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Amer : Cattet et Forzani
L’interview exclusive des réalisateurs de « Amer »
30 janvier 2010

Depuis leur rencontre accidentelle à Bruxelles, Hélène Cattet et Bruno Forzani ne se quittent plus et enchaînent avec brio les courts-métrages. La sélection de « Amer », leur premier long-métrage, en compétition officielle cette année à Gérardmer était l’occasion de rencontrer ces deux cinéastes expérimentaux fondus de Giallo.



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Présentation de « Amer » au public de Gérardmer

Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours ?

Hélène Cattet : On a commencé à faire des courts métrages ensemble en 2000, on en a fait cinq en tout, et dès le début on a travaillé ensemble. Les quatre premiers étaient des courts métrages auto-produits, sans argent, chez nous, avec nos copains... Et le dernier était avec une production. C’était la base de notre travail pour « Amer ».
Bruno Forzani : C’était des expérimentations autour du giallo, où on essayait, comme on voulait faire des films assez formels, de travailler la forme avec peu de moyens. Donc on a utilisé divers systèmes, par exemple des diapositives : on faisait des films en diapositives pour avoir la texture du 35 mm sans que ça coûte...
Hélène Cattet : Et pour faire des effets spéciaux, c’était plus pratique en photo animée. Donc ça a un peu posé toutes les bases de notre univers, notamment dans la construction de l’univers visuel, et sonore surtout, parce que comme c’était des diapositives, il fallait recréer tout l’univers sonore. Et maintenant on travaille toujours comme ça, sans son direct.

Quelle serait votre définition du giallo ?

Bruno Forzani : Dans le giallo il y a plusieurs mouvements. Le plus commun c’est celui de Dario Argento, avec le tueur et les gants en cuir noir ; après il y a le giallo de machination, qui date d’avant, avec les films de Umberto Lenzi, et qui s’inspire des Diaboliques de Clouzot au niveau de la structure ; et puis après, dans les années 70, il y a un courant qui mélange la violence et l’érotisme poussés à l’extrême, où on ne retrouve pas vraiment la figure du tueur ganté. C’est une masse de films qu’on ne peut pas vraiment définir précisément, mais en tout cas je ne perçois pas le giallo comme simplement des gants en cuir noir. Après pour nous, qu’est-ce qui le différencie des autres genres, et quelle est sa personnalité : dans le cinéma bis italien, c’est ce mélange de cinéma d’exploitation et de cinéma expérimental, où les séquences de meurtres, les séquences érotiques, les séquences psychédéliques prennent des dimensions incroyables. Les gens essayaient des choses, même si on était dans un cinéma d’exploitation, il y avait une sorte de liberté dans la réalisation. C’est ce qui nous plaît dans ce cinéma-là.

Votre film est souvent présenté comme un hommage au giallo. Est-ce que ce n’est pas un peu réducteur ?

Hélène Cattet : Avant tout, c’est un film où on développe un sujet personnel, à travers un langage inspiré par le giallo notamment, mais pas uniquement, inspiré par le cinéma de genre italien des années 60-7.0, par le cinéma japonais de ces mêmes années, par le cinéma expérimental... C’est vraiment un tissage de tout ce qui nous a marqué, qu’on a aimé, ou peut-être même parfois qu’on n’a pas aimé, mais dont on s’est imbibés. C’est comme si toutes ces oeuvres dormaient un peu en nous, et puis d’un coup quand tu veux développer ton projet, elles ressortent.
Bruno Forzani : On est aussi tout à fait d’accord avec l’appellation de « néo-giallo » ou « giallo expérimental », comme on a pu le lire, pour « Amer ». C’est quand même quelque chose qui est dans le film assez important, assez présent. Nous, en tant que spectateurs de giallo, on a pris ce qu’on aimait, on n’a pas tout pris.
Hélène Cattet : C’est surtout toute l’iconographie et tout le langage visuel et sonore qu’on a utilisé. Comme c’est un langage sonore et visuel très fort et très onirique, ça remplace les mots, du coup on peut les détourner pour donner un sens différent de ce qu’il y a à l’origine, pour développer notre propos intime.
Bruno Forzani : Il y a des codes comme ça qui sont très précis, la baignoire par exemple, il y a toujours un meurtre dans une baignoire, et là on s’est demandé comment on pouvait le détourner.

C’est une scène qui a beaucoup dérouté les spectateurs...

Bruno Forzani : Ce que j’aime dans ce cinéma italien, c’est qu’il y a une sorte d’équilibre dans l’extrême, tu te mets en danger...
Hélène Cattet : C’est sur le fil du rasoir, c’est vraiment ça !
Bruno Forzani : En même temps si je voyais ça dans un film, ça me ferait rire, dans le sens où je prendrais du plaisir à voir ça, je trouverais que c’est une idée rigolote. Et en même temps il y a un côté fascination, c’est un peu le mélange des deux.

Vous pourriez dire un mot sur la musique du film ?

Bruno Forzani : Ce sont des musiques de giallos. Le générique du début, c’est la musique de « La Queue du scorpion », au mileu il y en a une de Morricone notamment, et la musique de fin est de Cipriani.

On sent aussi dans votre film une influence du western et de Sergio Leone notamment...

Hélène Cattet : Oui tout à fait. Même depuis nos courts métrages, on joue avec tous ces codes pour les détourner, les gros plans sur les yeux, entre les jambes, et j’aime bien ce jeu avec les duels, qu’on peut s’accaparer.

Avez-vous rencontré beaucoup de difficultés pour produire « Amer » ?

Bruno Forzani : Enormément. On a eu le tiers du budget prévu, et au final on a fait le film avec 680 000 euros.
Hélène Cattet : On a pu le faire, parce que comme on a fait nos courts métrages sans argent, on avait l’habitude de travailler avec la même équipe, à savoir nos amis, avec qui on a grandi cinématographiquement parlant ; on sait travailler dans des conditions de tout petit budget, heureusement...
Bruno Forzani : Ca a été difficile aussi de trouver les bons partenaires. Quand on a rencontré François Cognard, le producteur français, ça a été vraiment super. Jusque là, comme on se situe entre le film de genre et le film expérimental, quand on allait présenter notre film à des spécialistes de cinéma d’auteur, on nous disait « Ah non, c’est un film de genre, on n’aime pas », et vice versa quand on s’adressait aux spécialistes de films de genre. On était un peu bloqué, parce que pour les producteurs qu’on rencontrait, faire un film de genre c’était copier ce qui se fait aux Etats-Unis, donc il fallait qu’on fasse un truc genre Saw, l’Armée des Morts ou Hostel. Et nous, on ne s’inspire pas du tout du cinéma américain, on s’inspire vraiment du cinéma italien, et ces mecs-là ne connaissaient pas ce cinéma-là. Et pour eux ça devait rimer avec box-office. Un truc qui a marché il y a deux mois, il faut faire exactement la même chose pour se faire du pognon, mais il n’y avait pas la passion de ce cinéma-là. Et donc, quand on est tombé sur François Cognard, qui est une des personnes qui nous a fait découvrir ce cinéma via le magazine Starfix, on parlait le même langage, et ce n’était pas cet aspect stéréotypé du cinéma de genre qu’on rencontre parfois, américain et produit.

Est-ce qu’en Belgique le cinéma de genre, au sens large, rencontre les mêmes difficultés qu’en France ?

Hélène Cattet et Bruno Forzani : Encore pire !
Hélène Cattet : Il n’y a pas beaucoup de guichets pour avoir des financements ; c’est génial qu’on ait pu avoir l’argent de la Commission du Film Belge. Mais c’est difficile, et en tout cas il faut une coproduction.
Bruno Forzani : En plus il n’y a pas de tradition de cinéma de genre en Belgique, donc au niveau des interlocuteurs ce n’est pas évident.

Votre film a beaucoup fait débat parmi les spectateurs après sa projection...

Bruno Forzani : Quand on fait un film comme ça, on sait que ça va diviser. Après, nous on a fait ce qu’on aime dans le cinéma de genre, amoureux de ça, quelque chose de personnel, on a rencontré beaucoup de difficultés parce que notre film ne rentrait pas dans l’idée qu’on se fait principalement du film de genre. Mais je comprends très bien les réactions du public. C’est même rigolo de voir que ce que tu as fait provoque des réactions comme ça, c’est assez fascinant.
Hélène Cattet : C’est notre premier film, donc on découvre... tout ! Mais comme « Amer » était la continuité de nos courts métrages, pour nous c’était normal d’écrire comme ça, c’était la suite du travail, la finalité. Mais je comprends aussi les divisions.

On parle en ce moment d’un certain retour du giallo...

Bruno Forzani : Ah ouais ??? C’est pas vrai !!! Et quoi, ça veut dire qu’il va y avoir des giallos ?
Hélène Cattet : Tant mieux ! Génial !


Merci à vous.


LIEN(S) YOZONE

=> La bande annonce
=> La critique du film

=> Le dossier sur la 17e édition du Fantastic’Arts

INTERNET

Le site officiel : http://www.amer-film.com/


Interview réalisée par Amandine Prié durant la 17e édition du Festival du Film Fantastique de Gérardmer



Le Yo-Master
31 janvier 2010



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