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Mystères d’Anglefer (Les)
Johan Héliot
Fleurus, roman (France), steampunk, 236 pages, mai 2023, 13,95€

La cité d’Anglefer est verticale : au sommet vivent les Célestes ; dans les Bas-Quartiers, la populace trime dans les usines et meurt jeune, les poumons rongés par le nuage de Schmock qui noircit tout. La ville est ceinte d’une muraille d’acier, et personne n’en sort.
Altaïr est la fille du docteur Watt, le dirigeant d’Anglefer, concepteur génial de toute sa technologie, et notamment des ferhoms qui assurent la police. A 13 ans, elle va faire son entrée dans le monde, mais rêve de plus de liberté que sa vie toute tracée d’héritière.
Bien plus bas, Ormo est décrasseur : il travaille dans les égouts qui descendent des Hautes Sphères. Avec ses tout aussi jeunes collègues Elbert et Garth, coincés dans une camalisation, ils émergent dans un secteur interdit, et les ennuis commencent.



Le prolifique Johan Héliot signe ici une très jolie introduction au steampunk pour les lecteurs de 10-12 ans.

On y trouve les tropes du genre : une cité close, très technologique, où tous ne profitent pas des mêmes privilèges. La verticalité des lieux est aussi celle de la société, et la frontière clairement marquée par le brouillard de pollution qui forme un ciel toujours noir et un plafond infranchissable pour ceux d’en bas. Cette séparation sociale est aussi accompagnée, forcément, d’un régime politique dictatorial pour maintenir cet état de fait, et d’une présence policière la plus déshumanisée possible. Les choses basculent quand une Céleste, qui plus est la fille du dirigeant, gratte un peu sous la surface des choses, cherche des réponses et doit fuir son univers d’apparences pour, littéralement, tomber au plus bas et se frotter à la réalité du Bas peuple, voir de ses yeux l’envers du décor, le coût sociétal de leur vie de rêve dans les Hautes Sphères. Et y remédier, dans une révolte des enfants contre leurs parents, des héritiers de la société contre leurs aînés qui l’ont détruite.
Tout est là, et l’auteur brosse ses tableaux sans concession aucune : la vie des bas-fonds est une survie, on vole, on mendie, on meurt jeune, tandis qu’en haut tout est beau mais soumis aux apparences.

Si l’auteur prend son temps pour bien installer l’univers, avec un temps d’exposition de la vie de ses deux protagonistes, il n’en néglige pas pour autant l’action. C’est peut-être mon léger reproche, du haut de mon grand âge très loin de la cible du roman : une fois nos héros réunis, tout va très très vite : un faisceau concordant de révélations et de solutions met à bas la dictature en quelques heures. On a à peine eu le temps de se plonger dans l’Histoire d’Anglefer, d’en apprécier les défauts, les failles, les mystères dont 3 contés ici vont la mettre à terre, que c’est déjà fini. De même, les personnages qui n’ont jamais connu autre chose que le fer n’ont pas le temps de rêver à cette Nature presque mythique. L’action, la course-poursuite des autorités aux trousses des ados rythme le récit.

L’auteur propose également une fin ouverte en forme d’espoir pour l’avenir, mais qui là encore me laisse un peu sur ma faim. Mais ce sera sans doute le tremplin pour l’imagination des jeunes lecteurs, la possibilité pour eux de réfléchir à cet après, en s’emparent des thématiques très bien mise en avant par le livre : technologie contre écologie, privilèges contre égalité.

Les vieux comme moi souriront aux références saupoudrées par l’auteur (le nom ou matricule des ferhoms policiers : Jekkyde et 1138, clins d’yeux à Robert Louis Stevenson et George Lucas sur deux œuvres qui traitent fortement de ce qu’est être humain). La blonde et pâle Altaïr a le nom d’une étoile très brillante, mais lorsqu’elle chute je n’ai pu m’empêcher de penser au héros du jeu « Assassin’s Creed » (qui tombe souvent aussi).

Une très agréable entrée dans le genre, quoiqu’un peu courte, parfaite pour évoquer des problématiques sociales et écologiques hélas toujours d’actualité.
Et pour ceux qui voudraient poursuivre, on conseille la série « Mortal Engines » de Philip Reeve adaptée à l’écran, « Cœurs de Rouille » de Justine Niogret et l’animé « Steamboy » de Katsuhiro Ôtomo.


Titre : Les Mystères d’Anglefer
Auteur : Johan Héliot
Couverture : George Ermos
Éditeur : Fleurus
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 236
Format (en cm) :
Dépôt légal : mai 2023
ISBN : 9782215182962
Prix : 13,95 €



Nicolas Soffray
14 juillet 2023


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