Un indice de son identité... sur la couverture.
Autre problème : durant l’attentat contre Elena Morcese, Félicia, sa septième et dernière fille, la septessence, a été kidnappée ! Et c’est à Mona, 15 ans et pas toujours la plus prudente, qu’Elena a confié la sécurité de ses autres frères et sœurs, réfugiés chez Edouard Unterwald, le chef des nécromanciens et parrain de Tia. La jeune fille est en pleins émois hormonaux depuis l’arrivée au collège de Yuan, le petit-fils de la banquière dragonne Xin Xuen. Malgré les mises en garde de sa soeur aînée et de l’agent Guthier, elle va enquêter sur les derniers mots de sa mère et la disparition de la petite dernière, quitte à outrepasser ses promesses de faire attention...
Dans ce second volume, maintenant que nous sommes familiers de l’univers et de la famille Morcese, Adrien Tomas pousse les choses un peu plus loin. La menace qui plane est plus brutale, et nous fait remonter aux temps passés de la magie. L’auteur entremêle à son histoire des légendes classiques, comme les deux dragons sous le château d’Uther, et convoque des personnages mythiques, comme la magicienne Circé d’Homère, à l’origine de la dynastie des Morcese. D’où le titre.
En bon raconteur d’histoires, l’auteur alterne les points de vue narratifs, entre Tia et Mona essentiellement, chacune sur leur enquête. Sont-elles liées ? Adrien Tomas se joue de ce schéma éclusé mais nous tient en haleine jusqu’à la révélation des... coupables.
Du côté des « adultes », l’ennemi (Wulfric, un dragon - vous l’aviez compris ? - pas content) fait des ravages dans les rangs des mages, enlève la Grand Enchanteresse par intérim. Comme Tia, on découvre une Dina bien plus forte qu’elle en a l’air, juste différente de sa mère. Comme toutes les filles Morcese, elle a ses défauts délicieux (un goût immodéré des grades masculins qui fait fondre ses interlocuteurs). Elle est bien plus diplomate que Tia qui, on le rappelle, passe son temps à râler. Imaginez Rosa Diaz de la série « Brooklyn 99 » avec un crinière rousse.
Les choses dérapant plus vite qu’un pingouin sur une plaque de verglas, Tia et Benjamin (qui a aussi un amusant petit défaut) se retrouvent en cavale dans la campagne lilloise, et on découvre un autre versant du panorama magique de la France, avec une grande Famille décimée et méprisée par Elena. Encore une fois, l’auteur densifie son univers, le montre bien moins lisse qu’il y paraît.
L’humour est toujours très présent, mais ne dynamite pas la tension générale, tout juste nous permet-il de souffler un peu. Les répliques acerbes de Tia, le minaudage de Dina face au capitaine, le dégoût de Mina face aux démonstrations amoureuses de ses deux meilleurs amis... Les ados enfreignent quelques interdits pour retrouver Félicia, mais craignent plus la punition parentale que de se fourrer dans un nid de vipères. Autour de Tia, il y a systématiquement des effets de décalage entre le dramatique de la situation et l’incongruité basique du décor, comme la rencontre avec le père de Grimance, mage très puissant et en même temps géant bedonnant à la retraite, avec pull en laine et charentaises. Idem pour Arthur et Gwen, gentils octogénaires anglais... en apparence.
« L’affaire Circé » est une belle histoire de loyauté, d’esprit de famille, au sens large. Malgré ses réticences, Tia tolère rapidement Grimance, et cela va s’accélérant tandis qu’elle découvre son douloureux passé et ce qu’il a dû surmonter et accepter. Edwin demeure le moins fiable de la fratrie, et fait profil bas, d’autant qu’il a entraîné les jumeaux dans ses bêtises. Tout le clan fait corps autour d’Elena meurtrie, tout comme le monde du Voile va faire corps contre une menace qui peut les annihiler tous, et les humains aussi. L’alliance pour la survie s’étend même à la pègre : Tia ayant fait la paix avec Olga Dahl, la femme de son ex-fiancé troll, les forces moins régulières se joignent à l’effort. D’autres alliances plus ou moins inattendues vous attendent au détour d’une page.
Le traitement des ados, Mona, Yuan, Samir et Héloïse, est toujours d’une grande justesse. Le nouvel arrivant met en lumière que la réaction de Mona envers ses amis n’est pas que le dégoût de les voir s’embrasser en permanence mais le sentiment d’abandon. La jeune sorcière rechigne à l’admettre jusqu’à elle-même être submergée d’hormones, et sans l’enquête sur l’enlèvement de Félicia, les deux petits couples auraient pu couler des jours heureux, leurs papouilles d’amoureux uniquement interrompus par les cours. Au lieu de cela, ça joue avec des mains de gloire volées et ça manipule la police ! Bonne élève à l’école de Tia, Mona s’annonce redoutable à l’avenir.
Ce second tome est toujours aussi bien rythmé, tension et réparties cinglantes s’enchaînent avec des révélations au goutte-à-goutte régulier. On retrouve avec un bonheur non dissimulable tout le talent d’auteur d’Adrien Tomas dans une histoire bourrée d’émotions, qu’on rêvera de voir portée à l’écran.
Bon, maintenant on espère pour 2025 un méchant encore plus méchant ?
Titre : L’affaire Circé
Série : Les Dossiers du Voile, tome 2
Auteur : Adrien Tomas
Couverture : Charlotte Blay / Julie Bureau
Éditeur : Fleurus
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 433
Format (en cm) : 21 x 14 x 3
Dépôt légal : septembre 2023
ISBN : 9782215180913
Prix : 16,95 €
(Relire la chronique du tome 1)
