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Stockholm Noir : l’Argent Facile
Jens Lapidus
Pocket, thriller, roman, traduit du suédois, saga polareuse, 725 pages, juin 2009, 8,10€

À Stockholm, dans les milieux branchés se cache le monde de la pègre, vu par les yeux de Jorge, le dealer en cavale et JW, étudiant avide de pognon -mais qui s’acharne à retrouver Camilla, sa sœur disparue, avec pour seul indice la vision d’une Ferrari jaune qui l’aurait emportée.
De son côté, Mrado le caïd du cartel yougoslave, voit son pouvoir s’éroder…
Lorsque la poudre blanche mène le jeu, les paillettes retombent vite…



Quel souffle ! Voilà la première remarque qui vient en tête à la fin des plus de 700 pages de ce roman extrêmement touffu, ponctué de minutes d’un procès, de rapports de police et même d’un extrait de canard « people », et, pourtant, sans aucun point mort. Peut-être parce que l’auteur, plus qu’à une intrigue policière stricto sensu, s’en tient davantage au destin de quelques personnages clés ?
Certes, l’histoire de mafiosi ou assimilés est vieille comme le polar et ne demande qu’à être réadaptée, tant elle se conforme aux différentes époques. Le « Scarface » de Hawks (« La honte d’une nation ») était italien et finissait entre deux policiers, celui de De Palma cubain (ce film surestimé ayant réussi à mettre d’accord nos Monsieur Kultur bien parisiens et ces « jeunes de banlieue » forcément barbares et cosmopolites qu’ils méprisent tant) et mourait le nez dans la coke, mais les constantes restent les mêmes. La figure du gangster, remplacée depuis peu par celle du tueur en série, reste porteuse de toute une fantasmatique… largement éloignée de la réalité, la pègre étant souvent un repaire de psychopathes décérébrés où on serait bien en peine de trouver un de ces fameux « génie du crime » chère à la fiction. En fait, Lapidus a réussi ce que le récent « Truands » de Frédéric Schoendorffer a plus ou moins raté : à force de refuser de glorifier ses protagonistes, ce film infligeait au spectateur la vision de personnages violents, débiles et vulgaires jusqu’à l’écœurement.

Car Lapidus ne cherche pas non plus à excuser ses personnages dépourvus du moindre pathos, uniquement mus par l’attrait du luxe et du fric facile ; seul JW trouve un poil de rédemption en traitant le milieu de la came comme un moyen et non une fin en soi, lui qui s’accroche à ses études (d’économie, comme par hasard…) et à sa volonté de retrouver sa sœur disparue entre deux deals. Pour rester dans les références cinématographique, on pense plutôt à l’excellent « Donnie Brasco », où si ses personnages de gangster finissaient par devenir humains, en contrepoint, on ne manquait jamais une occasion de montrer leur terrifiante capacité de brutalité gratuite — même si dans ce roman, la violence est réduite au maximum : la possibilité d’une explosion suffit à maintenir la tension.

Et c’est aussi là que pointe la critique sociale, en montrant ces personnages bling-bling parfaitement adaptés à la société, à l’instar de cette « jet-set » qui fait la loi de la nuit stockholmienne et finit par s’afficher dans l’entourage de la famille royale (!) : l’un des personnages ne dit-il pas que le monde du crime, avec sa flexibilité et son statut au-delà des contraintes étatiques, est le summum de l’économie de marché ? Dans un univers ou seul compte le paraître, comment s’étonner que certains soient prêts à tout pour acquérir un statut, quitte à enclencher une fuite en avant nihiliste…

Au passage, si les gangs sont principalement ethniques (et le racisme semble omniprésent), pas de xénophobie déplacée : Lapidus se moque bien assez des « bons Suédois » ayant tous les traits des « caves » des années 50.

Le roman est servi par une narration électrique d’une sécheresse incroyable, dépourvue de description, bousculant la syntaxe pour mieux générer un sentiment d’urgence, voire de frénésie collant bien avec l’avidité des personnages, tout en effectuant des ellipses bienvenues sur les scènes de violence. Le tout se clôturant sur la seule véritable scène d’action du roman, curieusement un peu brève après une très longue préparation. Seul défaut de ce pavé qui prouve que le polar dit « du nord » est loin d’un simple effet de mode.
Retrouvera-t-on JW, Jorge et Mrado dans le second tome dans la trilogie ? Mais l’histoire des héros de saga ne s’arrêtent qu’avec leur mort… et encore !


Titre : Stockholm Noir : l’Argent Facile (Snabba Cash : hattet drivet jakt, 2006)
Auteur : Jen Lapidus
Première édition française : Plon
Traduction du suédois : Maximilien Strader & Lucile Clauss
Couverture : Johner/Plain Pictures
Éditeur : Pocket
Collection : Thriller
Site internet : fiche roman (site éditeur)
Pages : 725
Format (en cm) : 10,8 x 17,7
Dépôt légal : juin 2009
ISBN : 978-2-266-19372-6
Prix : 8,10€



Thomas Bauduret
4 août 2009


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