A présent, trente ans plus tard - ou du moins un quart de siècle plus tard, puisque la version originelle de cette histoire a, en 2003 et 2004, fait l’objet d’une première publication en deux albums, chez Dupuis également, dans la série « La Mémoire des arbres »-, la nouvelle femme en titre du panthéon sensuel de Servais se prénomme Marilou et, avec toutes celles qui l’ont précédée dans la transgression, partage la même fierté de vivre vrai et d’aller jusqu’au bout de ses désirs. Comme Violette et tant d’autres, elle a connu une vie de sauvageonne, à cheminer par les forêts et par les champs en vivant de maraudes, se donnant par coup de cœur à des hommes de rencontre, dont certains qui la quittent et d’autres qu’elle rend complètement fous d’amour, au point de faire basculer son histoire et la leur dans le drame et dans le sang.
Faut-il reprocher à Servais cette unité d’inspiration ? Et du même coup, considérer que l’insertion de ses intrigues dans une société inactuelle représente une forme de fuite ? Il est vrai que ses odes au libre-arbitre sexuel de la femme ont perdu de leur charge provocatrice. D’autant que dans ce cas de figure, la recette du bonheur selon Marilou, lasse de ses errances, consiste à s’établir avec mari, amants et enfant dans ce café-restaurant de la frontière franco-belge où faire gentiment fortune sans souci du qu’en dira-t-on... Un idéal petit-bourgeois, en somme, avec pour seule licence la revendication de l’adultère comme un droit inexpugnable, encore qu’on y mette les formes (« Nous ne sommes jamais moqués de lui, nous savions nous conduire ! », déclare Marilou à propos de son mari).
Il est également exact que Servais décrit de préférence des micro-univers auxquels leur insertion campagnarde ou forestière donne un cachet intemporel, et dont les intrigues se déroulent volontiers dans les années 1950-60, soit celles de sa prime jeunesse. Fort bien, et quoi encore ? S’agirait-il là de vices rédhibitoires ? Sûrement pas pour Jean-Claude Servais. Lui qui, dans ses interviews, n’a jamais fait mystère de ses sujets et motifs de prédilection. On ne lui jettera d’ailleurs pas la pierre si sa préférence, plutôt qu’aux carrosseries rutilantes de berlines dernier cri, va aux corps alanguis de jeunes femmes. Ni non plus si, en bon Ardennais qu’il est, il dessine plus volontiers des écrins de verdure que de sinistres barres de béton. Avec, en prime pour ses lecteurs, le sentiment d’éprouver à chaque nouvelle publication un plaisir comparable à celui de redécouvrir un bon vieux livre...
Le tempérament de Marilou Scénario et dessin : Jean-Claude Servais
Couleurs : Raives
Éditeur : Dupuis
Publication : 5 juin 2009
Pagination : 96 pages
Format : 24 x 32 cm
Prix public : 22 €
Numéro ISBN : 978-2-8001-4423-8
Illustrations : © Dupuis et l’auteur