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Watchmen
Alan Moore & Dave Gibbons
Panini Comics, éd. DC Big Books

Dans une dimension parallèle de notre temps, aux USA dans les années 80, les célèbres Watchmen, désormais retraités, ont porté l’Amérique au Panthéon du pouvoir sur l’humanité entière.
Mais voilà qu’un des anciens membres de cette équipe de super-héros, le Comédien, est mystérieusement assassiné.
Pourquoi ? Par qui ?
Autant de questions que se posent les anciens membres de cette société hors norme alors que des craintes de Troisième Guerre Mondiale avec le bloc de l’Est se font de plus en plus pressantes.

Une occasion de redécouvrir l’histoire intime et personnelle des plus grands super-héros du bien que la Terre ait jamais hébergé. Enfin, paraît-il...



La série “Watchmen”, créée et scénarisée par Alan Moore, fut publiée de 1986 à 1987 par DC Comics et obtint aussitôt le Prix Hugo -une des plus hautes récompenses du milieu de la SF et une première pour un roman graphique- dès 1988.
Les lecteurs de comics, tout comme les ignorants du sujet, sortent fascinés par une BD hors norme, dont le scénario de Alan Moore pousse la perfection narrative à un niveau très rarement atteint par ce média (surtout sur ce type de sujets et pour l’époque).

Plus de vingt ans après, de nombreux projets d’adaptation cinématographique ayant échoué, c’est finalement Zack Snyder, réalisateur du très controversé “300” qui oblige la critique et le grand public à se pencher à nouveau sur les “Watchmen” grâce à son film.

Mais à force de parler du grand écran, n’a-t-on pas un peu oublié le principal, c’est-à-dire le comics d’origine ?

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Et le Comédien connut quelques soucis... (“Watchmen”, Panini Comics 2009)

De l’Uchronie en guise d’introduction au sujet

Située sur une Terre parallèle à la nôtre qui a connu « presque » la même histoire (Seconde Guerre Mondiale et Guerre Froide), l’intérêt de la série “Watchmen” est tout d’abord situé dans ce « presque ». De fait, une bonne connaissance historique de la période (1930-1985) est nécessaire, sinon impérative, à la compréhension du récit.

Alan Moore a un imaginaire qui fonctionne sur le mode du papier buvard. Il s’imprègne du réel ou d’éléments d’imaginaire aspirés dans un univers culturel très large, pour les régurgiter ensuite à son goût, après une longue digestion interne. “From Hell” revisite l’affaire de Jack L’Éventreur, “La Ligue des Gentlemen Extraordinaires” convoque aussi bien Jules Verne que H. G. Wells (et bien d’autres), son “V pour Vendetta” renvoie à bien d’autres événements fictifs, réels ou historiques. Ses explorations des aventures des héros de comics fonctionnent d’ailleurs souvent sur le même principe.

Avec les “Watchmen”, il va transmuter un demi-siècle d’histoire réelle (USA vs reste du Monde) et populaire (les super-héros de comics) pour livrer sa vision de l’histoire, tout simplement. Il n’est nul besoin d’être devin pour comprendre que sa datation suit peu ou prou l’avènement de l’Âge d’Or de la bande dessinée (les années 30-40) jusqu’à ce qu’on pensait être son déclin (les années 90) et qu’il inscrit d’emblée un double niveau de lecture.

Quelles pistes de lecture ?

On peut donc lire ce comics au premier degré : des super-héros sur le retour sont assassinés et ils tentent de se défendre en trouvant le coupable.
À l’aide de flash-back racontant le passé de ces phénomènes de la lutte contre le crime organisé, le lecteur lambda va progresser peu à peu vers la connaissance d’un complot mondial visant à la destruction d’une cité emblématique. Voici le chemin narratif de la BD jusqu’à la fin du récit avec conclusion, explications intermédiaires et tout le toutim. Classique, basique, imaginatif et brillant.

Pourtant, de ce point de vue, la BD souffre, quand même, d’une intrigue un brin à rallonge (victime d’une publication par épisodes ?), pas obligatoirement surprenante. La seule justification thématique, aux imperfections qu’une lecture sérieuse détecte obligatoirement, est la personnalité du méchant, paravent érigé en muraille ultime aux questionnements que l’on pourrait se poser sur le récit. Soit, mais un peu tiré par les cheveux quand même.

Paradoxalement, c’est sans doute avec ce premier niveau de lecture que le graphisme de Dave Gibbons s’avère le plus efficace.
Très classique de facture, il ne déroute pas les fans de l’époque, tout en conservant suffisamment d’imagination dans les ruptures de rythmes pour séduire un public plus averti. Sa gestion des cadrages est souvent remarquable, ses portraits d’une grande justesse, son trait finalement fin et racé et une foule de petits détails apparaissent à chaque fois que l’on revient sur une case en particulier.
Attention donc, car si l’on parle beaucoup de Alan Moore, on oublie injustement et comme souvent dans le cadre de ses collaborations, le graphiste dans l’histoire.

On peut aussi voir et lire dans les “Watchmen” une digression sur l’histoire des États-Unis (et de la civilisation occidentale), avec à la clef une morale tortueuse, voire indécente, sur le principe de « la fin justifie les moyens ».
Nixon élu plusieurs fois à la présidence après avoir même modifié la Constitution Américaine, les États-Unis vainqueurs au Vietnam grâce au Dr Manhattan (le seul super-héros des Watchmen vraiment doté de super-pouvoirs), une société conservatrice à l’extrême dont les forces progressistes sont soit dans l’ombre, soit réduites à l’état d’embryons social-révolutionnaires... Le système est verrouillé de l’intérieur, l’humanité est de fait immobilisée dans un équilibre de la terreur encore plus féroce que celui que nous avons connu dans les années 60-70. Et pour cause, les USA détiennent les clefs de la planète et personne n’est en mesure de contester cette supériorité.

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Le Dr Manhattan sur Mars (“Watchmen”, Panini Comics 2009)

Revisitation de la figure mythique du super-héros, évidemment. L’image, habituellement propre et moralement correcte du défenseur du bien contre le mal en terre BD, ressort complètement carbonisée du récit proposé. Ainsi, les nombreux flashs-back qui émaillent le passé tortueux de ces super-héros ne laissent pas subsister un grand doute sur les idées profondes du scénariste.

Les Watchmen portent en eux une forme de pouvoir quasi absolu. Meurtriers, violeurs, sadiques, menteurs, Alan Moore ne leur épargne rien des turpitudes de l’âme humaine, portant enfin concrètement sur le papier ce que l’on savait déjà, même inconsciemment, sur ces êtres censés être parfaits. À l’opposé d’une mythologie angélique (tendance “Superman”), le scénariste précède ainsi -ou lance pour la première fois- un pavé socioculturel et un mouvement artistique qui verra enfin soumettre à l’appréciation du lecteur (et de sa morale) les imperfections de ces anges du bien.

Partant d’une morale à la Saint Just (« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté »), l’auteur des “Watchmen” nous pose la question suivante : un super-héros peut-il avoir tous les droits seulement parce qu’il est un super-héros ?
Sa réponse est balancée et sujette à interprétation en fonction du degré de lecture que l’on adoptera ou de sa morale personnelle.

Malheureusement, la simple écoute, très discrète, par votre serviteur, d’une discussion entre deux adultes, visiblement pas incultes, dans le métro récemment, peut faire froid dans le dos... Certains ne sont pas choqués par l’assassinat de millions de gens si cela peut en sauver beaucoup plus... À partir de là, on peut tout imaginer et accepter, même les pires dictateurs, malheureusement.

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Je pense donc... je médite ! (“Watchmen”, Panini Comics 2009)

Et ce n’est pas tout !

À ce tableau global, nous pourrions ajouter de multiples détails supplémentaires.
La publication dans la présente édition des intermèdes textuels (extraits de presse, journaux intimes, interviews, etc) absents des précédentes versions.
Une histoire de pirates que l’on suit en fond graphique et via un jeune lecteur assis à côté d’un kiosque dans la BD et qui trouvera même un prolongement sous forme de dessin animé dans les bonus de l’édition DVD à venir.
Un voyage presque onirique vers Mars la Rouge avec le Dr Manhattan, une réflexion sur le pouvoir atomique et les découvertes parfois dangereuses de la science moderne, un questionnement perpétuel sur le pouvoir, ses rouages, ses dysfonctionnements, ses dérives, etc.

Les “Watchmen” = chef d’œuvre

Avec ou sans l’adaptation sur grand écran, qui joue le rôle d’un grand coup de projecteur sur le comics originel, les “Watchmen” étaient et restent une BD marquante, fondamentale, à découvrir absolument.
Sa relecture attentive, plus de vingt ans après sa première publication, ne change rien à l’affaire et confirme ce constat déjà ancien : il est des créations qui dépassent le simple fait de distraire et nourrissent intelligemment votre esprit.


Watchmen (DC Big Book)
Scénario : Alan Moore
Dessin, couleurs : Dave Gibbons
Éditeur (USA) : DC Comics
Éditeur (France) : Panini Comics
Directeur édition France : Alain Guerrini
Site Internet : pages éditions DC/Panini (site éditeur)
Pages : 416 (DC Big Books) - 432 (DC Cult) - 464 (DC Absolute)
Format (en cm) : 16,8 x 2 x 25,7 (DC Big Books)
Dépôt légal : Février 2009
Presse : FHCom (Paris)
EAN : 9 782809 406405 (DC Big Books)
ISBN : 978-2809406405 (DC Big Books)
Prix : 15€ (DC Big Books) & 30€ (DC Cult) & 65€ (DC Absolute)



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- Panini Comics vous propose le chef d’œuvre d’Alan Moore et de Dave Gibbons en trois collections. Vous pouvez ainsi choisir la version la mieux adaptée à votre envie et à votre budget. Entre l’édition BIG BOOKS qui présente la bande dessinée et le magnifique coffret collector DC ABSOLUTE, le DC CULT offre, dans une version de luxe, les épisodes de la saga et de nombreuses pages de bonus.

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À lire sur la Yozone :
- Watchmen, triple bang !
- Watchmen sacré film du mois
- Watchmen - Les Gardiens
- 300, le comic book



Stéphane Pons
26 mars 2009




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