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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Exploration
D. Nolan Clark
Bragelonne, science-fiction, 547 pages, janvier 2019, 20 €

Dans l’avenir imaginé par Nolan Clark et décrit dans « Invasion », le premier tome de cette trilogie, l’humanité a colonisé l’espace en franchissant d’incommensurables distances grâce aux raccourcis offerts par les fameux « trous de ver ». Après des guerres incessantes, le modèle civilisationnel que nous connaissons est parvenu à son plein accomplissement : les multinationales gèrent non seulement le commerce, mais également tout le reste, la puissance militaire – la Navy – restée entre les mains des États-Unis n’ayant pas d’autre choix que d’« arbitrer » ces conflits en épousant systématiquement la cause de la multinationale la plus faible et en écrasant la plus forte. Lorsque la planère Niraya est attaquée de manière particulièrement barbare, le capitaine Aleister Lanoe, trois cents ans et une multitude de guerres au compteur, le pilote le plus mythique, le plus légendaire de l’univers connu, ne tarde pas à prendre fait et cause pour les opprimés. Et au terme d’aventures héroïques découvre que l’envahisseur pourrait être pire encore (si, si, c’est possible) qu’une simple multinationale.



« Le vaisseau de reconnaissance vira à quatre-vingt-dix degrés sur la droite en quelques millisecondes. Le fuselage hurla sous la tension tandis que le moteur cherchait à s’arracher à son support. Le cocon inertiel enfonça brutalement Lanoe son siège, comme frappé par un énorme marteau. Sa respiration se bloqua, de même que le sang dans ses veines. Sa vision se réduisit à néant à cause de ses yeux aplatis. L’espace d’une seconde, il se retrouva en arrêt cardiaque.  »

Sale temps pour Aleister Lanoe. Alors qu’il vient de sauver la planète Niraya d’une invasion, on dirait bien que tout le monde lui en veut. Il n’a pas pleine et entière confiance en la Navy, qu’il cherche à informer du « premier contact » et de la mise en danger de l’humanité, parce qu’il sait l’institution infiltrée par Centrocor, agrégat de monops ou multinationales, qui par ailleurs le traque. Mais voilà que la Navy le fait disparaître, lui fournit des informations à peine croyables, lui confie un croiseur, un équipage, et une mission ultra-secrète. Mais Lanoe se méfie. À peine nommé commandant, il débarque l’équipage et poursuit sa mission avec une équipe composée de bric et de broc en qui il peut avoir confiance. Le voilà donc, à présent, pourchassé non seulement par Centrocor, mais aussi par la Navy qui n’a pas vraiment goûté l’initiative.

« Si nous continuons cette trajectoire, sans dévier vers Avernus, nous quitterons tout bonnement l’espace humain. Nous irons plus loin que personne n’est jamais allé. Une perspective excitante pour certains. Un horizon effrayant pour le reste d’entre nous. »

Si l’on excepte une incohérence rituelle destinée à favoriser la pyrotechnie (les chasseurs de Centrocor essaient par tous les moyens de transformer le vaisseau de Lanoe en poussière radioactive, mais on apprendra quelques pages plus loin qu’ils devaient le capturer !), « Exploration  » tient la route, ou plutôt l’espace. Les propriétés des « trous de ver » imaginées par Nolan Clark feraient sans doute hurler plus d’un physicien théorique, mais la description du « verspace », ces nœuds de non-espace labyrinthiques, dangereux, imprévisibles, éclairés par une lueur spectrale, fonctionne à plein, équivalent spatial des étendues de mers glaciaires aux brumes impénétrables et fantastiques des récits d’antan, débouchant sur de lointaines planètes (rivages), où l’on fera des découvertes effarantes.

« Le capitaine bougeait par saccades, comme s’il avait pris trop de stimulants. À croire que son squelette allait s’arracher à sa chair pour se livrer à une danse sauvage sur le pont. En réalité, la Navy l’avait taillé, ciselé comme une arme absolue. Lorsqu’il n’y avait pas de combats à mener, il suffisait de le ranger dans une boîte. Il ne revenait vraiment à la vie que si des chasseurs ennemis lui fonçaient dessus. »

Encore faudrait-il les atteindre, ces lointaines planètes, avec aux trousses la puissance quasiment sans limites de Centrocor, décidément impossible à semer même à travers les trous de ver les plus embrouillés. On aura donc droit à une multitude de combats spatiaux échevelés, dans la grande tradition des « Star Wars », où l’on pilote et se mitraille à vue dans l’espace comme le faisaient les pilotes de la seconde guerre mondiale. Heureusement, Lanoe n’est pas seul : il a à ses côtés Tannis Valk, le légendaire Diable Bleu, Candless, une alliée de longue date, Bury et Ginger, deux jeunes recrues, et même l’infâme Braggs, qui, quand il n’est pas occupé à retourner sa veste, transforme les étendues glacées de l’espace en cimetière de vaisseaux ennemis.

« Un sourire sinistre étira les joues creuses de Shulkin. Un horrible bruit de crécelle – peut-être un grognement de triomphe – s’échappa de sa gorge. »

Combats rituels, combats spatiaux, intelligences artificielles, intelligences extraterrestres, aventures sur des planètes lointaines, big dumb objects, extension de la longévité à plusieurs siècles, technologies de pointe et bricolages héroïques : dans la vaste panoplie de la science-fiction, Nolan Clark va piocher ici et là les éléments nécessaires à une belle histoire. Space-opera presque à l’ancienne, avec injection d’une poignée d’éléments au goût du jour, récit d’aventures sans prétention, roman populaire au sens noble du terme, « Exploration  » apparaît comme une bonne surprise. Alors que la plupart des seconds tomes de trilogies ne sont habituellement que dilution, transition, remplissage, « Exploration  », plus riche, plus dense, plus fouillé qu’« Invasion », ne se contente pas de filer en roue libre sur l’élan imprimé par le premier volet mais bifurque vers des directions inattendues. Happant son lecteur d’un bout à l’autre des cinq-cent-quarante-sept pages, offrant son lot de surprises et de rebondissements, l’auteur assure le service sans faillir. On attend donc le troisième et dernier tome, « Forbidden suns », avide de connaître les destins de l’humanité, de Centrocor, de la Navy, des extraterrestres, mais surtout du mythique pilote Aleister Lanoe, du non moins mythique Diable Bleu, de l’infâme Braggs et des autres membres de la Navy entraînés dans leurs folles aventures.


Titre : Exploration
Auteur : D. Nolan Clark
Série : La longue traque, volume II
Couverture : Pierre Santamaria
Traduction : Claude Mamier
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 547
Format (en cm) : 15 x 22,7
Dépôt légal : janvier 2019
ISBN : 9791028108304


D. Nolan Clark alias David Wellington sur la Yozone :

- « Invasion »
- « Positif »
- « 13 balles dans la peau (Vampire Story I) »
- « 99 cercueils (Vampire Story II) »
- « Vampire zéro (Vampire Story III) »
- « 23 heures (Vampire Story IV) »


Hilaire Alrune
17 février 2019


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