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Double Assassinat dans la Rue Morgue (suivi de) La Lettre Volée
Edgar Allan Poe
LGF, Livre de Poche, Libretti, Nouvelles, traductions de l’anglais (États-Unis), fantastique - policier, 90 pages, janvier 2009, 1,50€

Un double meurtre dans un appartement dont personne n’aurait pu sortir avant l’arrivée des forces de police ou de témoins... Une lettre volée, mystérieusement disparue, qu’il faut absolument retrouver...
Deux intrigues qui créent le genre « policier », car résolues sur des bases logiques et apparemment déductives, mais chez Edgar Allan Poe, surtout traduit par Charles Baudelaire, rien n’est jamais aussi simple.

Au-delà des apparences, l’imaginaire, évidemment.




Le bicentenaire de la naissance du grand écrivain en cette année 2009 sera sans doute l’occasion de parler souvent de Edgar Allan Poe.
Né à Boston en 1809 et mort à Baltimore en 1849, Poe aura illuminé la littérature du 19e siècle en à peine quinze très petites années d’écriture.
Traduit par l’écrivain Charles Baudelaire pour les lecteurs francophones, redécouvert par bien des anglo-saxons suite à la révélation de son talent en terre étrangère par ce grand poète romantique, nombreux sont ses admirateurs qui n’hésitent pas à prétendre que la prose originale y gagna énormément grâce au travail de l’écrivain emblématique des « Fleurs du Mal »...

Cette petite édition (par la taille) de la collection “Libretti” du Livre de Poche propose deux nouvelles essentielles : “Double Assassinat dans la Rue Morgue” et “La Lettre Volée”.

Point de fantastique, thématiquement parlant, dans ces deux textes, si ce n’est via les étranges et mystérieuses ambiances, un rien crépusculaires, globalement dégagées par les deux intrigues. Au contraire, Poe travaille un sillon qu’il veut logique, basé sur l’intelligence et la capacité de déduction de son personnage central : Charles Auguste Dupin.

De cette figure de l’enquêteur qui n’appartient ni aux services de Police et n’est pas plus le précurseur du détective privé moderne, on saura peu de choses, si ce n’est qu’il trouve la solution à des mystères que personne ne comprend. De plus, il parvient au but assez rapidement, faisant passer les « professionnels » du crime pour des rustres aux capacités cérébrales amoindries.

Soyons francs, quitte à frôler l’outrage, “Double Assassinat dans la Rue Morgue” souffre aujourd’hui d’une assez longue introduction destinée à amener le lecteur sur les chemins de la compréhension des outils intellectuels que va utiliser Dupin. Si l’on comprend bien qu’à l’époque le procédé était nécessaire, en 2009, les cinq premières pages alourdissent le texte et pourraient lasser.
Tout cela n’enlevant rien, évidemment, à l’originalité de la démarche et à l’inventivité de l’intrigue qui inspire toujours de nombreux écrivains par son caractère profondément novateur. À savoir, trouver le coupable d’un méfait découvert dans un lieu dont personne n’aurait pu sortir sans être vu par de nombreux témoins.
Plus subtile et facile à lire, “La Lettre Volée” pose elle aussi les bases d’un genre d’intrigues toujours exploitées de nos jours : comment retrouver un objet volé dont on est à peu près certain qu’il n’a pas quitté son espace originel ?
Bref, dans les deux cas, la solution est sous les yeux de tous, mais personne n’a la capacité de “tomber” dessus par la grâce d’un raisonnement, sauf le héros de la nouvelle !
Là aussi, on pourra jouer au petit jeu des similitudes avec des textes contemporains de l’écrivain « (Les Trois Mousquetaires » d’Alexandre Dumas & d’Auguste Maquet) ou plus tardifs (cf. les intrigues développées par Conan Doyle et Maurice Leblanc).
Quant au personnage de Poe, Charles Auguste Dupin, il est également l’élément central de la nouvelle intitulée “Le Mystère de Marie Roget” (1842-1843), absente de ce recueil. Il donnera également naissance à quelques revisitations (ou suites) sous la plume, entre autres, de l’écrivain Michael Harrison (« Le Retour du Chevalier Dupin ») (10/18) et de Gérard Dôle (« Les Extraordinaires Aventures du Chevalier Dupin » (Terre de Brume).

Mais revenons-en à nos mystères et à cette édition de poche. Comme à l’habitude dans ce genre de collections à petit prix, une courte et précieuse introduction d’un spécialiste du genre et de l’écrivain ouvre le recueil.
Ici, Jean-Pierre Naugrette (directeur des éditions de Poe au Livre de Poche) précise les tenants et les aboutissants des textes publiés. Huit pages fort intéressantes et à lire absolument. Une courte chronologie et une petite bibliographie complètent heureusement l’ensemble. De nombreuses notes de bas de page contenteront également le curieux et lui permettront d’en savoir plus.

Cette énième réédition s’avère donc très pratique aussi bien pour les jeunes lecteurs (collégiens et lycéens) qui pourraient avoir à étudier les textes de ce grand écrivain, que pour les passionnés d’imaginaire qui lui doivent beaucoup. On pourra aussi préciser que pour un euro et cinquante centimes, on a souvent -et à peine- une mauvaise baguette alors que pour le coup (et le coût) on peut se rassasier intelligemment les neurones avec deux textes révolutionnaires en leur temps !


Titre : Double Assassinat dans la Rue Morgue suivi de La Lettre Volée (Murders in the Rue Morgue, avril 1841 et The Purloined Letter, septembre 1845)
Auteur : Edgar Allan Poe
Traductions (de l’américain) : Charles Baudelaire
Couverture : Gustave Moreau (étude de singe -détail, 1880)
Édition établie, présentée et annotée par : Jean-Pierre Naugrette (préface, chronologie, bibliographie)
Éditeur : Librairie générale Française
Collection : Le Livre de Poche - Libretti - Classiques
Site Internet : page livre (site éditeur)
Pages : 90
Format (en cm) : 11 x 0,5 x 17,8 (poche, broché)
Dépôt légal : janvier 2009
EAN : 9 782253 082699
ISBN : 978-2-253-08269-9
Prix : 1,50€


À lire sur la Yozone

- L’Étrange Histoire de Arthur Gordon Pym (Omnibus)
- Double Assassinat dans la Rue Morgue (BD, Delcourt)


Stéphane Pons
22 mars 2009


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Collection « Libretti » à 1,50€ du Livre de Poche (2009).



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Edgar Allan Poe en novembre 1848, quelques mois avant sa mort, daguerréotype de W.S. Hartshorn, Providence, Rhode Island (détail).



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