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Cité de l’orque (La)
Sam J. Miller
Albin Michel Imaginaire, roman traduit de l’anglais (États-Unis), Science-Fiction, 396 pages, février 2019, 24€

22e siècle, au large du Groenland la ville flottante de Qaanaaq abrite son lot de favorisés et de miséreux, tous obligés de fuir des terres dévastées par le réchauffement climatique. Arrive un jour une mystérieuse guerrière inuit accompagnée d’un ours blanc et d’un orque. Qui est-elle et surtout quelles sont les raisons de sa venue ?
Sur cette plateforme surpeuplée aux conditions de vie inhumaines pour la majorité des réfugiés, il n’en faut pas plus pour déclencher une situation explosive.



La cité tentaculaire de Qaanaaq avec ses différents bras donne un cadre impressionnant à ce récit. Elle s’avère étouffante et il est facile d’oublier qu’elle repose sur les flots et donc sa fragilité. La vie y est sans pitié, certains ne peuvent même pas s’étendre de tout leur long pour dormir. Si toutes les couches sociales s’y côtoient, elles ne se mélangent pas et les actionnaires de Qaanaaq font figure d’intouchables relégués au rang de légendes urbaines, tout comme la guerrière que certains ont vu arriver à bord d’un bateau et qui alimentent toutes les conversations.
Si Qaanaaq se dévoile au fil des pages, “Ville sans plan”, une émission pirate, permet de mieux l’appréhender. Qui en est l’instigateur et qui sont toutes les personnes qui prêtent leur voix pour la partager ?

Bien des question alimentent « La cité de l’orque », dont le point de départ ne manque pas d’attrait. Ce sont surtout les accompagnateurs, l’ours blanc et l’orque, qui suscitent la curiosité. D’ailleurs pourquoi les pattes supérieures et la tête de l’ours sont-elles encagées ? De nombreux personnages interviennent, tous différents et explorant une autre facette de l’histoire. Go est une femme à l’ambition démesurée, qui cherche à s’approprier Qaanaaq et pour ce faire il lui faut évincer l’actionnaire qu’elle a identifié. Ni femme ni homme, Soq se décline au pluriel et attrape les Failles, un mal dévastateur qui les déconnecte du présent en leur renvoyant des bribes du passé. Ankit est une fonctionnaire bien placée qui veut soudain en savoir plus sur sa mère et la raison de sa détention. Son frère Kaev survit en combattants sur les poutres et comme homme de mains de Go. Et si Masaaraq la guerrière les réunissait tous ?
Entre affaire de famille et lutte de pouvoir, rien n’est simple. Les intérêts de chacun sont-ils seulement conciliables ?

« La cité de l’orque » ne se lit pas d’une traite, il est préférable de bien s’en imprégner, car ce roman demande à être apprivoisé pour bien cerner ses enjeux. Il est longtemps difficile de lier les différents protagonistes, de comprendre leur rôle dans la marche de Qaanaaq. La situation évolue lentement d’abord, avant que les choses ne s’accélèrent au fur et à mesure des révélations. La venue de Masaaraq sert d’élément déclencheur, cette inconnue perturbe l’équilibre des forces. Les différentes pièces se mettent petit-à-petit en place, des faits comme le comportement de Kaev trouvent leur explication et, grâce à cette dynamique, tout naturellement le lecteur se prend au jeu.

Ce n’est qu’une fois le contexte et les protagonistes cernés, que « La cité de l’orque » révèle toute sa richesse. Le réchauffement climatique est abordé de manière détournée, cette catastrophe figure toujours en arrière-plan et entraîne entre autre la situation présente. Sam J. Miller force le trait pour Qaanaaq, reflet de villes connues et aujourd’hui bien réelles. Il s’agit aussi du fruit de l’ambition sans limite de certains, prêts à toutes les bassesses pour s’enrichir et s’élever dans l’échelle sociale. Ceux qui pourraient freiner le réchauffement concourent à son accélération. L’auteur dérange, il dénonce cette folie de belle manière à travers une science-fiction engagée.
Qui des hommes ou des animaux sont les plus humains ? On peut se le demander...

À l’image de son idée de départ, « La cité de l’orque » ne manque pas d’atouts pour séduire. Qaanaaq saisit les lecteurs dans ses tentacules, avide de les broyer comme la majorité de ses habitants entassés comme des bestiaux. Ses protagonistes s’avèrent complexes comme les liens qui finalement les unissent. Affaire de famille, lutte de pouvoir, décrépitude de notre planète... tout en dérangeant, Sam J. Miller concilie très bien ces problématiques et atteint des sommets insoupçonnés au départ.
Un roman ambitieux, maîtrisé et qui ne laisse pas indifférent.


Titre : La cité de l’orque (Blackfish City, 2018)
Auteur : Sam J. Miller
Illustration de couverture : Aurélien Police
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Anne-Sylvie Homassel
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 396
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : février 2019
ISBN : 9782226438447
Prix : 24 €


Autres livres de la collection sur la Yozone :
- « Mage de bataille, tome 1 » de Peter A. Flannery
- « American Elsewhere » de Robert Jackson Bennett
- « Les étoiles sont légion » de Kameron Hurley

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[email protected]


François Schnebelen
13 mars 2019


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