
La quarantaine désabusée, réussite sociale, marié, deux enfants, il existe sans plus savoir à quoi il aspire. Dans sa grande ville en bord de mer, il ne sait plus s’il est heureux dans ce modèle dynamique et sans cesse en mouvement. Comme un enfant trop gâté qui ne voit plus où sont ses aspirations, il capte un jour un horizon maritime, là, juste entre deux immeubles. Sur un coup de tête, il quitte tout, montant sur le premier paquebot venu et part pour un ailleurs, sans autre désir que de s’arracher à ses habitudes. Un vœu plus qu’exaucé car le bateau fait naufrage et le jette, seul survivant, sur une île perdue dans l’océan. Après l’expérience de la survie en solitude, il découvre une communauté qui conjugue harmonie et médicament. Le bonheur dans l’oubli de la personnalité.

Il s’échappera, bien sûr, brisant sa camisole chimique pour fuir et s’échouer dans un jardin d’Eden où, peut-être, trouvera-t-il un retour à des valeurs simples, naturelles, en plus d’un grand amour. Jusqu’au jour où, par hasard, son regard captera l’attrait d’un nouvel horizon...
Sur 220 pages totalement muettes, Grégory Mardon s’accapare le thème de l’éternelle insatisfaction de l’homme face au désir de bonheur. Ce dernier ne réside-t-il pas dans une forme de perpétuelle fuite en avant ? Peut-être ! Sans doute pas totalement ! A chacun son horizon, vaste, lointain, rassurant, en quête de nouveauté, d’exotisme, de liberté...
Mardon creuse plusieurs options, qu’il conjugue dans une multitude de cadrages, osant toutes les tailles de cases, des plus petites pour jouer de l’accélération du rythme aux plus grandes, vastes cases souvent en panoramique aux pleines et doubles pages, notamment dans la superbe partie allant du naufrage à la découverte d’une île apparemment déserte et vaste.

L’expressivité, la force des décors, les teintes vives et joyeuses (une seule couleur par chapitre) sont les éléments forts qui remplacent tout dialogue, tout texte. Avec son dessin apparemment simple, fluide et précis, Mardon illustre les doutes qui assaillent l’homme moderne, confronté à son trop plein de confort (et de conformisme) et distend les limites de nos prisons mentales tout en limitant les perspectives d’un ailleurs toujours meilleur. Les références sont multiples, on pense à “Soleil vert” de Harry Harrison, au “Meilleur des mondes” d’Huxley, à “Un bonheur insoutenable” d’Ira Levin, l’auteur s’amusant même avec le “Tarzan” de Edgar Rice Burroughs dans la troisième partie teintée du vert de la nature retrouvée.

“L’Échappée” est un très bel album, avec le savoir-faire des Éditions Futuropolis et le bel allant d’un auteur qui signe déjà son troisième album chez cet éditeur. Fuite, évasion, “L’Échappée” cherche à se faire belle ! Pour un intelligent moment de respiration et de réflexion.
L’Échappée
Scénario, dessin et couleurs : Grégory Mardon
Éditeur : Futuropolis
Format : 19,5 x 26,5 cm
Pagination : 224 pages couleur
Dépôt légal : 26 mars 2015
Numéro ISBN : 9782754811323
Prix public : 27 €
Illustrations © Grégory Mardon et Éditions Futuropolis (2015)