Je ne vous déflore pas plus l’intrigue, qui déflore d’ailleurs beaucoup de choses.
Âmes sensibles, abstenez-vous, car la Grande Dame Gudule (1945-2015 :-( ), si vous ne la connaissez que pour ses écrits jeunesse, fait preuve d’une férocité et d’une cruauté sans bornes contre la bien-pensance.
Elle ne respecte rien. Si vous survivez aux premières pages, vous adorerez. La voici donc qui désenchante la Table Ronde et tout le bazar. Merlin, 15 siècles plus tard, clodo, y croit encore quand la vinasse lui accorde un peu de répit et de lucidité. Y voyant sa rédemption, la possible venue de ce Sauveur qu’on attend toujours, son retour en grâce, il est prêt à brûler ses dernier pouvoir pour forcer un peu les choses. Qu’importe que son Graal soit une coiffeuse hommasse qui fume de l’herbe, Arthur un mac, Guenièvre une vieille pute qui tartine des rillettes... Seul compte la conception du Sauveur. Bon, un Perceval homo, ça n’aide pas... Mais bon, courage !
Derrière une parodie déjantée, Gudule brosse cependant (oui, soyons sérieux deux minutes) le tableau de notre société, d’un Paris fin XXe guère reluisant, où le contact humain est le fait de petites gens, tandis que les écrans et caméras fleurissent, traquant et repoussant la misère loin des yeux. Ses personnages survivent plus qu’ils ne vivent, d’expédients, usant de drogues plus ou moins douces et de petits trafics et arrangements. Une France de la débrouille, de la marge, pas reluisante derrière son maquillage. Pour un Merlin qui ne s’est pas trop tenu au goût du jour, certains codes sociaux sont un peu obscurs. A l’autre bout du spectre, on appréciera comme on voudra son petit flicaillon, nain aux dents longues propulsé par hasard sur la voie toute tracée du succès, de la corruption et du nettoyage au karcher.
Rien ne nous est épargné. Merlin est une épave anachronique qui se dépatouile comme si le monde n’avait guère changé (il n’a pas tort, sur le fond. Sur la forme, en revanche...) Les fées défraichies sont à tomber, de Moorgën qui adhère aux idées nationalistes à Clochette qui aime se faire tripoter par les petits garçons, avant de se mettre à aimer être brutalisée (et par un rouquin qui chuinte, qui plus est). Tout ce fracas est étrangement bien huilé (faut-il y voir une Volonté Supérieure ?), le pire n’est jamais certain et chaque embellie cache forcément quelque chose...
C’est donc un moment de franche rigolade qui nous attend, et un plaisir coupable d’autant plus savoureux que deux autres rations suivent.
Titre : Le Crépuscule des Dieux
Série : La Ménopause des fées, tome 1/3
Auteur : Gudule
Couverture : Jean Sola
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 190
Format (en cm) :
Dépôt légal : janvier 2005
ISBN : 2915549095
Prix : 13,20 € ou 5,99€ en numérique