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Frontière invisible (La) (T2)
Schuiten & Peeters
Casterman

Au panthéon des réussites graphiques depuis de nombreuses années avec leur série des « Cités Obscures », Schuiten Peeters poursuivent leur voyage fantastique et kafkaïen avec la parution du tome 2 de « La Frontière Invisible ».



Résumé des épisodes précédents, le jeune Roland de Cremer a été nommé au Centre de Cartographie. Un lieu étrange où il découvre un projet et des personnages hors du commun (Mr Paul, Djunov, Shkodrà) dont les destinés lui échappent et le dépassent. Qui plus est, l’ombre omniprésente et omnipotente du Maréchal de la Sodrovno-Voldachie plane au-dessus de tous et viendra honorer de sa présence les dernières pages du premier volet.

Avec ce tome 2, Schuiten et Peeters poursuivent leur travail exploratoire des espaces sur plusieurs niveaux de conscience. Mais là où le tome 1 plantait des décors, des personnages et amenait le lecteur à s’interroger sur les rites de passages de l’adolescence à l’âge adulte (travail, sexualité, découverte de l’amour, étude des rapports de force), le tome 2 est centré sur une vision purement « absurde » et inutile d’une vie d’homme. Le jeune Roland de Cremer croit savoir mais ne sait rien, pense avoir un but et une solution à la vie mais n’est qu’un homme comme les autres destiné à disparaître dans les méandres du temps. L’enjeu -et l’absurde- de la situation ne sera donc pas d’apporter des solutions à une quête sans objet réel mais de faire prendre conscience au héros -et au lecteur- de l’énorme vacuité de l’existence. L’exploration des paysages intérieurs (le centre, la cartographie, le moi) fera donc place à une exploration extérieure (un pays, la fuite et les autres). Une valse amère, une poésie crépusculaire, une vision quasi psychanalytique teintée d’une sensualité idéalisée, un graphisme millimétré, un propos parfaitement synthétisé, une œuvre dense et parfaitement maîtrisée, autant d’arguments qui font de cet album l’archétype de ce que peut devenir un BD quand elle « explose » les cadres de références qualitatifs. On entre dans un « autre monde ». Celui de la création pure, avec toutes les interrogations que la non-compréhension immédiate et primaire d’une histoire peut entraîner. Il y a aussi dans ce récit un peu de Jules Verne dans cette volonté des auteurs d’entremêler toutes les dimensions du récit avec des voyages initiatiques et simultanés qui sont à la fois, intérieurs (l’humain), extérieurs (la planète) et temporels (4ème dimension). Il s’agit là, cependant, d’un Jules Verne noir du XXI ème siècle, dénué de tout positivisme scientifique et très proche par l’esprit du « Désert des Tartares » de Dino Buzzati. De ce petit soldat de la science qui se voyait plus important qu’il n’était, seule la fidélité ultime et solitaire du chien Kalin envers le maître qu’il s’est choisi, perdurera à travers le temps. La compagnie des hommes sera désormais interdite à Roland de Cremer.

Beau, absurde et sans issue, ce second tome de « La Frontière Invisible » remplit donc parfaitement son rôle d’ouvreur de rêves et d’imaginaires, laissant un goût appuyé et mélancolique sur le lecteur attentif et forcément touché par la grâce. Immanquable.


Petit message informatif pour les collectionneurs, les premiers exemplaires de cette édition sont accompagnés d’une carte IGN collector de la Sodrovno-Voldachie et la librairie parisienne Canal BD tient toujours à la disposition des passionnés un Port Folio comprenant 8 tirages couleurs tirés du premier volume accompagné de 8 crayonnés en N B (prix modique inférieur à 10 euros) publié à l’occasion de la parution du Tome 1.


- Editeur : Casterman
- Format : 23x30 cm, album cartonné, rigide, 760 g.
- Dépôt légal : avril 2004
- Pagination :70 pages couleur
- ISBN : 2-203-34318-4
- Prix public : 12,75 €




Stéphane Pons
12 juillet 2004




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