C’est que, toute révérence gardée à un scénariste habituellement brillant dans le non-sens et le décalage narratif, David B. nous paraît ici tourner un rien à vide. Ainsi, ses bandes de tueurs ne s’attaquent-elles pas à des objets, comme le faisaient plaisamment les personnages de Hop-Frog, mais tuent, tout bonnement, comme on s’attendrait à ce que fasse tout bon protagoniste de tout western .
La différence, souvent infime, de cette série avec la tradition des histoires de garçons vachers réside dans le fait qu’on tue beaucoup ici, beaucoup trop peut-être, et de façon brouillonne ou distanciée. Comme par inadvertance, en fait, tandis que se multiplient et s’entrecroisent allées et venues dans une pampa dont les pastels gras d’Hugues Micol (à qui l’on devait déjà, dans un style plus ludique, le décapant “Chiquito la Muerte” - Delcourt, 2000) rendent admirablement les étendues battues par les vents.
Étendues infinies, déserts et banquises d’une Terre de feu où l’on finit par se perdre, s’interrogeant sur le pourquoi d’un récit où la multiplication des péripéties et les gesticulations tiennent lieu de propos, le tout servi par une esthétique louvoyant entre hommage à de beaux grands films et décortication du genre narratif dénommé western. Un western certes outrancier et jouissif - les blancs n’y ont pas le beau rôle face à des Indiens qui ne sont plutôt pas des lumières -, mais qui manque de folie, de plaisir évident à démonter les mécanismes narratifs pour les remonter à l’envers.
N’en surnagent pas moins des moments de pur bonheur visuel, comme ces images d’une mer déchaînée, mais qu’ordonnent les injonctions d’une divinité locale. Et des séquences de poésie épatante, comme lorsque l’archer rouge qui a perdu son arc décide de tâter des armes automatiques et se lance dans une ode aux cartouches vues comme des berceaux où dorment les enfants de la mort, en même temps qu’il peuple le mécanisme d’un colt d’entités issues de son panthéon personnel...
Mais pour le reste, la chose manque de surprises et de provocation. A moins que Monsieur Gris, nabot montrant le bout d’un nez qu’il a longuet dans les dernières planches de ce deuxième album, vienne mettre le feu aux poudres - celles de de perlin-pinpin, bien sûr - où le tome à venir puiserait sa magie ? Croisons les doigts, attendons de voir...
(T2) Les Noctambules Série : Terre de Feu
Textes : David B.
Dessins : Hugues Micol
Editeur : Futuropolis]
Dépôt légal : 3 décembre 2009
Pagination : 64 pages N/B
Format : 23,5 x 32 cm
ISBN : 978-2-7548-0292-5
Prix public : 16 €
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