Au début des années quatre-vingt, un très grand écrivain de SF qui avait renoncé à cette littérature de genre depuis de nombreuses années, fait un retour fracassant dans le genre avec un roman étonnant qui connaîtra plusieurs suites. Il s’agit de Robert Silverberg, écrivain immense à lire absolument.
Coup de théâtre improbable et imprévisible, “Le Château de Lord Valentin” mélange habilement les ingrédients habituels de la fantasy (quête initiatique d’un jeune homme anonyme, univers magique) avec des thématiques SF plus poussées (une planète géante, de nombreuses races extraterrestres, des autochtones parqués dans une réserve, une administration complexe, plusieurs religions, des légendes, etc).
Le roman, d’une amplitude étonnante, tient donc autant du planet opera que des autres genres précités, on parlera donc également de science fantasy.
L’initiative consistant à l’adapter sous forme de bande dessinée est donc une idée à saluer tant l’œuvre originale sort quand même du créneau très (trop) restreint auquel l’édition actuelle (tant en BD qu’en littérature) se limite.
Certes, il y a des chevaliers, une ambiance moyenâgeuse, des êtres étranges, un peu de magie, un jeune héros qui est forcément autre chose que ce qu’il a l’air d’être, mais au moins, Robert Silverberg ouvrait des portes supplémentaires et agrandissait tous les espaces usuellement explorés par le genre. Relecture d’éléments bibliques judéo-chrétiens, intégration de la psychanalyse dans le cœur du récit, éléments politiques et sociaux, autant de sujets qui « sortent » le roman d’une grille de compréhension simple et basique.
Olivier Jouvray (scénario) et David Ratte (dessin) ne trahissent en rien le roman original. Mêmes personnages, scénarisation des principales scènes, ce premier volume correspond en tout point au premier quart du roman (en gros).
Évidemment, tout y est plus condensé, on passe très vite d’une séquence du roman à l’autre, et les nombreuses pages réservées à la narration introspectives dans le texte original n’ont plus vraiment de correspondances dans la version dessinée.
En outre, le principe de multiplication des petites cases, souvent très fournies en détails divers et variés imposés par le récit, frôlent parfois le contre sens interprétatif. En effet, la première partie du “Château de Lord Valentin” plante les décors et les ambiances d’une société qui s’est développée sur une planète géante ou rien n’est vraiment à la taille de ses habitants. Le ressenti éprouvé à la lecture de la BD nous donne un effet équivalent mais inverse. Ce sont les habitants qui paraissent petits dans un monde à l’échelle humaine. Presque pareil, mais pas tout à fait la même chose, serait-on tenté de préciser.
Bon, admettons qu’il s’agisse d’une remarque issue de l’esprit dérangé d’un lecteur enthousiaste de la série de Robert Silverberg (le genre de mec chiant par excellence pour tout adaptateur) et laissons là ces petites remarques.
“Majipoor, Le Château de Lord Valentin” est une BD très sympa qui laisse augurer la naissance d’une série que l’on suivra sur le long cours. Scénario, graphisme et couleurs font preuve d’un beau professionnalisme et l’on part très vite à la (re) découverte d’un monde que l’on croyait connaître par cœur.
Que demander de plus ?
PS : cette BD inaugure la toute nouvelle collection des éditions Soleil : Cherche Futurs qui s’articulera autour de deux genres, la SF et la Fantasy.
« S’attaquer aux plus grands romans de SF et de Fantasy, adapter en Bandes Dessinées ces œuvres fondatrices qui ont marqué et marquent encore des générations d’auteurs et de lecteurs passionnés ».
C’est dit par l"éditeur et enregistré par la Yozone.
Le Château de Lord Valentin (T1)
Série : Majipoor
Scénariste : Olivier Jouvray
Dessinateur : David Ratte
Couleurs : Myriam Lavialle
D’après le roman de : Robert Silverberg (« Le Château de Lord Valentin »)
Editeur : Soleil
Collection : Cherche Futurs
Site Internet : fiche BD, WIP de l’album (site éditeur)
pagination : 48 pages
Format : 24,3 x 32,3 cm
Parution : 22 avril 2009
ISBN : 978-2-30200-537-2
Prix : 12,90€
© Illustrations : David Ratte, Olivier Jouvray, Myriam Lavialle - Soleil 2009.
