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Le cyberespace de l'imaginaire




Interview de Chris Debien, auteur des « Chroniques de Khëradön »
aout 2009
Interview Yozone

Ce n’est pas parce que Chris Debien travaille en HP qu’il écrit ce qu’il écrit... Encore que...
Après un premier polar se déroulant à Lille, une adaptation des BD de Lanfeust de Troy et la novellisation de la série animée Skyland, le voilà dans le monde de la fantasy qui tache. Et avec talent messieurs-dames !
Ecoutons un peu ce qu’il peut nous révéler...




Les Chroniques de Khëradön tome 2 sur la YOZONE

Les Chroniques de Khëradön tome 1 sur la YOZONE



Pourriez-vous en quelques mots vous présenter ?

Une bonne dose de Docteur Jekyll (côté cour, je suis responsable d’un service d’urgences psychiatriques), un zeste de Mister Hyde (côté jardin, je m’efforce de raconter des histoires et d’en faire des livres), quelques pincées d’éleveur de Gremlins (j’en compte trois à mon actif, enfin quatre si on inclut le cochon d’Inde), et une louche d’amateur de liqueur distillée en Irlande…

Pourquoi vous être lancé dans une trilogie de fantasy ? L’envie ou la mode ?

Ni l’un, ni l’autre en fait.
« Les Chroniques de Khëradön » sont nées d’un profond besoin, d’une nécessité qui puise ses racines dans mes « années Casus Belli ». C’est à cette époque que j’ai fait deux rencontres clefs : celle de Patrick Bauwen, qui reste mon complice d’imaginaire et celle du jeu de rôle, une fantastique école d’écriture.
Mais je crois que les choses s’étaient mises en place bien plus tôt : la lecture du « Seigneur des Anneaux » puis de « Conan » et surtout de « Stormbringer » a été pour moi un véritable choc qui a nourri mon appétence pour la Fantasy. Et lorsque l’occasion s’est présentée, écrire une trilogie de Fantasy s’est imposée comme une évidence.

Votre fantasy est du genre qui saigne. Pourquoi tant de haine ?

PARCE QUE !
Non, sérieusement, comment vous voulez-vous qu’un roman de Fantasy qui se respecte avec ses forces du Mal, ses batailles, ses massacres ne soit pas sanglant ?
Mais il est vrai que les Chroniques se démarquent de la production classique par un certain réalisme qui semble en étonner plus d’un.
Et pour le coup, je plaide coupable.
En effet, en ce qui concerne les scènes de combat ou autres atrocités commises en temps de guerre, je n’avais pas envie de tomber dans une énième esthétisation romantique. J’ai donc pris le parti de décrire la souffrance, la mort, les blessures de manière aussi précise que possible et rien de tout cela ne me semblait très glamour…
Mais il y a probablement un autre phénomène qui concourt à cette impression, c’est mon obsession à plonger le lecteur, sans concession, dans un monde très « charnel », un univers où chaque sensation est fidèlement reproduite : je place la caméra au plus près des personnages, au contact de leur peau, de leurs muscles, quelques soient les circonstances, agréables ou non. Et si mes récits « saignent », c’est avant tout parce qu’ils vivent.

N’avez-vous pas peur que ce côté extrêmement sombre n’épuise les lecteurs ?

Ainsi que je l’expliquais plus haut, je n’épargne ni mes personnages, ni mes lecteurs, mais de là à les épuiser, il y a un gouffre !
C’est vrai que les deux premiers tomes de la trilogie peuvent apparaître sombres mais comment pourrait-il en être autrement puisqu’ils décrivent l’ascension irrésistible d’une force dévastatrice qui balaye tout sur son passage ? Et lorsqu’on y réfléchit, les deux premiers tomes du « Seigneur des Anneaux » ne sont pas moins sombres que « Khëradön » : rappelez-vous la longue errance de Bilbo vers et au cœur du Mordor, les trahisons, les massacres qui émaillent les tribulations de la Communauté.
D’ailleurs, mes personnages principaux ne sombrent pas dans l’apathie, ni dans la mélancolie, ils se lèvent face à l’envahisseur avec plus ou moins de bonheur ainsi que le voulait la cohérence de l’histoire. Et surtout, l’histoire n’est pas encore finie !

Vos livres sortent chez Hachette Jeunesse. Ne considérez-vous pas qu’ils auraient plutôt trouvé place dans une collection adulte ?

Même si cette question se pose constamment depuis la parution des Chroniques, j’avoue que ce débat me dépasse un peu et j’ignore si je suis le mieux placé pour y répondre.
En effet, le choix du « positionnement » éditorial des Chroniques est présent depuis la fin du premier tome, lorsque les romans se sont retrouvés dans les rayons des libraires : certains le plaçaient dans le rayon jeunesse, d’autres dans le rayon adulte, d’autres enfin considéraient que tout cela était trop compliqué…
J’avoue qu’à aucun moment de l’écriture je ne me suis posé la question de l’âge de mon lectorat mais il était évident pour moi que je n’écrivais pas des histoires pour « enfants ». Alors quand commence la littérature jeunesse ? A dix ans ? Onze ? Quatorze ? Je l’ignore et l’important pour moi ne se situe pas là : je voulais avant tout construire un monde cohérent et foisonnant, raconter une histoire intéressante où une poignée de personnages devait prendre son destin en main.
Mes éditrices (Charlotte Ruffault et Caroline Guillot) m’ont fait confiance, elles m’ont soutenu tout au long du projet et, au final, nous n’avons dû sacrifier que quelques lignes jugées trop sensuelles dans les tomes I et II.
Encore une fois, je me suis rangé du côté d’un certain réalisme, refusant un angélisme par trop caricatural tout en évitant de sombrer dans un voyeurisme inutile. Et puis reproche-t-on à « Harry Potter » ses passages désespérés, ses scènes de torture (physique et mentale) et les nombreuses morts qui émaillent son récit ?
Pour conclure, je pense que les Chroniques sont destinées à une tranche d’âge comprise entre 13-14 ans et 99 ans !

Quelles ont été vos influences pour écrire cette trilogie ?

Multiples, hétéroclites et revendiquées !
En effet, pour écrire, je fonctionne de manière très cinématographique : avant de coucher l’histoire sur le papier, je déroule les scènes dans ma tête puis je fige l’image et enfin je me mets à rédiger.
Ainsi, mes influences se retrouvent-elles autant dans la littérature que dans le cinéma ou la musique.
Sur le plan littéraire, la trilogie de Khëradön puise ses sources dans mes premières lectures de Fantasy : il y a donc du Tolkien (pour la structure globale du récit), du Howard et surtout du Moorcock. Mais je pourrais citer d’autres auteurs qui tous, m’ont apporté un petit quelque chose que l’on retrouve au détour d’une page ou dans l’œil d’une créature des Terres Tranquilles.
J’accorde aussi énormément d’importance aux références cinématographiques qui m’ont d’ailleurs été indispensables pour les descriptions des scènes de batailles : « Willow », « Legend », « Conan », le merveilleux « Excalibur », « la Chair et le Sang » et le grandiose « Seigneur des Anneaux » que ce soit celui de Peter Jackson ou celui plus confidentiel de Ralph Bakshi.
Enfin, il me faut une bande son : je passe donc mon temps à écouter de la musique à chaque moment de l’écriture. Chaque scène clef possède son CD de prédilection même si, au total, chaque roman n’a été écrit que sur un ou deux albums qui tournent en boucle.

Mais où sont les dragons, les elfes et autres nains ? ;-)

Les dragons ne sont pas totalement absents de la trilogie, leur temps est tout simplement révolu et il ne subsiste à présent que leurs descendants dégénérés, les Drakens… jusqu’à ce qu’Hazel parvienne à en ressusciter sous forme de Dracoliches. Et puis, il reste encore un peu de place pour eux dans le tome III.
Qui sait ce que vous allez y trouver !
Pour les elfes et les nains, j’avoue que je n’avais pas envie ni besoin de les utiliser dans mon univers : je voulais que chaque race créée soit cohérente avec son propre microcosme et ni les uns, ni les autres n‘ont trouvé leur place au sein des Terres tranquilles. Bien sûr les Sylmarins ressemblent à des elfes sylvestres et les Nörhms à des nains mais ils sont bien plus que cela en définitive !

Où aimez-vous travailler ?

Niché tout en haut d’une maison recouverte de bois blanc sur la rive du Pacifique, face à l’océan… Mais, bon pour l’instant, je dois me contenter de mon bureau, au premier étage d’une maison en brique à Lille, face à un joli mur.
Plus sérieusement, ce que j’aime avant tout c’est être à la fois dans la vie de la maison et en dehors : mon bureau est donc situé un peu en marge des parties communes mais la porte est toujours ouverte aux invasions de gremlins.

Avez-vous une méthode de travail particulière ?

En fait, je n’ai pas une méthode de travail universelle. Tout dépend, en effet, de ce que je désire écrire. Pour mon polar, par exemple, j’ai commencé par tracer les grandes lignes de l’intrigue puis j’ai créé les deux personnages principaux de manière très précise et ensuite, je les ai propulsés dans l’histoire selon les jalons que j’avais fixés initialement.
Pour Khëradön, j’ai pris plus de temps : j’ai laissé l’univers se dessiner petit à petit dans mon imagination, j’ai regardé les paysages s’installer, les couleurs apparaître, les parfums emplir tout ce petit monde que j’ai peuplé peu à peu. Puis je me suis attaqué aux personnages principaux, leur passé, leurs motivations, leur psychologie (je n’attache que peu d’importance aux descriptions physiques afin de laisser le lecteur se les approprier). Et enfin, je les ai lâchés dans les terres Tranquilles pour les regarder évoluer.
Ensuite ?
Et bien, il n’est pas rare que les personnages vivent leur propre vie et parviennent à me surprendre voire à me mettre dans l’embarras. C’est le cas par exemple du personnage de Phärf qui devait être présent tout au long de la trilogie aux côtés du roi et qui a en fait connu un destin très très différent…

Avez-vous un objet fétiche (stylo, ordinateur...) ?

J’ai besoin d’être entouré en permanence d’une multiplicité « d’objets fétiches » : mon bureau ressemble ainsi plus à l’étagère d’un dépôt Emmaüs qu’à un lieu de travail. Mon ordinateur doit batailler ferme avec les figurines de plomb barbouillées par mes gremlins, les personnages de Tim Burton, mon Faucon Millenium et un monceau de bouquins et de posters destinés à ma documentation.
A chaque moment de l’écriture, j’ai besoin d’apercevoir dans un coin de mon champ de vision tous ces objets qui agissent souvent comme de minuscules madeleines de Proust lorsque j’ai besoin de décrire tel ou tel sentiment.

Avez-vous un rituel avant de commencer un livre ? Pendant l’écriture ? Après l’avoir terminé ?

Mon principal rituel avant de m’attaquer à un nouvel ouvrage est de me ruer sur ma discothèque afin d’y dénicher le ou les disques qui vont m’accompagner durant l’écriture. Je passe quelques heures à sélectionner les albums puis je me lance dans la rédaction des premiers chapitres. Ainsi, pour le premier tome, c’est la discographie intégrale d’Evanescence qui est passée en boucle (surtout les live) pendant presqu’un an. Pour le second tome, j’ai retrouvé un vieil album de Deep Purple, je l’ai numérisé afin qu’il rejoigne la B.O. de « 300 » dans mon ordinateur. Et pour les scènes de bataille, Metallica a pris le relais au grand dam de mon épouse !
Pendant l’écriture proprement dite, et ce quelle que soit la saison, je commence par m’installer devant mon ordi, répondre à mes mails, traîner sur Facebook puis je descends dans mon jardin prendre une dose de nicotine. Je remonte, j’enclenche les décibels et c’est parti !
La fin d’un roman est toujours un moment particulier, riche en émotions contradictoires : l’immense joie de mettre un terme à un récit et la tristesse de devoir quitter ces personnages que l’on a accompagnés durant de longs mois. C’est un instant étrange que je n’aime pas beaucoup affronter. Alors, dès que le mot fin apparaît sur l’écran, je m’empresse de fermer le fichier et de l’adresser à mon éditrice… Jusqu’au prochain !

Auriez-vous quelques conseils à donner à un aspirant-écrivain ?

Lire beaucoup, écrire énormément et persévérer. Lire pour identifier et apprendre les ficelles des grands auteurs. Ecrire pour développer peu à peu son propre style, son propre rythme, sa « patte ». Et persévérer car le chemin est parfois très long de l’idée aux rayonnages des librairies.

Et votre futur éditorial ?

Achever le troisième tome des Chroniques avant tout !
Et puis je viens de signer un contrat pour deux tomes de bande-dessinées qui devraient être achevés fin 2010 ou début 2011. L’histoire, très différente des Chroniques, se déroule dans un univers onirique, « dream-punk » (entre Neil Gaiman et Tim Burton) pour être plus exact : un projet ancien qui prend enfin son envol et qui me tient tout particulièrement à coeur
Enfin, je vais m’atteler à un roman de fantasy urbaine qui se déroule dans le Paris de la fin du dix-neuvième.
Ensuite, j’aimerais m’attaquer à la Speculative Fiction et revenir au polar… à condition que les journées passent de 24 à 36 heures !

Merci beaucoup Chris.



Michael Espinosa
24 août 2009


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