Se retrouver enfermés dans un hôpital devient rapidement lassant. Leur vie se borne à la prise de médicament, des périodes de test et rien... Seulement, de petits changements apparaissent peu à peu chez les trois cobayes. Daniel est hanté par des souvenirs de son enfance, ceux de la mort de son père dans ce qui était sensé être un simple accident de voiture. Romain voit sa libido exacerbée au point de voir des connotations sexuelles même dans les simples tests de Rorschach, et que dire de ses rêves remplis d’orgies. Et Moira est malade, la thérapie semble avoir chez elle des conséquences difficiles à décrire : alors que ses camarades paraissent péter les plombs soudainement, elle reste impassible... Ou plutôt elle contient sa haine...
Tonino Benacquista est un écrivain à succès qui s’est essayé à tous les genres : roman, théâtre, cinéma et BD. Certaines de ses œuvres ont été adaptées au cinéma comme « Les Morsures de l’Aube » et « La Boite Noire ». Il revient ici à la BD avec « Les Cobayes », une critique au vitriole des activités pas toujours bien claires des entreprises pharmaceutiques.
Il n’est pas rare de voir nos chers écologistes venir pleurer sur les essais sur animaux de produits pharmaceutiques, mais que pensez alors des tests sur humains, mêmes consentants ? Tonino Benacquista commence son scénario comme un thriller. Le lecteur sent bien que l’expérimentation va mal tourner, la vraie question est comment et pourquoi ? Si le comment nous sera décrit quasiment jour après jour, ne vous attendez pas à un pourquoi. Le discours de l’auteur n’est pas de s’attaquer à un produit en particulier mais à une méthodologie. Les personnages sont décrits avec soins et le lecteur pénètre dans leur vie, entre deux flash-backs, puis plus fortement lors de leur période de totale liberté. L’histoire tourne alors entre le polar, le policier classique, sans jamais tomber dans la facilité du fantastique ou de l’anticipation. Les cobayes n’auront pas de super pouvoirs mais des capacités surboostées tout en restant humaines.
Et c’est bien là le talent de Benacquista et la force de cette BD, derrière le cynisme et la critique, finalement, cette aventure pourrait bien arriver un jour où l’autre.
Côté dessin, nous trouvons Nicolas Barral. En disant simplement que Tardi lui a confié en 2013 la reprise de « Nestor Burma », tout est dit. Le graphisme est réaliste, avec un point fort évident sur les personnages, leurs expressions, pour leur donner de véritables gueules. Nous ne sommes pas dans le stéréotype, ce sont des personnes que l’on pourrait qualifier de lambda, la parfaite illustration de ce que devait chercher Benacquista. Les dessins vont à l’essentiel, pas trop de détails ni de voyeurisme, parvenant en particulier à réaliser des planches sur le thème des orgies tout en finesse sans non plus de fausse pudeur. Le style plus policier lui convient bien sûr sans problème et la deuxième partie de la BD lui permet de donner libre cour à son talent sur ce point. Les couleurs de Philippe de la Fuente peuvent paraitre trop informatiques, pas assez nuancées, mais sans toutefois dévaloriser le travail du crayonné de Nicolas Barral.
« Les Cobayes » est une de ces BD que l’on n’attend pas et qui surprend dans le très bon sens du terme. A découvrir.
Les Cobayes Scénario : Tonino Benacquista
Dessin : Nicolas Barral
Couleurs : Philippe de la Fuente
Éditeur : Dargaud
Dépôt légal :17 janvier 2014
Pagination : 90 pages couleurs
Numéro ISBN : 9782205063264
Prix public : 17,95 €
© Editions Dargaud - Tous droits réservés