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Rédemption du Marchand de Sable (La)
Tom Piccirilli
Denoël, Lunes d’encre, traduit de l’anglais (USA), thriller fantastique, 352 pages, avril 2009, 22€

Eddie Whitt est un père désespéré. Sarah, sa petit fille âgée de 5 ans, fut la première victime d’un serial killer connu sous le nom de Killjoy. Et aussi le destinataire exclusif des lettres que le tueur écrit pour expliquer ses crimes.

Et quoi que cela puisse lui coûter, il est bien décidé à lui faire payer.

Aujourd’hui, 5 ans après cette série de crimes, et la disparition dans la nature du tueur en série, il refait surface... Et, comme étranges actes de repentance, il enlève des enfants maltraités pour les confier aux familles de ses anciennes victimes...



J’ai découvert Tom Piccirilli grâce à une interview publiée dans Borderline (l’excellent fanzine de fantastique). Très vite, je suis tombé dans « Un Chœur d’Enfants Maudits » (remarquable, malgré ce qu’en dit ici notre cher Henri Bademoude...) et pas mal d’autres textes.
Et j’ai lu « The Dead Letters ». Un roman magnifique, parfois troublant, toujours d’une grande justesse et, lâchons le mot, malgré ce qu’on peut lire à droite à gauche sur son auteur, très poétique.

(Note préliminaire : Cette chronique a été rédigé suite à la lecture de l’ouvrage en anglais. De ce fait, hélas, rien ne sera dit ici de la traduction...)

L’Histoire, en quelques mots...

Au centre de ce thriller pas comme les autres, se trouvent deux individus, que tout oppose et que tout lie.
Le premier, c’est Eddie Whitt. Père de famille et mari comblé, avec un excellent travail de publiciste, il voit sa vie basculer le jour où Sarah, sa toute petite fille de 5 ans, devient la première victime d’un tueur en série qui étouffe ses victimes avec leur oreiller, avant de dessiner sur celui-ci un visage triste.
La deuxième personne qui forme ce couple improbable, c’est Killjoy, le fameux tueur en série, qui va poursuivre son long travail morbide, avant de disparaître dans la nature.

Lorsque l’ouvrage commence, nous sommes 5 ans après, et Killjoy vient de réapparaître. Mais cette fois-ci, il a décidé de se racheter : il enlève des enfants maltraités pour les confier aux parents de ses anciennes victimes.
Eddie Whitt, quant à lui, a passé son temps à pourchasser Killjoy, tentant de découvrir encore et encore l’identité du tueur. Non pour la justice, mais pour sa vengeance. Pour Sarah. Cette quête, d’ailleurs, est le dernier élément qui le fait tenir, au milieu de ce monde qui continue à vivre alors même qu’Eddie a perdu ce qui lui était le plus cher. Ainsi de sa femme, d’ailleurs, qui se repose dans un asile psychiatrique. Ou ne ferait-il pas mieux de faire semblant d’essayer de passer à autre chose, comme les autres parents qui furent dans son cas ? Et si toute cette obstination devait le mener au plus loin de sa vie, aux limites de la folie (ou bien ?...)

Ouvrage d’une densité narrative impressionnante, avec une galerie de portraits magnifique (voyez cet infirmier qui veille sur la femme d’Eddie ! Cette secte de laquelle a été volé une enfant ! Ce beau-père, ancien patron d’Eddie, et qui lui reproche la mort de sa petite fille !...)
Si je me contentais de ces quelques points, il est plus qu’évident pour moi que vous devez vous jeter sur ce livre et le dévorer ! L’élément fantastique, comme dans « Un Choeur d’Enfants Maudits », est approché de manière simple, par petites touches, et rempli de doute.

Mais ce livre, c’est beaucoup plus qu’un grand thriller bien ficelé.

Paternité

Car ce roman pose d’une manière très pointue un des thèmes centraux dans l’oeuvre de Tom Piccirilli : le thème de la famille.
La question qui anime ce livre, c’est celle de la paternité : qu’est-ce que cela implique vraiment d’être père ? Jusqu’à quelle frontière devez-vous aller ?
Et nous voyons tout au long du roman toutes les réactions possibles et imaginables, les tentatives de réponse désespérées par tous les protagonistes du drame. Bien entendu Eddie, mais sa femme (que la mort de sa fille fait disparaître du monde), mais ces autres femmes et hommes (et leurs stratagèmes pour s’approprier ces enfants étrangers que leur offre Killjoy), mais son beau-père... Jusqu’au final, incroyable, qui montre combien Killjoy lui-même s’interroge sur cette question.

Tom Piccirilli est un maître dans les postures humaines. Sa galerie de personnages, parfois simplement brossés en quelques coups d’oeil, est criante de vérité, pleine d’une attention humaniste. On sent combien il aime ces gens, pris dans un monde qui les déchire.
Et on serait tenté, aussi, d’appliquer à l’écrivain cette même interrogation : cette paternité qu’il possède pour ces personnages, qu’est-ce qu’elle implique ?

En Absurdie

Ce roman, également, est à mon sens un exemple flagrant de cette question qui occupe le zeitgeist des auteurs fantastiques (mais pas uniquement) actuels (Brian Hodge en tête, mais aussi toute la clique des bizarro, sans oublier quelques franc-tireurs de génie, comme David Calvo...) : notre civilisation semble être une machine bien huilée, propre, nette, sans soucis. Mais soudain, un élément de vie réelle vient montrer l’envers du décor.
Face à cette question, cette angoisse existentielle, bien entendu, on peut laisser tomber. On peut essayer de rattacher les wagons, on peut tenter de continuer à vivre.
Mais est-ce que l’acceptation de l’absurdité du monde, la gestion systématique de cette folie du monde et de cette absence totale et véritable de sens, au final, ce n’est pas la seule solution rationnelle ?
Pour paraphraser le grand Albert Camus : « Il faut imaginer Eddie Whitt heureux. »

Mais assez de tout cela : lisez ce roman magnifique, et vous verrez. Tom Piccirilli parvient à nous emmener dans son monde, étrange, c’est certain, glauque, parfois, mais toujours avec une justesse humaine et un sens de la vie impeccable.
La plus grande marque des grands poètes, non ?


Titre : La Rédemption du Marchand de Sable (The Dead Letters, 2006)
Auteur : Tom Piccirilli
Traduction : Michèle Charrier
Couverture : Lasth
Editeur : Denoël
Collection : Lunes d’Encre
Site internet : fiche du roman
Pages : 352
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : 17 avril 2009
ISBN : 9782207260265
Prix : 22€



Jérôme Charlet
8 juin 2009


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