C’est vrai qu’il est varié, ce Londres où vit Zárate et où Sampayo nous promène d’une tranche de vie à l’autre, question de faire partager l’univers mental de personnages que les détails de leur paraître et de leur être rendent directement crédibles : l’inspecteur de police Peter Greene confronté au terrorisme moderne ainsi qu’à la vague attirance pour une jeune stagiaire, le jeune fils de riches Jeremy Greene qui n’aime pas son visage bien qu’il ne soit pas laid et que beaucoup s’accordent à le trouver attirant, et puis Helen Rosen, animatrice vedette d’une émission à succès qui a pour nom « Ton problème est le nôtre » et qui fait à la chaîne, le temps de quelques émissions, autant de vedettes fragiles qu’il y a de personnes à problèmes parmi les téléspectateurs pris à témoin.
Puisque c’est bien cela qui, tel un fil rouge, relie les protagonistes : l’écran où passe Peter Greene pour faire un point bougon sur l’enquête en cours, l’écran où le visage que Jeremy déteste apparaîtra bientôt en pleine lumière, question de quémander l’argent grâce auquel se sauver la face... Ecran magique au coeur duquel Helen Rosen joue son rôle équivoque de bonne fée maternelle et de professionnelle victime des taux d’audience, tandis que l’ensemble du public fait de cet écran, où il se mire et se projette, un ersatz de cohésion sociale.
Les images électroniques comme leurre et refuge collectifs, alors même qu’une métaphore du mal et de nos démons s’insinue partout, sous la forme des ces failles qui lézardent les murs de la bonne vieille ville de Londres. Au point de faire craindre qu’elle serait en sursis et qu’un effondrement généralisé, depuis les édifices publics jusqu’aux logis les plus modestes, menacerait tout un chacun.
Ainsi, Sampayo fait-il vivre de l’intérieur, et comme gratter de l’ongle des obsessions contemporaines majeures, telle une fascination médiatique qui va de pair avec l’autodestruction de l’image de soi. Tout en faisant coexister le terrorisme idéologique et sa forme qualifiable d’abâtardie : soit cette démarche dépourvue d’autre contenu et d’autre but que le désir irrépressible de se mettre en scène jusqu’à ses fins dernières, au point d’instituer le suicide à l’explosif comme une forme chic et choc de spectacle total. Aussi les lecteurs de BD un rien vieux, une fois refermé ce nouvel opus, en viennent-ils à se dire que l’exploration des multiples méandres de ce monde lézardé témoigne d’un regard critique plus radical encore que les affrontements binaires et la nostalgie hard-boiled où évoluera ad vitam aeternam un certain « Alack Sinner ».
Pour évoquer « Alack Sinner », lire sur la Yozone : José Muñoz Grand Prix de la Ville d’Angoulême 2007
La Faille Scénario : Carlos Sampayo
Dessins : Oscar Zárate
Couleurs : Oscar Zárate
Editions : Futuropolis
Dépôt légal : novembre 2010
Pagination : 88 planches couleurs
Format : 21,5 x 29 cm
ISBN : 978-2-7548-0258-1
Prix public : 18 €
Illustrations : © Oscar Zárate et Futuropolis (2010)