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Blind Lake
Robert Charles Wilson
Gallimard, Folio SF, roman, traduit de l’anglais (Canada), science-fiction, 482 pages, septembre 2009, 7,70€

Dans les complexes de Crossbank et de Blind Lake, des scientifiques observent des planètes distantes de plusieurs dizaines de milliers d’années. La technologie utilisée les dépasse complètement. Cela fonctionne. Point barre. Mais jusqu’à quand ? Mystère…
À Blind Lake, les condensats de Bose-Einstein (O/BEC), que l’on peut qualifier d’ordinateurs quantiques, sont focalisés sur un extraterrestre précis de la planète UMa47/E. Pour Marguerite Hauser, il s’agit du Sujet, mais la majorité le traite de homard à cause de sa ressemblance lointaine.
Un beau jour, l’armée met tout le site en quarantaine. Tout le monde est bloqué à Blind Lake, sans qu’aucune raison ne soit avancée.
Peu après, le Sujet entame un périple à travers le désert de sa planète.



Pour tous les amateurs de science-fiction, Robert Charles Wilson est devenu un incontournable. Né en 1953 en Californie, mais vivant actuellement au Canada, on lui doit des romans tels que « Mysterium », « Darwinia », « Les Chronolithes », « Spin »… De nombreux prix littéraires ont déjà récompensé une production exigeante et intelligente.
Édité à l’origine, voilà plus d’une quinzaine d’années, par J’ai Lu, Lunes d’Encre et Folio SF ont repris le flambeau depuis, nous permettant de le redécouvrir et de suivre son actualité, ce dont on ne peut que se réjouir.

« Blind Lake », par bien des aspects, relève de la hard science, mais Robert Charles Wilson a l’art de nous présenter toutes les théories étoffant son roman, sans l’alourdir. Il le fait à bon escient, c’est bien intégré au récit et les arguments scientifiques lui donnent un vernis de légitimité.
Robert Charles Wilson joue d’une certaine ambiguïté et, tout comme les personnages de « Blind Lake », on peut s’interroger. L’image du Sujet transmise par les O/BEC traduit-elle une réalité ou une imposture ? Comme personne ne sait comment ces machines fonctionnent, l’interrogation est légitime. C’est comme l’histoire du chat de Schrödinger : tant qu’on n’a pas constaté son état, on ne peut être sûr de rien. Et si la civilisation d’UMa47/E n’était qu’une vaste mystification ? Et l’influence de l’observateur, à quel niveau modifie-t-elle le comportement du Sujet ? La physique quantique repose avant tout sur des densités de probabilités, ce qui donne à « Blind Lake » une dimension irréelle.

Autre moteur du roman : la quarantaine qui immobilise les résidents, les travailleurs réguliers habitant plus loin et les gens de passage dans le périmètre de Blind Lake. Coupées de tout contact extérieur, les mentalités changent. L’incertitude domine, surtout lorsque la situation dure.
Marguerite Hauser se partage entre l’étude du Sujet et sa fille Tessa qui commence à nouveau à avoir, semble-t-il, des visions. Un journaliste bloqué, Chris, entre dans sa vie et lui permet d’espérer un avenir meilleur, loin de Ray Scutter, son ex-mari, un beau salaud qui, par la force des choses, est devenu la plus haute autorité civile du site.

Robert Charles Wilson plonge le petit monde de Blind Lake dans une espèce de huis-clos. C’est comme si le reste de la Terre n’existait plus, ils vivent dans l’inconnu, alors que, paradoxalement, ils peuvent toujours suivre le Sujet à des dizaines d’années lumières.
Bien sûr, les avis divergent sur la conduite à tenir. Une partie désire arrêter les O/BEC, car ils estiment qu’ils sont à l’origine de leur malheur. « Et pourquoi maintenant ? rétorquent leurs détracteurs, maintenant que le Sujet entame un périple qui l’éloigne des siens, que son attitude sort de l’ordinaire. »
Le lecteur est logé à la même enseigne que les personnages, il n’en sait pas plus qu’eux. Robert Charles Wilson prend le temps de distiller les informations et les relations humaines font partie intégrante de l’histoire.

L’auteur montre une belle habileté à concilier les différentes problématiques. Même si le rythme est lent, on ne s’ennuie pas. Comment vont-ils sortir de cette impasse ? Comment les uns et les autres gèreront-ils cette crise ? Que transmettent réellement les O/BEC ? Et le Sujet dans tout ça ?

On peut regretter la rapidité de l’issue. La conclusion nous tombe dessus avec son lot de révélations. Là l’auteur nous prend par surprise, surtout après ne pas s’être pressé outre mesure.
Il n’en reste pas moins que « Blind Lake » est intelligent et intéressant. Il satisfait notre soif de lecture et de découvertes. Ce n’est pas le meilleur roman de Robert Charles Wilson, on lui préfèrera nettement « Les Chronolithes » ou « Spin », mais dans la production actuelle de science-fiction, il se situe au-dessus de la moyenne.

« Blind Lake » mérite de s’y attarder, surtout maintenant qu’il est aussi disponible en poche.


Titre : Blind Lake (Blind Lake, 2003)
Auteur : Robert Charles Wilson
Première édition française : Denoël Lunes d’Encre (2005)
Traduction de l’anglais (Canada) : Gilles Goullet
Couverture : Manchu
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF
Directeur de collection : Pascal Godbillon
Pages : 482
Format (en cm) : 10,8 x 17,9
Dépôt légal : septembre 2009
ISBN : 978-2-07-036069-7
Prix : 7,70 €



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François Schnebelen
22 avril 2010


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Illustration de Manchu



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Version Denoël Lunes d’Encre (2005)



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