Bref, comme vous l’aurez compris, « Chat blanc » est un mélange de polar, tendance « Le Parrain, » et de fantastique. On suit, par la voix de notre héros, une sombre affaire de famille, tout en découvrant une réalité alternative, proche de l’univers « X-Men » : dans la population, il y a des gens qui détiennent un pouvoir.
(attention, beaucoup de révélations sur l’intrigue dans ce qui suit : si vous voulez garder le suspense intact, sautez jusqu’au gros titre suivant)
Philip, le frère aîné, et le grand-père sont faucheurs de vie : d’un contact, ils cassent les os, tordent les membres, voire tuent. Barron, le cadet, est faucheur de chance : il vous porte la poisse comme il peut faire de vous un grand veinard. Quand à la mère de Cassel (présentement retenue par la justice pour escroquerie), elle vole et manipule les sentiments, d’hommes riches de préférence.
On apprend tout cela au compte-gouttes, dans les premiers chapitres : la narration à la première personne favorise, comme souvent, la rétention d’informations vis-à-vis du lecteur. Je vous en ai déjà trop dit, mais bon, il faut bien ferrer son poisson. Et c’est un plaisir à chaque découverte d’un truc bizarre, même si on plaint vite ce pauvre Cassel. Car Cassel est né sans pouvoir. Normal. Mais normal dans une famille de faucheur.
Aussi son truc, c’est l’arnaque, les bobards, les embrouilles. Et là, le roman prend des airs de « L’Arnaque » (ou la trilogie « Ocean’s eleven », « Ocean’s twelve » et « Ocean’s thirteen », pour les plus jeunes), avec des histoires tordues qui servent d’écran de fumée. ET qui sont toujours à deux doigts de foirer.
L’intrigue de « Chat Blanc » tourne autour d’une mystérieuse chatte, blanche donc, qui semble parler à Cassel durant ses rêves. Très vite, l’ado va échafauder une hypothèse folle : et si cette chatte, aux yeux vairons, était Lila, la fille qu’il a tuée ? Mais cela voudrait dire qu’un faucheur de formes l’a transformée, et ces gars-là, très puissants, sont très rares, et très recherchés par les mafieux. Mais cela signifie également que quelqu’un a trafiqué la mémoire de Cassel...
Polar, SF, fantastique : une famille pas comme les autres
Holly Black, co-auteure des « Chroniques de Spiderwick » (adapté sur grand écran), signe là un très bon roman. Le mélange entre polar, chronique familiale et fantastique est parfaitement réussi. On appréciera les petites touches qui rendent cet univers cohérent, comme l’omniprésence du port de gants (pour se prémunir d’un contact malintentionné) et d’autres comportements ancrés dans les mentalités. On retrouvera une thématique abordée jusque dans la version cinéma des « X-men » : l’identification et le recensement des faucheurs dès leur plus jeune âge.
Bref, au-delà d’une intrigue digne d’un polar, il y a une vraie dimension SF dans sa plus pure expression : une réflexion sur une autre société, la relation avec l’Autre, les préjugés, l’ambivalence envie-répulsion...
Les bons sentiments (les amours impossibles de Cassel, entre une petite amie morte et une autre qui l’a jeté, sans parler d’une fille qui le colle un peu trop) et les moins bons (la tension qui règne dans la famille, dont Cassel se sent exclu du fait de sa différence) achèvent d’un faire un roman pour tous : on est loin de la bluette adolescente (avec vampires et loups-garous). Bien au contraire, l’affaire prend un tour sinistre au fur et à mesure que Cassel découvre la vérité.
Si le roman est annoncé comme un tome 1, il se clôt relativement bien, laissant peu de questions en suspens dans cette histoire, et permet d’arrêter là sa lecture. Néanmoins, les bouleversements provoqués dans les derniers chapitres auront forcément des répercussions, dans un tome 2 que j’ai hâte de dévorer.
Lu sous forme d’épreuves non corrigées, j’ai trouvé moins de 20 coquilles. Il est donc probable que l’édition finale soit quasi-impeccable.
Titre : Chat Blanc (White Cat, 2010)
Série : Les Faucheurs (The Curse Workers), tome 1
Auteur : Holly Black
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Jean-Pierre Pugi
Éditeur : Fleuve Noir
Collection : Territoires
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 364
Format (en cm) : 14,1 x 22,5 x 2,9
Dépôt légal : avril 2011
ISBN : 978-2265091139
Prix : 16,90 €