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Yoko Tsuno 8 : Menaces pour la Terre
Roger Leloup
Dupuis - Les intégrales

Alors que le vingt-cinquième album des aventures de Yoko Tsuno (« La Servante de Lucifer ») annoncé pour 2009 est toujours attendu avec impatience par les fans dans les prochains mois, Les éditions Dupuis concluent de superbe manière la publication de l’intégrale en huit volumes consacrée à ce personnage emblématique de la BD.

Sous le titre de « Menaces pour la Terre », nous retrouvons trois récits centrés sur les talents de pilote -et la passion de l’aéronautique- de Yoko Tsuno. Trois aventures qui font une fois de plus appel à des thématiques réalistes, fantastiques et SF.



Publiée à partir de septembre 1970 dans le Journal de Spirou, la série de Roger Leloup consacrée à l’aventureuse électronicienne Yoko Tsuno est incontestablement un des nombreux chefs d’œuvres de la BD.
Un summum de « la ligne claire » où la minutie du détail juste s’accompagne de longues recherches iconographiques et scientifiques afin de crédibiliser au mieux des scénarios ambitieux (voire complexes).
Une création originale par le choix de son personnage principal (une jeune héroïne) alors que seule la superbe hôtesse de l’air Natacha, dont nous vous parlerons très prochainement, relevait de la même ambition à l’époque du lancement de la série.

Pas seulement une héroïne de BD

Yoko Tsuno n’est pourtant pas seulement une BD focalisée sur l’action ou un pur exercice de style dans lequel une jeune femme remplacerait -avantageusement et graphiquement- un super enquêteur lambda.
Fine, sensible, belle, intelligente, douée d’une empathie profonde pour toute créature vivante, séduisante par sa détermination souriante à résoudre les énigmes auxquelles elle est confrontée, Yoko Tsuno est avant tout un concentré de douceur et de sagesse.
Son pouvoir de séduction ne nait donc pas dans l’érotisme de ses formes (agréables pourtant) ou dans un hypothétique statut de superwoman, mais bien dans le sillage d’une aura et d’une présence à nulles autres pareilles.
Car découvrir Yoko Tsuno aujourd’hui, c’est forcément et toujours tomber amoureux d’une icône du neuvième art.

Trois aventures et l’aviation en prime

Ce denier volume de “L’Intégrale de Yoko Tsuno” est centré sur l’aviation et l’aéronautique. Un sujet d’ailleurs remarquablement présenté par Roger Leloup dans un dossier explicatif de vingt-quatre pages qui ouvre le volume. Cadeau supplémentaire, on trouve également à la fin de ce recueil deux pages consacrées aux “Confidences d’Emilia” additionnées de six pages portfolio détaillant les différentes étapes du travail du scénariste dessinateur (crayonnés, encrages et indications des couleurs).
On ne dira jamais assez à quel point Les éditions Dupuis ont hissé la barre qualitative très haut dans cette collection. Il faudra d’ailleurs saluer l’implication de Roger Leloup dans le projet et dire une bonne fois pour toute que cette intégrale est remarquablement conçue et réalisée.
L’alliance parfaite de l’érudition avec le plaisir de la lecture.

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Le célèbre neuvième exemplaire du H.P. 42 qui n’aura jamais existé... sauf dans Yoko Tsuno ! (Message pour l’Éternité, T.5, 1975)

Message pour l’Éternité” (1975), cinquième tome des aventures de Yoko Tsuno, donne la thématique des trois aventures présentées.
Alors que Yoko Tsuno était partie en planeur de Clermont-Ferrand, elle est contrainte d’atterrir cinq cents kilomètres plus loin, près du Centre des Télécommunications de Pleumeur-Bodou et de son immense radôme. Là, elle y fait la rencontre d’un étrange Milord qui lui propose une mission très spéciale. Remonter à la source d’une transmission radio émise par un avion théoriquement disparu en vol depuis plus de quarante ans ! Mais pour cela, il faudra atterrir au centre d’un cratère situé à la frontière de la Chine, de la Russie et de l’Afghanistan. Inutile de le préciser, Yoko Tsuno accepte la proposition. De nombreux écueils vont donc logiquement surgir afin de l’empêcher de résoudre le mystère du signal qui semble avoir traversé le temps.

Visuellement très abouti, “Message pour l’Éternité” propose quelques superbes planches ainsi qu’une aventure aux aspects mélancoliques affirmés. Graphiquement et scénaristiquement, on ne peut s’empêcher de penser à Hergé et à son “Objectif Lune” (1953) lorsque Yoko découvre le centre d’entraînement aéronautique. De même, dès que l’on atterrit dans le fabuleux cratère, paysage désertique tout en rocs dénudés et saillants abandonnés par la vie depuis des lustres, on pense très fort à “On a marché sur la Lune” (1954). L’histoire est belle, palpitante, sans temps mort et d’une grande rigueur stylistique (notre préférée des trois grâce à sa limpidité évidente).

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De Clermont-Ferrand à Pleumeur-Bodou en planeur (“Message pour l’Éternité”, T.5, 1975)

Avec “Le Canon de Kra” (1985), quinzième album dans la série, nous découvrons un tout autre univers et Yoko Tsuno débarque en Asie dans le petit état du Kampong. Elle a pour mission de découvrir pourquoi Sakamoto, un trafiquant d’armes d’origine japonaise, se fait livrer en toute discrétion des obus de plusieurs centaines de kilos. Il faut dire que durant la Seconde Guerre Mondiale, un projet de canon géant avait été développé par les forces de l’Axe dans cette zone et que l’état du Kampong, aujourd’hui très riche en pétrole, vient de s’offrir une centrale nucléaire qui produit quelques déchets radioactifs. On imagine un peu la suite.

Aventure d’espionnage plus classique, dans “Le Canon de Kra” Yoko ira dans les airs, sous la mer, jouera la rebelle planquée sous terre, pilotera des avions (dont le fameux Colibri), survivra à des combats aériens, sabotera un train et fera étalage de toute son intelligence et de sa ruse pour tromper un ennemi redoutable, mais un rien vaniteux. L’histoire a un petit côté James Bond agréable et permet surtout à Roger Leloup de céder (avec une joie communicative) à sa passion pour les avions en proposant de belles cases que les créateurs de “Buck Danny” ne renieraient pas.
On pourra néanmoins regretter que la force du dessin et l’énergie pure de l’intrigue supplantent un fond scénaristique de prime abord assez simple (quoiqu’en se penchant un peu sur certains dialogues, on découvre là aussi que l’auteur connait la grande histoire et les problèmes économiques et politiques de cette partie de l’Asie).

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Le Colibri, un avion que Yoko marquera de son nom (“Le Canon de Kra”, T.15, 1985).

Nettement plus ambitieux, “Le Septième Code” (2005) est le vingt-quatrième et dernier album paru à ce jour.
Arrivée en Amazonie avec sa fille adoptive Rosée du Matin, Yoko accompagne surtout Pol et Vic qui viennent y jouer une partie d’échecs. Mais très vite, tout ce petit monde comprend que d’autres motivations se cachent derrière l’invitation initiale. Espionnage, missile nucléaire, mystérieuse force antigravitationnelle venue des cieux, implication de diverses puissances étrangères, cette aventure foisonne de sujets et d’intrigues.
Album de la rencontre avec Emilia, une jeune fille turbulente de quatorze ans qui pilote un biplan avec la dextérité du Baron Rouge, “Le Septième Code” symbolise à merveille l’aboutissement d’une démarche graphique et scénaristique débutée trente-cinq ans auparavant.
Chaque case est une vraie mine qui regorge de diamants finement ciselés, l’œil accroche une foule de détails et aucun décor n’est jamais anodin. L’histoire aborde tout autant des thématiques scientifiques que SF et fait apparaître de nouveaux personnages dans l’univers de la série.
Le seul petit bémol que l’on pourrait proposer aux lecteurs qui découvriraient pour la première fois cet opus tient justement dans cette richesse globale du scénario et du graphisme. Éléments multiples, quasi enivrants, qui renvoient une palanquée de scénaristes et de dessinateurs contemporains à leurs chères études.

On comprend qu’il ait fallu à Roger Leloup quatre bonnes années de travail pour en arriver là. On devine qu’ils sont bien peu aujourd’hui à prêter autant d’attention à la création d’une BD (mais leurs éditeurs le leur permettraient-ils ?). That is the dilemme and the question !

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Le Tsar, un avion high-tech doté d’un système de
propulsion avant-gardiste
(“Le Septième Code”, T.24, 2005).

Résumons nous : 1975, 1985 et 2005, les années en cinq réussissent incontestablement à Yoko Tsuno (et à son créateur, Roger Leloup).
Ce huitième et dernier volume de la série offrant trois aventures qui débutent dans les airs, amènent Yoko sur Terre et transportent ses lecteurs au ciel.

Et c’est ainsi que se termine cette critique de l’intégrale de Yoko Tsuno, qui ouvre par la même occasion un cycle de chroniques consacrées aux huit volumes parus. Prochain rendez-vous avec le tome 7 (“Sombres Complots”).

Et de peur d’en dire trop, on n’en dira pas plus.


Yoko Tsuno Intégrale 8 Menaces Pour la Terre
- Série : Intégrale Yoko Tsuno
- Auteur (dessin et scénario) : Roger Leloup
- Couleurs : Studio Leonardo
- Maquette (et composition graphique) : Françoise Michaux
- Éditeur : Dupuis
- Collection : Les Intégrales Dupuis
- Sites Internet : fiche album (T5), fiche album (T15), fiche album (T24), fiche album Int. 8, le Blog de Yoko Tsuno, site officiel, fiche collection (site éditeur), un site de fan
- Pages : 174
- Format (en cm) : 22 x 2 X 30 (cartonné)
- Dépôt légal : Novembre 2009
- Code prix : DU10
- ISBN : 978-2-8001-4471-9
- Prix : 18€



© Images et illustrations : Roger Leloup - Dupuis (2009)



Stéphane Pons
12 décembre 2009




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Huitième et dernier volume de l’édition de l’intégrale de Yoko Tsuno (Les Intégrales Dupuis, © 2009).



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Deux pages exemplaires du travail de présentation de la série qui précèdent la réédition des trois aventures (extraits).



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Les trois couvertures originales (© 2009, éditions Dupuis)



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