C’est avec « Les nuits écorchées » que Les éditions Daniel Maghen, spécialisées dans les planches originales et les art’s books illustrés, se lancent dans la bande dessinée classique.
Régis Penet, en solo, se trouve donc chargé de la lourde mission de lancer son éditeur dans la cour des grosses productions. Hors il n’est pas forcément connu pour son travail de scénariste mais il faut avouer qu’il s’en sort plutôt bien, peut-être mieux que sur le graphisme pour le coup.
Si l’on peut aisément apprécier son travail sur des couleurs relativement froides et peu contrastées qui collent parfaitement à l’ambiance générale de « Progénitures », on peut aussi se délecter des décors, certes épurés, mais toujours très fins et précis. Notamment dans la succession planche après planche de ce déferlement de statues qui donne un esprit gothique et mystérieux à l’histoire.
Par contre certaines irrégularités dans la précision du dessin peuvent surprendre. Les visages dans leurs représentations de ¾ ou de profil sont nettement moins beaux que lorsqu’ils sont de face, l’héroïne en devient presque méconnaissable. Cette différence de finition se ressent aussi sur les visuels d’ensemble de Mia le jour et Mia la nuit. Peut-être est-ce un effet de style, mais dans ce cas je reste assez interrogatif sur son intérêt (et sa qualité).
La duplicité est le fil conducteur de cette intrigue. L’héroïne, lieutenant implacable et intransigeante le jour, est à la recherche de désirs interdits la nuit dans un club échangiste. Grâce à une originale narration en voix off, Penet fait louvoyer, tout au long de ce premier volume, son actrice principale entre éthique et perversion, et son intrigue entre polar et fantastique.
Plusieurs univers qui se trouveront tous liés autour de la mort mystérieuse de la fille d’un riche et puissant homme d’affaires dont la principale occupation reste encore cachée mais tourne autour de la manipulation génétique. Un scénario qui s’inspire des mythes de « Frankenstein », et de « Prométhée ».
Dieu a créé l’homme, mais si un homme arrive à créer un autre homme, deviendra-t-il un Dieu ?
Le récit reste assez lent dans son rythme et son orchestration fait monter la tension très progressivement. L’ambiance est à la limite, entre thriller fantastique et dépravations sexuelles, sans jamais tomber dans la facilité de l’excès d’un côté ou de l’autre. Le résultat est feutré et prenant.
Un premier volume introductif, bien rempli, concentré sur les relations humaines, plus que mystérieuses, entre les divers protagonistes. Une atmosphère générale lourde et juste assez malsaine, grâce à un jeu de manipulations et contre manipulations, qui nous emmène tranquillement vers un désir certain de découvrir le second tome.
Une série qui débute par un diptyque, mais devrait se poursuivre par une succession de one shot, qui garderont une même ligne conductrice. Un premier volume au scénario intéressant et bien construit associé à un visuel distillé au compte goutte qui contribue à créer et maintenir une ambiance ensorcelante.
(A noter l’excellente qualité du papier.)
Progénitures Série :Les nuits écorchées
Scénario :Régis Penet
Dessin :Régis Penet
Couleur :Régis Penet
Éditeur :Daniel Maghen
Dépôt légal : mai 2008
Format : 33 x 25 cm
Pagination : 48 pages couleur
ISBN :978-2-356-74001-4
Prix public : 14 €