié, véritable esclave sans aucun droit. Débat de société sans véritable surprise, mais qui se lit bien.

La nouvelle la plus percutante “La cité du rire” est l’œuvre d’un inconnu chez nous : Sequoia Nagamatsu. Presque trente pages chargées d’émotions sur fond de virus décimant les enfants. Un parc les accueille pour leur dernier jour avec, pour apothéose, un grand huit fatal. Un comique raté accompagne les enfants, le tout avec le sourire. C’est terrible, poignant, magnifique.
Un nom à retenir, d’autant que le recueil dont est extrait le présent texte, est prévu début 2024 aux éditions du Seuil.

Dans le volet rédactionnel, en plus du nombre important de recensions d’ouvrages, se trouvent un instructif interview de Jeanne A. Debats au sujet de sa mission de déléguée artistique des Utopiales et une analyse, entre réalité et fiction, des armes soniques sous la houlette du professeur Lehoucq.

Ce numéro de « Bifrost » grandement consacré à Gene Wolfe laisse pensif, entre curiosité autour de cet écrivain adoubé par les professionnels, pas forcément par les lecteurs, et crainte d’être perdu en le lisant. La curiosité n’est pas forcément un vilain défaut dans ce cas précis.
On retiendra aussi la nouvelle de Sequoia Nagamatsu, une première marquante.


Titre : Bifrost
Numéro : 111
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Bruno Letizia
Illustrations intérieures : Olivier Jubo, Matthieu Ripoche, Philippe Gady et Nicolas Fructus
Traductions : Jean Bailhache (L’île du docteur Mort et autres histoires), Pierre-Paul Durastanti (Le requin conceptuel) et Henry-Luc Planchat (La cité du rire)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 111, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : juillet 2023
ISBN : 9782381630922
Dimensions (en cm) : 15 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
8 août 2023


JPEG - 40.8 ko



Chargement...
WebAnalytics