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Graceling T1 : Le Don de Katsa
Kristin Cashore
Hachette Jeunesse, roman traduit de l’anglais (États-Unis), fantasy cruelle et naïve, 427 pages, avril 2009, 14,90€

Dans un des sept royaumes, Katsa est une Graceling, facilement identifiable à ses yeux vairons, comme ses congénères. Nièce du roi des Middluns, elle est contrainte d’employer son Don surnaturel, celui du combat, au service de son cruel oncle. Mais la jeune femme rêve de se défaire de ce rôle d’assassin.
Sa rencontre avec Po, prince d’un royaume voisin et Graceling lui aussi, va élargir ses horizons et lui faire envisager un avenir meilleur...



De bons présages


« Graceling : le Don de Katsa » se découpe en 3 parties. La première, sobrement intitulée “Une lady tueuse” et occupant presque la moitié du livre (171 pages), nous fait découvrir les sept royaumes et le triste sort de Katsa, assassin à la botte du roi qui lui confie toutes ses basses œuvres. Mais la jeune femme, garçon manqué et forte tête, n’en peut plus de cette vie et des injustices du roi. Déjà, elle a créé, avec son cousin et ami d’enfance le prince Raffin, un Conseil occulte auquel tous ceux qui souhaitent plus de justice peuvent se rallier, de la femme de chambre du château aux sympathisants plus éloignés. Le chef des espions du roi étant le mentor de Katsa, pas de risque que sa Majesté découvre le pot-aux-roses.
Belle leçon d’idéalisme pour commencer. S’y ajoute l’arrivée au château du prince Po de Lienid, Graceling lui aussi doué au combat, et qui ne laisse pas Katsa indifférente. Las ! on découvre vite qu’elle est plus naïve qu’une adolescente sur le plan des sentiments, si bien que ce sont ses camarades qui doivent lui expliquer ce qu’elle ressent et que visiblement c’est réciproque.
Les deux héros étant censés être âgés de 20-25 ans, on trouvera bizarre ces errances mièvres et ses jeux avortés de séduction, là où même un jeune lecteur comprend ce qui se passe. Mais bon, on mettra ça sur le compte de leur Don, qui les a fait grandir en marge des autres, sans amis, sans adolescence normale.

Que faire ensuite ?

Après un clash avec son oncle, Katsa décide de suivre Po dans sa quête. Le grand-père du prince a été enlevé, et maintenant qu’il est en lieu sûr, Po cherche le commanditaire de cet acte. Très vite, ses soupçons se tournent vers le roi de Monsea, réputé altruiste et pacifique. néanmoins, de curieuses rumeurs filtrent à son sujet, comme le fait qu’il recueille et soigne les animaux blessés, en nombre très important dans son domaine... De plus, son épouse, la tante de Po, s’est enfermée avec sa fille lorsqu’elle a appris l’enlèvement de son père.
On découvre derrière tout cela une sombre affaire de sadisme (la seconde partie s’intitule “Le roi sadique”, donc je ne révèle rien...), et d’autres choses assez dures et adultes, mais abordées avec les mots simples de la petite princesse, Bitterblue. Surprenant et fort agréable à la lecture, malgré un frisson dans le dos. La suite n’est qu’aventures pour échapper au roi, où les pouvoirs des Gracelings sont mis à rude épreuve, comme leur amour récemment éclos et les sacrifices qu’il réclame.
La fin, grandiose dans un mouchoir de poche, voit bien entendu le méchant puni et les amants réunis, malgré là encore de douloureuses révélations.

Espoirs déçus

On ne sait pas trop sur quel pied danser avec ce Graceling. Tantôt l’auteure va trop vite, bien trop, et déverse son histoire comme si elle récitait son canevas ; tantôt elle prend son temps et fait durer certains passages. Difficile de se fier aux indications temporelles (assez rares qui plus est) généralement incohérentes (un voyage qui prend trois jours à l’aller « dure » des semaines au retour, sans explication).
Même chose avec la psychologie des personnages. On acceptera leur naïveté sentimentale, mais certains de leurs actes peinent à nous convaincre qu’ils sont adultes, le côté « amoureux adolescents dramatiques » prenant le pas sur la rationalité de certaines scènes.

Enfin, les choses vont trop vite. L’introduction des personnages, même si elle pose des bases solides pour la quête de Po, prend la moitié du roman. Mais dès les premières pages de la seconde partie, la majorité du mystère est dévoilée dans une scène de meurtre qui tombe à point sous les yeux des héros. Ah, le hasard fait parfois bien les choses...
La fuite loin de Monsea, avec aux talons de l’héroïne une menace invisible, est alors partagée entre les contingences du voyage, vite répétitives, et ses sentiments pour son amant qui protège leur retraite. Au final, on en apprend plus sur le pays du prince qu’autre chose entre des scènes qui sonnent comme des passages obligés.

Ajoutez à cela le style très sommaire, des passages importants vite expédiés, les facilités de scénario, une absence de conséquences d’actes majeurs, et vous obtenez un roman de fantasy avec beaucoup de promesses et pas mal de déceptions. Kristin Cashore signe une aventure pour jeunes ados qui peinera à convaincre les plus grands. Elle gâche de bonnes idées, se perd parfois dans son propos. C’est vite lu, avec la sensation que ça a été vite écrit.
C’est dommage, car il y avait matière à un grand roman, entre l’utopie du Conseil et le sadisme du roi de Monsea.

Coquilles et marketing

Signalons aussi une bonne vingtaine de coquilles, du point manquant à des choses plus gênantes (“sceaux” pour “seaux”...).

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Graceling - corrections


Enfin, sachez que Hachette (en tant que groupe international) a lancé en France le label Orbit, qui publie de la fantasy dans les pays anglo-saxons. « Graceling » a été vite réédité sous ce label, sous une couverture plus tape-à-l’oeil beaucoup moins représentative de son contenu (l’héroïne ne se baladant d’ailleurs jamais avec cette espèce de grande épée). Mais à l’intérieur, c’est la même chose, fautes comprises. On sourira en lisant l’interview d’Audrey Petit, directrice d’Orbit, quand elle déclare qu’ils ne publieront pas de roman jeunesse. Amis lecteurs adultes un tout petit peu exigeants, vous allez être déçus...

On notera par contre la disparition, sur la version Orbit, de la tomaison. En effet, malgré un succès retentissant dans des dizaines de pays (à en croire l’éditeur), aucun tome 2 n’est annoncé, seulement un roman sobrement qualifié de “compagnon”, intitulé « Fire », et qui semble tenir de la préquelle.

Amis jeunes et moins jeunes lecteurs, tournez-vous plutôt vers la collection Wiz d’Albin Michel que sur ce « Graceling » tour à tour déroutant et décevant.


Titre : Graceling (Graceling, 2008)
Sous-titre français : Livre un : le Don de Katsa
Auteur : Kristin Cashore
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Raphaële Eschenbrenner
Couverture : Anne-Claire Payet
Éditeur : Hachette
Réédition à l’identique : Orbit
Site internet : site Lecture Academy (Hachette), Orbit
Pages : 427
Dépôt légal : avril 2009
Format : 13,6 x 21,5 x 2,9
ISBN : 978-201-201-770-2
Prix : 14,90 €



Nicolas Soffray
20 janvier 2010


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