Ivan, le prince pâle, accompagné de Vorek, son maître d’armes, escortent une prisonnière hors du commun dans la steppe : Baba Yaga, la maîtresse des sorcières. Mais le mauvais temps les oblige à s’arrêter dans un étrange abri forestier. Très rapidement, les deux héros se retrouvent confrontés à des forces extraordinaires qui vont leur offrir une nuit dont ils se souviendront à tout jamais…
Comme à son habitude, la collection Royaumes Perdus prend des chemins inattendus quant au decorum de ses histoires. Ici, Johan Heliot nous entraîne dans les paysages de la Russie du XVIIIème siècle. Certes, ils se limitent à un abri forestier mais Heliot possède le talent nécessaire pour créer tous les éléments donnant corps à l’ambiance : le froid, la forêt inquiétante…
Mais c’est aussi dans les personnages qu’il impose sa patte. Ivan est à l’image de ces aristocrates du XVIIIème siècle qui derrière des apparences humanistes n’en restent pas moins des exploiteurs du petit peuple. De l’autre côté de la barrière, le maître d’armes s’interroge tout en restant fidèle à son maître car son père a servi le père de celui-ci avant lui et que les traditions sont ainsi. Les brisera-t-il ? Et enfin le forestier et sa fille sont les dignes représentants de ce peuple qui ne sait jamais trop ce qu’il doit oser ou pas. Doit-il rester un esclave de ses dirigeants ou être capable de se révolter pour s’offrir une autre vie ?
Certes, si au premier plan, le roman de Johan Heliot est une sorte de survival dans la steppe russe, c’est aussi l’occasion de placer ici et là quelques éléments de réflexion. Le XVIIIème est le siècle des Lumières et Ivan a une envie irrépressible de démonter les croyances du peuple quant aux esprits et autres fariboles. Il compte sur la « dissection » de Baba Yaga pour arriver à ses fins et prouver au monde que la magie n’est qu’un leurre, que les superstitions ne servent que les oppresseurs afin d’asservir les petites gens. Évidemment, il montre aussi la contradiction entre son discours et ses actes. Des pistes de questionnements intéressantes pour tout un chacun.
Mais ce roman est avant tout un survival. Une sorte de « Fort Alamo » russe, ou pour prendre une référence plus récente, un « Assaut » à la sauce moscovite. Le petit groupe de survivants va mettre ses forces en commun pour lutter contre une horde d’apparence fantastique, des loups-garous à chapka. Ça charcle, ça saigne, ça découpe, c’est écarlate. Le quatrième de couverture donne le ton avec son avertissement : « De la fantasy sauvage pour lecteur averti ». Le ton est donné et, malgré quelques légères longueurs, on en a pour son argent.
Ce « Steppe Rouge » est une belle pierre à l’édifice de la collection, prouvant que l’on peut avoir des tripes et du cerveau servis sur un plateau.
Titre : Steppe rouge
Auteur : Johan Heliot
Éditeur : Mango
Collection : Royaumes Perdus
Directeur de collection : Xavier Mauméjean
Couverture : Julien Delval
Nombre de pages : 190
Dépôt légal : avril 2009
Format : 13x20 cm
ISBN : 978-2740424773
Prix : 9 euros
