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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Blue cerises : Sigrid Baffert/Amos
Interview Yozone
Octobre 2009

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis entrée dans la littérature jeunesse en passant par la porte du montage cinéma et de la chanson. Au début, mes textes étaient issus de l’imaginaire du conte et du fantastique, mais je n’ai été éditée que lorsque que j’ai abordé des histoires beaucoup plus réalistes (avec les éditions Syros). J’ai découvert une autre magie : celle qui surgit du réel, les instants volés, les décrochements, les hasards, qui permettent d’aborder les thèmes graves avec humour.



Qu’est-ce qui vous a attiré dans le projet « Blue Cerises » ?

Quand Cécile m’a proposé ce projet, j’ai d’abord failli refuser : je ne me sentais pas d’écrire à plusieurs. J’avais déjà tenté une fois une expérience peu concluante et je craignais d’avoir trop de contraintes. J’ai décidé de faire un petit essai, on a imaginé que mon personnage pouvait n’avoir qu’une existence éphémère dans la bande, et puis nous avons démarré un forum à quatre sur le web. La mayonnaise a pris immédiatement, une idée en enchaînant une autre, on s’est pris au jeu. On ne se connaissait quasiment pas mutuellement, les personnages ont fait connaissance avant les auteurs, c’était fabuleux ce qui était en train de se passer. La plaisir l’a emporté, j’ai décidé de poursuivre l’aventure. Le fait que nous soyons très différents tous les quatre (et donc dans notre façon d’aborder la création et la narration) est vraiment enrichissant, j’apprends beaucoup.

Pourquoi avoir choisi Amos ?

Je ne l’ai pas choisi. Il s’est présenté à moi naturellement, dans l’univers « blue Cerises ». Je suis plus à l’aise avec les personnages masculins, je pense que ça me donne une certaine distance nécessaire. Du coup nous nous sommes retrouvés avec une bande d’ado composée de deux filles/deux garçons, sans que ce soit un choix réfléchi.
Amos a une famille morcelée, comme la majorité des jeunes d’aujourd’hui, et c’est intéressant de voir comment un ado parvient à se construire avec les failles et les accidents de la vie.
Je ne suis pas sportive et j’avais envie qu’il pratique une activité qui m’a fait rêver gamine : le tir à l’arc. Du coup, j’ai pris quelques cours et… des ampoules aux mains ! C’est ce que j’adore dans notre métier : il nous pousse à découvrir une multitude de choses que l’on n’aurait jamais découvertes sans l’écriture.

Le thème de l’homosexualité est-il plus simple à traiter aujourd’hui qu’auparavant ?

Le sujet est devenu moins tabou en littérature jeunesse – du moins en occident –, et de nombreux écrivains l’ont abordé, mais c’est loin d’être le cas partout. Ces dernières années, il y a eu un phénomène de mode dans les médias, parfois même agaçant, qui a tendance à masquer le fait que dans la vie réelle, les préjugés sont encore tenaces. Dans certains collèges et lycées où je vais, je vois encore trop de jeunes qui souffrent d’une grande solitude.
Je ne souhaitais justement pas aborder l’homosexualité d’Amos comme un « thème à traiter », mais comme l’une des particularités du personnage, sans m’appesantir (à l’inverse, il ne viendrait à personne l’idée de penser l’hétérosexualité comme un « thème à traiter »). Dans la plupart des romans ados, lorsqu’un personnage est homo, c’est presque toujours le sujet central du roman, la catastrophe à surmonter, le coming out douloureux à assumer, etc. Je voulais mettre en scène un jeune qui vive relativement bien sa différence, en particulier vis à vis de son entourage. Pas un personnage tape-à-l’œil comme on se les représente souvent dans l’imaginaire gay pride ou de nombreuses séries télé. Le sujet central des « blue Cerises », c’est l’amitié très forte entre quatre ados, construite en partie autour d’un mystère.

Où aimez-vous travailler ?

Je suis assez nomade, j’écris partout. Mais généralement, je travaille devant mon écran (qui est aussi très nomade chez moi). Je travaille souvent en musique. Ça offre une foulée et un rythme particuliers à l’écriture.

Avez-vous une méthode de travail particulière ?

J’infuse longtemps. J’aime observer le quotidien – qui n’a de quotidien que le nom car tout est propice au surgissement. C’est le boulot de l’auteur : essayer de dénicher la brèche et s’y engouffrer. Je passe d’abord beaucoup plus de temps à écrire dans ma tête que devant mon écran. Comme ça, j’imprime moins, les idées sont biodégradables… Certains passages sont beaucoup retravaillés. Pour enlever, épurer, rarement pour ajouter. J’écris parfois à voix haute comme pour une chanson, le tamis de l’oralité est redoutable. Si je pinaille en me relisant moi-même, c’est que c’est raté. J’ai gardé de mes années cinéma le goût du dialogue « qui sonne juste » (enfin, j’essaie).
Pendant l’écriture d’un texte, je passe du clavier à la feuille papier et au stylo. J’ai besoin des deux supports. Comme j’ai en gros le squelette de mon histoire en tête, j’ai la liberté de ne pas écrire les scènes dans l’ordre chronologique. J’écris au fil du ressenti et des émotions, je commence par les passages qui m’inspirent le plus.

Avez-vous un objet fétiche (stylo, ordinateur...) ?

Fétiche ? Non. Mais depuis des années, j’ai une BD de Brétécher, « Salades de saison », qui sert de support à mon ordinateur portable quand il est installé sur mes genoux (pardon Claire !). Sinon, je suis très visuelle et il m’est arrivé à plusieurs reprises de conserver une photo en fond d’écran durant l’écriture de tel ou tel roman, une photo qui sert de trampoline à mon imaginaire, sans forcément de lien avec le sujet traité. Plutôt en rapport avec une émotion particulière.

Avez-vous un rituel avant de commencer un livre ? Pendant l’écriture ? Après l’avoir terminé ?

Je ne commence jamais un roman sans avoir fait connaissance avec mes personnages ni sans avoir trouvé la « ligne de force ». Ensuite, cette ligne peut valser, être tordue, etc. L’écriture se nourrit d’elle-même, j’ai souvent des surprises, tout peut être bouleversé en cours de route, mais j’ai besoin au départ de savoir où je vais sauter en parachute pour prendre du plaisir à sauter. Ensuite, le vent peut me faire dériver ailleurs…
Dans le cas de « blue Cerises », c’est ce qui est fascinant : naviguer entre son propre imaginaire et celui des autres, passer les frontières, faire sienne une idée qui n’était pas la sienne, l’enrichir, broder autour. On se lance mutuellement des perches qui se transforment en des histoires insoupçonnées. Ecrire à plusieurs plumes offre autant de surprises que de contraintes.
Après avoir terminé un texte, je laisse reposer la pâte, je fais lire à mes proches. J’attends d’avoir moins le nez dans le guidon et du recul pour retravailler. Jusqu’à ce que l’ensemble me semble évident, autonome.

Auriez-vous quelques conseils à donner à un aspirant-écrivain ?

Lire, écrire, vivre, observer, être attentif à l’inattendu, au décalage, aux imprévus, être curieux de tout. Ne jamais envoyer un manuscrit au hasard, mais bien connaître les collections et le travail des éditeurs avant. Et puis le plus important à mes yeux : ne pas créer dans la douleur mais dans le plaisir et le désir. Ne pas avoir peur de tout jeter et de recommencer, être patient et se surprendre (amen).
J’aime la blague du type à qui un ami demande : « ben pourquoi tu ris tout seul ? » et le gars de répondre : « Je viens de me raconter une histoire que je ne connaissais pas ! »

Quel est votre futur éditorial ?

Le tome 3 des Cerises, un album chez Milan avec Jean-Michel Payet-illustrateur qui évoque justement « comment naissent les histoires », la suite de la collection La photo de classe illustrée par Frédéric Rébéna au Sorbier, et puis une série-feuilleton mystère à plusieurs mains… Je travaille aussi sur deux projets de contes musicaux.

Merci Sigrid.


La saison 1 des Blue Cerises sur la YOZONE
L’interview de la directrice de collection : Cécile Roumiguière
L’interview de Jean-Michel Payet/Satya
L’interview de Maryvonne Rippert/Zik
L’interview de Cécile Roumiguière/Violette



Michael Espinosa
25 octobre 2009


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