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Bifrost n°100
Rédacteur en Chef : Olivier Girard
Revue, n°100, nouvelles - articles - entretiens - critiques, octobre 2020, 192 pages, 11,90€

En mars 1996 sortait le premier « Bifrost », le début d’une aventure éditoriale au long cours, une gageure rien que ça. 24 ans et quelques mois plus tard, « Bifrost » atteint le numéro 100, les 92 pages sont devenues 192, soient cent de plus. CQFD.
Si l’on pinaille un peu, « Bifrost » pèse plus de cent numéros, car il y a les deux hors-séries consacrés à Philip K. Dick et à Jack Vance, ainsi que celui sur la science-fiction en bandes dessinées. Du bonus en somme, quoi !
Les dix ans de la revue avaient été marqués par le somptueux volume 42 de 384 pages, soit rien de moins qu’un volume double.
Et pour le numéro 100 ?



100 ne rime pas avec extravagance, car la pagination ne change pas. Par contre, il s’agit d’un retour aux sources, d’un clin d’œil au premier numéro et d’un hommage à l’auteur le plus publié en ces pages : Thomas Day. De plus, le bougre se fait rare, l’amateur n’a quasi plus rien à se mettre sous la dent. Il faut dire que depuis 1994, Thomas/Gilles Day/Dumay a fait du chemin.
Dans la séquence souvenir, je reprends le numéro 10 (octobre 1998) où le courrier des lecteurs reprenait mes modestes mots : « ... Ses écrits sont loin d’avoir l’intérêt de ceux de Thomas Day (auteur qui ne déçoit jamais)... ». Je vous passe le reste qui m’a valu une chaleureuse volée de bois vert, mais mon intérêt pour « Bifrost » et Thomas Day n’a jamais faibli.

Un entretien fleuve permet de découvrir cet auteur et directeur de collection. Il s’agit d’un long échange entre Thomas Day et Olivier Girard, le rédacteur en chef de « Bifrost », qui avait encore des cheveux comme l’atteste une photo prise à Amiens en 1996. Le contraste n’en est que plus saisissant avec la photo récente où les deux rient à gorge déployée. Ils s’apprécient, s’estiment et cet instantané d’une bonne humeur communicative renforce encore cette impression. Cette amitié permet d’aller bien plus loin dans les confessions et d’en apprendre d’avantage. Les nombreuses photos apportent encore un supplément d’âme. Cet entretien représente un grand moment de partage, une mine d’informations sur la vie de Gilles Dumay qui n’a pas la langue dans la poche et qui, étonnamment, a plein de projets d’écriture, alors qu’il évoque ses problèmes à coucher ses idées sur le papier, faute de temps et d’envie.
Tous ses livres sont chroniqués et pas toujours de façon tendre, ce qui prouve que, membre de l’équipe ou pas, il n’a pas droit à un traitement de faveur.
Ugo Bellagamba est aussi soumis à la question, car il a collaboré deux fois avec Thomas Day : « L’école des assassins » et « Le double corps du roi ». Lui aussi se fait rare, ce qui est regrettable. J’ai envie de dire : « qu’est-ce que vous attendez les gars ? » Voilà qui est fait, mais je respecte parfaitement leurs choix, car la vie est ainsi, on ne fait pas toujours, pour ne pas dire rarement, ce que l’on veut.
Et l’importante bibliographie de Thomas Day clôt ce dossier. C’est bien qu’y figurent toutes les anthologies qu’il a réalisées, et ce d’autant qu’elles sont de qualité.

Et bien sûr pour faire bonne mesure, deux nouvelles signées Thomas Day figurent au sommaire. “Décapiter est la seule manière de vaincre” est courte, percutante, extrême, tant le duel est mené de manière à régler le problème définitivement. Schlak !
“La bête du loch Doine” est plus longue, elle se déroule dans une Écosse moyenâgeuse. Le novice Zeite est envoyé dans un village pour choisir dans ses environs quels arbres pourront être abattus. Il y rencontre la redoutable Ryhope, les deux doivent s’apprivoiser. Une étrange rencontre va aider les choses.
Le contexte s’avère très fouillé, ce qui n’est pas étonnant, car cette nouvelle s’inscrit dans un projet plus grand dans lequel figure aussi “Noc-Kerrigan”. Nous sommes ici loin de l’atmosphère japonisante de l’autre texte, de la furie qui se traduit par le geste juste et définitif, l’auteur prend plus le temps, permet aux lecteurs de s’attacher à Zeite qui semble bien mal à sa place en ces contrées. Une plume assagie mais non moins attachante.

Les lecteurs de « Brins d’Éternité », « Solaris », ainsi que de « Galaxies », n’ont pu manquer Rich Larson, ce Canadien écrivant en anglais. Chaque nouvelle est un modèle du genre et “Circuits” en apporte la confirmation avec ce train tournant en boucle dans une Terre dévastée. L’IA de bord maintient les apparences, s’inquiète des passagers, inconsciente de leur état, jusqu’à ce qu’elle reçoive une réponse à ses appels. C’est vraiment de la SF de haut vol qui en moins de 10 pages en met plein la vue : pourquoi cette planète déserte ? Comment cette IA réagit-elle à la réalité ? Peut-elle sortir d’une routine qui n’a plus de sens ?
La collection Quarante-Deux du Bélial’ a reconnu le talent de Rich Larson en lui ouvrant son catalogue avec « La fabrique des lendemains », à côté de Greg Egan, Peter Watts et Ken Liu. Excusez du peu !
Pour ceux qui ne connaissent pas, il faut rapidement corriger cette anomalie.

Catherine Dufour met en scène deux femmes poussées vers la sortie : Claude qui se met à grandir à 30 ans et Caroline, 90 ans, que l’on pousse vers l’euthanasie. Les deux sont petit à petit rejetées par leur entourage. Claude grandit tant qu’elle effraie, que les gens ne la reconnaissent plus, comme si elle y pouvait grand-chose. Quant à Caroline, sa famille voit d’un mauvais œil des soins qui coûtent chers et dilapident un argent qui ne leur reviendra pas une fois leur parente morte ce qui semble inéluctable. Ce sont peut-être les seules à pouvoir se comprendre... “Des millénaires de silence nous attendent” est sobre et décille les regards sur notre façon de voir les autres, de ne pas accepter le changement. La dignité, voilà le maître-mot. Après le recueil « L’arithmétique terrible de la misère », Catherine Dufour continue à poser un regard lucide et acide sur notre futur proche. On en redemande !

Dans la rubrique “Ballade sur l’arc”, Thomas Day dézingue les revues du dernier trimestre, « Galaxies » s’en prend plein la gueule de manière détournée sans parler de son contenu. Et la parole y est donnée au journaliste Nicolas Martin qui s’occupe de l’émission « La méthode scientifique » sur France Culture. J’avoue que découvrir qu’il figure au sommaire des deux dernières anthologies « Utopiales » me laisse sans voix.
Quant au professeur Lehoucq, il démontre qu’atteindre les étoiles avec un vaisseau propulsé par de l’antimatière n’est guère envisageable. Problème de taille, difficulté à produire le carburant...

Soyons clair, dans ce « Bifrost 100 », il n’y a rien à jeter. Dans l’esprit des lecteurs, ce numéro 100 restera toujours celui de Thomas Day, un auteur qui a tant donné pour la revue et ce, sous bien des formes. Et ce n’est de loin pas fini.
Un régal, tout simplement !


Titre : Bifrost
Numéro : 100
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Guillaume Sorel
Illustrations intérieures : Olivier Jubo, Nicolas Fructus, Romain Étienne
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 100, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : octobre 2020
ISBN : 9782913039971
Dimensions (en cm) : 15 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
10 novembre 2020


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