La couverture annonce la couleur : mélange d’époques, mystère policier, effroi. Dessin rugueux, expressif, intense, troublant... Le hurlement d’horreur d’un marin d’un siècle passé résonne au dessus des têtes d’agents de police new-yorkais des années 40 et de deux détectives des UPI.

Mais justement que veut dire UPI ?
Son créateur, le professeur Winkley, vient d’être tué avec sauvagerie... ce n’est pas lui qui nous le dira !
La maîtresse du défunt, Clara Summers, jolie étudiante en psychologie, aimerait en reprendre la direction... voilà une meilleure piste !
Il lui faut juste obtenir l’accord de John Lord, de retour des horreurs d’une guerre achevée sur le vieux continent. Winckley et John Lord, une sacrée équipe pour résoudre des énigmes où la connaissance en psychologie humaine était essentielle.
Peu semblent vouloir le retour des UPI, ni la pègre, ni la police... mais il est des enquêtes si... particulières !!!

Au-delà de la construction d’une équipe mixte de choix qui joue à apprendre à se connaître, Denis-Pierre Filippi déroule en parallèle une seconde histoire muette, en un temps où naviguer était encore difficile et où perdre sa route, subir maladie ou mutinerie signait la fin définitive de l’aventure. Sur un bateau sans maître, la pestilence, la peur, la mort se sont installées. La folie emporte l’homme vers les rivages de la sauvagerie, ses plus bas instincts se révèlent... pour survivre, jusqu’où ira-t-il ?

Connaître le genre humain dans ce qu’il a de plus extrême est la quête de John Lord. C’est en tout cas ce que laisse apparaître ce premier album où les « Bêtes Sauvages » laissent une forte empreinte d’humanité déconfite.

Filippi surprend dans une partition des plus crues qu’on ne lui connaissait pas. Il livre une mise en bouche aux parfums de mort, aux arômes interdits piochés dans les tourments d’âmes égarées et ce, pour mieux interpeller le lecteur : l’homme n’est-il pas au final qu’une bête ?
Avec Patrick Laumond, il a trouvé celui qui pouvait rendre la bestialité dans les volumes comme dans les atmosphères. La ville glauque, aux perspectives affolantes, offre ses murs grêlés de ciments poussiéreux et sales ; la ville s’étale, noyant ses flics pourris et sa pègre omnipotente dans le brouillard qui distend ses limites ; l’homme sombre quand il abuse de sa force où se résout à revenir vers le seul instinct de survie... Tout cela, Laumond le dépeint avec une force brute, grâce à un travail affiné dans la réalisation de jeux vidéo qui donne à son dessin cette massivité tandis qu’aux couleurs, Sébastien Gérard assène ces tons morbides qui imposent un album peu ordinaire.

On sort de la lecture de cet ouvrage un peu groggy, un peu saoulé par ces mauvais coups assénés sans retenue, avec une multitude de questions en tête sur ce qu’un homme peut être capable de faire à son semblable.

Les « Bêtes Sauvages » ont lancé leur premier cri, on aspire à suivre leurs destinées, en espérant (sans y croire vraiment) qu’un John Lord pourrait nous en protéger !

(T1) Bêtes Sauvages - Opus 1
 Série : John Lord
 Scénario : Denis-Pierre Filippi
 Dessins : Patrick Laumond
 Couleurs : Sébastien Gérard
 Editeur : Les Humanoïdes Associés
 Pagination : 54 pages couleurs
 Parution : octobre 2004
 Format : 24 x 32 cm
 ISBN : 9782731615494
 Prix public : 12.90 €