Cinquième opus des aventures tumultueuses du commissaire Marcas, policier et franc-maçon, toujours sur les bons coups, même quand ils sont très tordus !
Et c’est peu de le dire tant ce roman, intrigant et original par la masse d’informations qu’il brasse dans sa brièveté (380 pages gros caractères, cool), finit quand même par très rapidement séduire et emporter celui qui s’y frotte.
Deux options de lecture sont néanmoins possibles.
La première voudrait que vous n’ayez jamais entendu parler du mystère de Rennes-le-Château et de son abbé Saunière -pourtant célèbre. Dans ces conditions, les éléments clefs de l’intrigue s’additionnent peu à peu et la construction volontairement énigmatique du roman vous attire... ou vous repousse. En effet, passer de l’époque contemporaine avec une enquête policière basique à celle du bûcher de Jeanne d’Arc où des francs-maçons conspirent dans l’ombre, faire une halte sur l’exécution de Louis XVI, évoquer plusieurs épisodes bibliques plus ou moins anciens et autres allers et retours historico-temporels peut perturber un brin.
Néanmoins, l’intérêt central du procédé est évident et tient dans la mise en place des nombreuses pièces du puzzle ésotérique. Le lecteur étant censé progresser dans l’aventure à la même vitesse que l’enquête du commissaire Marcas.
Où le Diable se présente à vous dès vos premiers pas dans l’église de Rennes-le-Château !
La seconde option présuppose que vous soyez un tant soit peu familier du mystère de Rennes-le-Château, les différents épisodes du roman vous amenant fort logiquement vers ce petit village du sud-ouest de la France. Ce qui ne vous surprendra en rien tant la redécouverte de l’esquisse du peintre Poussin est signifiante et attirera immédiatement votre attention.
Malheureusement, du coup, on doute un rien de la perspicacité du commissaire Marcas, qui sans être un initié donne quand même l’impression de ne point être un inculte en ce domaine -vu son background de franc-maçon et ses nombreuses relations dans le domaine de l’étrange.
Le récit bénéficiant d’indéniables qualités d’écriture, on passe inconsciemment sur ce petit défaut de la cuirasse durant la lecture du roman, mais il s’impose dès la dernière page bouclée.
Atout central de la narration dans « Apocalypse », les scènes d’action sont addictives, le premier assassinat révulse l’esprit et l’alternance des chapitres courts, entre belles évocations de périodes historiques diverses et séquences de dialogues propices à la réflexion, rythme parfaitement le récit.
Certes, ces grandes recettes ne sont ni nouvelles, ni inédites et les auteurs ont déjà utilisé ces grands principes dans leurs précédents romans (cf. par exemple « La Croix des Assassins » disponible au Fleuve Noir et depuis peu en poche chez Pocket). Néanmoins, un constat est évident, l’aventure narrée suscite l’image et le cinémascope.
Le contenu fantastique et ésotérique fonctionne aussi parfaitement et rien ne choque vraiment. Un bon écrivain s’arrête et n’en dit point trop quand il risque de se prendre les pieds dans le tapis, Giacometti et Ravenne le savent bien et ne perdent donc personne en cours de route -tout en conservant le suspense intact jusqu’au bout.
On apprécie aussi les nombreux clins d’œil aux confrères écrivains des littératures de l’étrange ou du thriller avec l’inclusion dans le roman de patronymes qui font tilt.
Autre atout, la vision de Rennes-le-Château sent le vécu. De l’ambiance générale du village (évocation d’une librairie mythique, déambulations dans les rues, etc) aux descriptions de l’église et du site où vécu l’abbé Saunière, tout est d’une grande justesse.
Grand mystère il y a et grandes révélations il y aura !
Par contre, les derniers chapitres, inutiles et par trop surréalistes, sont de trop. Pour les lecteurs d’imaginaire(s) un rien perfectionnistes que nous souhaitons être, tout est possible, mais inclure Hitler, Gandhi, une guerre nucléaire Israël-Iran et un président des États-Unis au destin messianique dans les cinq dernières pages nous a semblé être une erreur. Le sentiment latent de s’être laissé embarquer dans une aventure à laquelle on croyait très fort pour finalement basculer dans « l’incroyable » est déceptif.
Fermer toutes les histoires en une seule et unique explication était un sentiment louable... mais la conclusion proposée n’est pas convaincante.
Bizarre et étrange.
On a l’impression que Giacometti et Ravenne ont renoncé -au tout dernier moment- à nous livrer leur grand secret et s’en tirent à bon compte grâce à une pirouette qui n’est pas à la hauteur de l’intrigue... Comme s’ils avaient souhaité nous cacher quelque chose d’important. M’en vais poser la question au fantôme de l’abbé Saunière, tiens !
Bon, en même temps, 5 pages discutables sur 384, ce n’est pas un crime et on a apprécié à sa juste valeur cet excellent roman qui touche les rives du polar, de l’étrange, du mystère et de l’ésotérique avec un brio évident.
PS : lu et critiqué avec grand retard avec nos plus plates excuses (mais on comprendra pourquoi au vu des photos :-)
Terribilis est locus iste, « Ce lieu est terrible ». Étrange sentence qui accueille le croyant à l’entrée de l’église de l’abbé Saunière...
Titre : Apocalypse (France, 2009)
Auteurs : Eric Giacometti & Jacques Ravenne
Couverture : Antiopa
Précédentes enquêtes : Le Rituel de l’Ombre, Conjuration Casanova, Le Frère de Sang, La Croix des Assassins (tous disponibles en grand format au Fleuve Noir et en poche chez Pocket)
Éditeur : Fleuve Noir
Collection : Noir & Thriller
Sites Internet : fiche roman (site éditeur), fiche roman et auteurs (site auteurs), http://www.polar-franc-macon.com (le site du commissaire Marcas)
Pages : 384
Format (en cm) : 14 x 3 x 22,5
Dépôt légal : 11 juin 2009
Code CLIL : 231301
ISBN : 978-2-265-08735-4
Prix : 19,90€
La célèbre Tour Magdala de Rennes-le-Château.
© Photos Rennes-Le-Château : Alice, Joan et Stéphane Pons, août 2009 (Yozone)
