Pour la première fois traduit en français, Eric LaRocca présente une sombre affaire de manipulation via le web. En avant-propos, il donne un semblant de cachet à cette affaire qui serait encore devant la justice. Pour les besoins de l’enquête de la police, certains détails sont censurés dans les échanges entre Agnes et Zoe, qu’il compile dans cet ouvrage exposant les faits.
Cela débute innocemment par la vente d’un épluche-pommes (drôle de choix !). Dans l’annonce, Agnes s’étale sur l’histoire de cet objet familial, montrant ainsi qu’elle y tient et témoignant d’une certaine sensibilité. Ce dernier point s’avère peut-être le point déclencheur à tout ce qui suit. Zoe échange avec elle jusqu’à lui faire une proposition apparemment désintéressée qu’Agnes, dans sa situation précaire, ne peut refuser. Le drame est lancé.
Leur relation évolue, Agnes se voit comme la débitrice de Zoe qu’elle apprécie toujours plus, lui avouant même l’aimer. Elle se livre, parle d’elle, de son passé, alors que l’autre n’évoque que ses fantasmes, ses envies malsaines, à lesquels Agnes adhère rapidement dans son désir de plaire. Il y a une escalade dans la soumission à travers deux leviers : les sentiments mais aussi l’argent. Une fois ferrée, Agnes peut-elle seulement reculer ? D’autant que l’envie d’être mère la taraude.
Zoe semble toujours très occupée et lui laisse comprendre que son amour se mérite, qu’il faut tous les jours en faire la preuve en répondant à ses demandes. Et chaque jour, cette question insidieuse et qui ne peut que faire frissonner : « As-tu mérité tes yeux ? » À aucun moment, Agnes ne rencontre Zoe, seul le web à travers les mails et un Chat les réunit, mais Agnes est sous l’emprise de Zoe, prête à tout pour lui plaire. Surtout qu’elle ne la quitte pas !
Cette novella est malsaine en diable. Dès le début, le lecteur sent que la situation de départ va dégénérer, tant Agnes coche la case victime. Manipulation psychologique, évolution de la relation entre les deux femmes, suggestions toujours plus crades jusqu’à un point de non retour qui n’est pas sans interroger. Qui fait le pas de trop : Zoe dans l’idée de base ou Agnes dans sa volonté de porter la vie ? Eric LaRocca présente les faits de façon clinique, laissant finalement le lecteur impuissant assister au drame qui se noue.
« As-tu mérité tes yeux ? » distille le malaise dans l’esprit et n’est pas sans alerter sur les dangers du web et de l’emprise psychologique, un fléau qui n’est pas nouveau.
Une première incursion marquante d’Eric LaRocca en France.
Titre : As-tu mérité tes yeux ? (Things Have Gotten Worse Since We Last Spoke, 2021)
Auteur : Eric LaRocca
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Mélanie Fazi
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 56
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 170
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : janvier 2025
ISBN : 9782381631615
Prix : 12,90 €
Derniers titres chroniqués de la collection : 46. « Le dernier des Aînés » de Adrian Tchaikovsky
47. « La peste du léopard vert » de Walter Jon Williams
48. « Barbares » de Rich Larson
49. « Sweet Harmony » de Claire North
50. « De l’espace et du temps » d’Alastair Reynolds
51. « La marche funèbre des marionnettes » d’Adam-Troy Castro
52. « Kid Wolf et Kraken Boy » de Sam J. Miller
53. « L’automate de Nuremberg » de Thomas Day
54. « Les fils enchevêtrés des marionnettes » d’Adam-Troy Castro
55. « Les armées de ceux que j’aime » de Ken Liu
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