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Et si ça n’arrivait plus près de chez vous ?
Lalie Walker poursuivie pour avoir situé son dernier roman au Marché Saint-Pierre
Liberté d’expression


Vous imaginez ? Salem sans ses sorcières, la Nouvelle-Orléans sans ses vampires, l’Opéra Garnier sans son fantôme, Notre-Dame de Paris sans Quasimodo ???

Tant de lieux mythiques qui ont hébergé des œuvres tout aussi mythiques. Des meurtres, des intrigues, des trahisons, des conspirations… Et jamais les villes ni les lieux cités n’ont émis d’objection, ni porté plainte, souvent bien contents de la publicité gratuite générée, en tout cas à ma connaissance.

Apparemment, ce n’est pas l’avis du célèbre marché Saint-Pierre, situé dans le XVIIIème arrondissement parisien. En effet ce dernier a décidé de poursuivre pour diffamation et injure Lalie Walker , pour son roman « Aux Malheurs des Dames », dont l’intrigue se déroulait dans cet établissement, malgré toutes les précautions de rigueur (avertissement en ouverture que les faits sont fictifs, changement des noms et mêmes des situations des propriétaires). Propriétaires qui jugent ainsi diffamatoire que leurs “homologues” fictifs soient suspectés des kidnappings qui ont lieu dans le roman. Ces gens ont-ils bien compris la différence entre biographie et fiction ? Et, au risque de paraître moi-même diffamatoire pour le coup, je me pose la question de savoir s’ils disposent de la moindre imagination pour être capable de réagir de la sorte à un roman.

Certes, ce n’est pas parce qu’un roman est fictif qu’il ne peut pas y avoir diffamation ou injure, mais dans ces cas-là, il faut qu’il y ait confusion (pour les personnes) entre le réel et l’écrit.
Un autre problème se pose quand on sait que la citation à comparaître porte aussi mention de deux anciens salariés de l’entreprise, a priori inconnus de l’auteure. Mais même sans cela, que deviendront les auteurs (et les lecteurs aussi !) s’il leur devient impossible d’utiliser des lieux réels pour ancrer et visualiser leurs histoires ?

Ceci n’est pas sans rappeler d’autres affaires du même genre. Ainsi, l’Opus Dei a dernièrement perdu le procès qui l’opposait à l’éditeur et à l’auteure de « Camino 999 ». L’instigateur de ce procès, qui reprochait aux éditions Après la Lune de porter atteinte à l’honneur et à la considération de l’Opus Dei, a même été condamné à verser 2 000 euros à l’éditeur.
La différence ici, c’est que Village d’Orsel, propriétaire du Marché Saint Pierre, réclame 2 millions de dommages et intérêts.
Je me demande combien aurait pu demander le directeur du Louvre pour le « Da Vinci Code ». Après tout entre le livre et le film, il est déjà mort deux fois ! Et je ne parle même pas de la ville de Forks (« Twilight »), envahie par une communauté de loup-garous (je ne suis pas sûre que les Amérindiens de la région, s’ils existent, aient goûté la plaisanterie) et une famille de vampires (même végétariens)...

Une dernière inquiétude ? L’absence totale de réaction, à l’heure actuelle, de notre ministre de la Culture…


Emmanuelle Mounier
17 mars 2010


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