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Le cyberespace de l'imaginaire




A.I. Intellligence Artificielle
Film américain de Steven Spielberg (2001)
Sortie nationale le 24 octobre 2001

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Genre : science-fiction
Durée : 2h29

Avec Haley Joel Osment (David), Frances O’Connor (Monica Swinton), Sam Robards (Henry Swinton), Jake Thomas (Martin Swinton), Jude Law (Gigolo Joe), William Hurt (Professeur Allen Hobby), Ken Leung (Syatyoo-Sama), Clark Gregg, Kevin Sussman, Tom Gallop, Eugene Osment, April Grace, Matt Wilson (personnel de Cybertronics), Sabrina Grdevich (Meca de Cybertronics), Theo Greenly (Todd), Jeremy James Kissner, Dillon McEwin, Andy Morrow et Curt Youngberg (les enfants), Ashley Scott (Gigolo Jane), John Prosky (Mr. Williamson), Enrico Colantoni (Le meurtrier), Michael Berresse (responsable de la foire à la viande)

Cela faisait près de 20 ans que le projet « Intelligence Artificielle » trottait dans l’esprit visionnaire de Stanley Kubrick, confirmant, après « 2001, L’odyssée de l’espace », la fascination du réalisateur pour le domaine de la pensée cybernétique. Mais des obstacles d’ordre technique - il faut dire que dans un premier temps, Stanley Kubrick envisageait de tourner avec un vrai robot - et des divergences scénaristiques (après Brian Aldiss, dont Kubrick a achèté les droits de la nouvelle « Supertoys last all summer long » dès 1982, mais qui n’adhèrera pas à l’optique de Pinocchio futuriste désirée par le réalisateur, plusieurs romanciers de SF vont se succéder) vont l’amener à, sans cesse, repousser sa mise en chantier. Loin de se décourager, il fait ensuite appel à Ian Watson. Puis, bluffé par le réalisme des images de synthèse du « Jurassic Park » de son ami Steven Spielberg, Kubrick annonce en novembre 1993 le démarrage imminent de la production de « Intelligence Artificielle ». Mais, fin 1995, il temporise à nouveau et décide de tourner « Eyes Wide Shut », son dernier film (pour ne pas dire posthume), avant de s’engager dans la production de « A.I. ». Malheureusement, son décès en mars 1999 ne lui permettra pas de tenir ses engagements. Finalement, Spielberg, qui suivait de près l’affaire et auquel le Maître avait envisagé de confier la réalisation, décide de reprendre la direction du projet. Plongeant dans la quantité de notes, de croquis et d’objets en tous genres laissés par Kubrick, le réalisateur de « E.T. » va se lancer dans la réécriture du script et l’adapter à sa propre sensibilité.

Dans un futur relativement proche, la fonte des glaces, résultant de l’effet de serre, a englouti les grandes cités côtières et inondé une grande partie des terres habitables, déclenchant famines et exodes. Seuls les nations industrialisées sont parvenues à enrayer ce cycle infernal en instituant un contrôle très strict des naissances et en introduisant une nouvelle force de main d’œuvre dans ce monde dévasté : les robots. Devenus rapidement une composante essentielle de cette société en pleine restructuration, les « mécas », autrement dit les créatures mécaniques, assurent désormais la plupart des tâches domestiques. Le professeur Hobbit (William Hurt), un des grands pontes de la Cybertronics Manufacturing, qui ambitionne de repousser les frontières de la robotique et de révolutionner le concept de la vie artificielle, lance le projet d’un tout nouveau modèle d’androïde encore plus perfectionné, une créature artificielle capable de sentiment, un « enfant-méca » entièrement voué à l’amour filial pour remplacer le fils ou la fille que certains couples ne peuvent avoir ou ont tragiquement perdu. Vingt mois plus tard, David (Haley Joel Osment) débarque dans le foyer des Swinton, un couple, dont le fils, Martin (Jake Thomas), dans l’attente d’un remède à la maladie qui le ronge, a été placé en état de sommeil cryogénique. Si, dans un premier temps, Monica Swinton (Frances O’Connor) considère cette adoption contre-nature et rejette tout contact avec l’enfant « méca », l’instinct maternel de la jeune femme ne tarde pas à prendre le dessus. Alors que les choses ont finalement réussi à s’installer, la guérison de Martin et son retour à la maison vont venir dérégler ce bonheur créé artificiellement. Petit à petit, et malgré les efforts de la mère, Martin, l’enfant « orga » (organique) va révéler à David, l’enfant « méca », la nature de leurs différences. Bien vite, la nécessité de se séparer de l’enfant-robot s’impose aux Swinton, mais Monica refuse l’idée que David soit détruit, comme le stipule le contrat Cybertronics, et va préférer le perdre au cours d’une ballade en forêt. Livré à lui-même, David, en compagnie de Teddy, un ourson « méca » qui ne le quitte plus, trouve protection auprès de Gigolo Joe (Jude Law), un robot-sexuel en cavale. Fasciné par l’histoire de « Pinocchio », l’enfant « méca » embarque ses compagnons d’infortune dans une quête plus qu’incertaine : trouver la Fée Bleue et lui demander de le transformer en un véritable petit garçon pour reconquérir l’amour maternel.

Qui aurait pu imaginer que le réalisateur de « Rencontre du 3ème type », replongeant dans la science-fiction et l’écriture pour « Spielbergiser » le très « Kubrickien » projet « Intelligence Artificielle », allait finalement accoucher d’une oeuvre très personnelle et en profiter pour nous faire revisiter les grands axes de sa propre filmographie ?

La première partie de ce film, qui en compte trois bien distinctes, n’est autre que la transposition de la nouvelle de Brian Aldiss qui servit de déclencheur au projet « A.I. » de Stanley Kubrick. Si ce dernier comptait sur la vision de la cité de New-York engloutie pour transcender son récit, Spielberg, qui a complètement réécrit le scénario, va préférer évoquer, au moyen d’une voix off, le désastre planétaire et ne dévoiler ce tableau d’apocalypse que pour entamer sa conclusion. De la même façon, plutôt que nous présenter le quotidien de ce futur sombre et les problèmes de cohabitation entre humains et robots, ou plus exactement entre « orgas » et « mécas », il choisit d’user d’une technique narrative dans laquelle il excelle pour nous faire pénétrer cet univers par le biais de la sacro-sainte cellule familiale américaine (dont le père est ici pratiquement évincé), bien que cette fois il force son trait et adopte une mise en scène plus froide, aux accents Kubrickiens.

Puis, le film bascule avec l’abandon de David par sa mère déchirée. Ejecté du cocon familial, l’enfant-méca va découvrir toute l’horreur du monde extérieur. Sous la protection de Gigolo Joe et de son éternel compagnon, Teddy, l’ourson méca qui lui sert de conscience, à la manière d’un Jiminy Cricket cyber, David va arpenter « Rouge City » dans l’espoir de trouver un indice lui permettant de le conduire jusqu’à la Fée Bleue.

Rompant soudainement le rythme de sa narration, Spielberg passe de l’ambiance feutrée et intimiste de la première partie, au climat baroque, oppressant et sérieusement déjanté de la « foire à la viande », défouloir inspiré des jeux du cirque dans lequel les « organiques » exorcisent haine et frustrations dans le massacre des créatures mécanoïdes, pour finalement glisser dans l’ambiance de parc d’attractions d’une sorte de Las Vegas futuriste. Bien entendu, il illustre d’images fortes le parcours initiatique de l’enfant cybertronics, renvoyant à « Orange mécanique » (on peut même apercevoir un milk-bar non loin de la maison du Dr Know), à « E.T. » (la lune gonflable avec laquelle les orgas traquent les mécas), mais sans vraiment totalement parvenir à convaincre tant surnage une impression de patchwork maladroit. Dommage.

Mais le meilleur reste à venir, puisque « A.I. », dans sa dernière partie, reprend le chemin de la science-fiction spéculative, chère aux deux monstres du cinéma américain que sont Kubrick et Spielberg, pour se conclure sur une projection bien plus sombre que la trame de conte de fées utilisée pour nous y mener, et proposer ses réflexions sur l’existence et le devenir de l’humanité.

Bien entendu, on pourra reprocher à ce film son manque d’homogénéité, résultat des aspirations et des divergences de styles des deux cinéastes. D’un côté, la froideur clinique de Kubrick, de l’autre, le cinéma de l’émotion de Spielberg qui, comme à son habitude, ne va pas hésiter à alourdir ses effets pour ne laisser aucun spectateur hors de la zone de compréhension du récit. Toujours est-il que « A.I. », malgré sa lenteur de rythme et son aspect hybride, n’en est pas moins une grande réussite émotionnelle, truffée de trouvailles visuelles, dans laquelle l’émerveillement et la féerie prennent leur source au cœur des thèmes majeurs de l’anticipation (monde post-apocalyptique, naissance de la vie artificielle, disparition de l’humanité).

Un futur classique de la science-fiction, parsemé d’images inoubliables, qui, s’il relève incontestablement le niveau cinématographique du genre de ce nouveau millénaire, laisse tout de même une question en suspend : qu’aurait été « A.I. » sous la direction de Stanley Kubrick ?

octobre 2002

FICHE TECHNIQUE

Titre original : A.I. (Artificial Intelligence)

Réalisation : Steven Spielberg
Scénario : Steven Spielberg d’après l’histoire de Ian Watson et la nouvelle de Brian Aldiss, « Supertoys Last All Summer Long »

Producteurs : Bonnie Curtis, Kathleen Kennedy, Steven Spielberg
Producteurs exécutifs : Jan Harlan, Walter F. Parkes

Musique originale : John Williams, Paul Barker (chanson), Al Jourgensen (chanson)
Image : Janusz Kaminski
Montage : Michael Kahn
Distribution des rôles : Avy Kaufman
Création Décors : Rick Carter
Direction artistique : Richard L. Johnson, William James Teegarden, Tom Valentine
Décorateur de plateau : Nancy Haigh, Sean House
Création Costumes : Bob Ringwood
Effets spéciaux : Micheal Lantieri
Effets visuels : Dennis Muren & Scott Farrar
Animatronics : Stan Winston
Concept : Stanley Kubrick

Production : Amblin Entertainment, DreamWorks SKG, Stanley Kubrick Productions, Warner Bros.
Distribution : DreamWorks Distribution L.L.C.
Effets spéciaux : Industrial Light & Magic (ILM), Pacific Data Images (PDI), Stan Winston Studio


Bruno Paul
20 octobre 2001



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