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Silence des Homards (Le)
San-Antonio (Frédéric Dard)
Fleuve Noir (réédition), collection San Antonio, roman déliro-policier, 317 pages, mars 2009, 5,90€

Le commissaire San-Antonio et son équipe sont sur les dents : un groupuscule d’extrême droite poétiquement nommé « France Propre » assassine noirs et arabes. Une mission qui lui vaut de se brouiller avec Bérurier…

Et il doit aussi composer avec l’assassinat d’une inconnue proche du Vieux, lui-même aux portes de la mort…



À l’heure où on déifie des roucoulophoneurs belgo-suisso-monégasques, il est bon de rappeler que San-Antonio fut longtemps une institution et un cas à part dans l’édition.
Frédéric Dard, par ailleurs excellent auteur de suspenses très noirs sous son nom, commencera par un jeu Oulipien en nommant son premier San-Antonio « Réglez-lui son compte » signé du pseudo de Kill Him, traduction approximative du titre. Prenant le nom de son héros en passant dans la naissante collection Spéciale Police, cet infatigable travailleur devait enquiller à un rythme effréné (jusqu’à 5 romans par an !) les aventures du commissaire bellâtre, et ce pendant près de 50 ans, le dernier épisode signé Dard étant publié un an après sa mort !
Une série qui, encore aujourd’hui, génère passion comme dégoût, certains y voyant un sommet de vulgarité ou une arnaque littéraire pure et simple…

On le sait, ses polars purs et durs prirent une coloration de plus humoristiques alors que Dard se libérait peu à peu des contraintes de l’édition populaire : apostrophes au lecteur, jeu constant sur l’orthographe, jeu sur les détracteurs de la série (à qui Dard conseille régulièrement d’aller ligoter le Bottin)… Toutes caractéristiques désormais entrées dans l’histoire et qui ont fait son succès alors que les récits de truands de papa commençaient à s’essouffler. Et comme dans toute saga, celle-ci vit arriver d’autres personnages : le Vieux, Pinaud, Bérurier et plus tard Marie-Marie ou Martial…

En même temps, “San-Antonio” est aussi le reflet d’une époque, tout comme les films d’Audiard. Le meilleur de sa production reste attaché aux années 70, lorsque les intrigues policières étaient réellement travaillées et que Dard savait surprendre le lecteur. C’est alors qu’il fut au sommet de son art. Par la suite, la série s’enlisa dans la répétition, Dard peinant à renouveler son inspiration. Et surtout, il en vint à tirer à la ligne en accumulant des scènes de sexe assez tiédasses malgré les efforts sur un langage qui ne surprenait ni ne choquait plus.

Ce roman de 1992 est à la charnière, puisque par la suite, un Dard de plus en plus désinvolte transforma son héros en une espèce de superman errant dans des squelettes d’intrigues. Probablement inspiré par la montée des rhétoriques haineuses, il montre un groupe évoquant le GUD ou autres grands poètes ras du… front, mais diverge vite sur une seconde affaire rejoignant bien sûr la première. Cette structure ponctuée de galipettes est tout de même bien convenue (même la modification de « chapitre » en « chat-clown » a été déjà utilisée), et pourtant, on retrouve dans certains passages -notamment la justification du titre- le talent du Dard des grands jours, notamment lorsqu’il s’agit de légitimer son titre pas si gratuit qu’il en a l’air.

Les “San-Antonio” étant un goût acquis, il est difficile de critiquer réellement tel roman : il ne convaincra pas ses détracteurs et les afficionados y trouveront ce qu’ils y recherchent -pas plus, mais pas moins non plus. C’est par la suite que les choses se gâteront salement…

Puisque tout est permis lorsqu’il s’agit d’exploiter les franchises lucratives, c’est aujourd’hui Patrice Dard, fils de, qui préside aux destinées du commissaire. À sa décharge (municipale), Patrice n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il publia la série d’espionnage des “Alix Karol” -elle-même très influencée par devinez-qui- et a signé les scénarii d’adaptations en bandes dessinées aussi libres par rapport aux romans que réussies, là où le cinéma a complètement raté ses trois tentatives de porter le personnage sur grand écran. Patrice Dard s’est aussi illustré dans… le guide culinaire !

Cette réédition Fleuve Noir s’accompagne d’un “San Antonio : mode d’emploi” signé Raymond Milési, aussi érudit qu’un peu vain, comme tout exercice de ce style !


Titre : Le Silence des Homards (roman, Première édition : 1992)
Auteur : San-Antonio (Frédéric Dard)
Couverture : Boucq
Supplément à l’édition : Raymond Milési (San Antonio : mode d’emploi).
Éditeur : Fleuve Noir
Collection : San-Antonio
Site internet : site éditeur, wikipedia
Pages : 317
Format (en cm) : 18 x 11
Dépôt légal : mars 2009
ISBN : 978-2-265-08814-6
Prix : 5,90€



Thomas Bauduret
30 juin 2009


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