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Jolies Ténèbres
Vehlmann, Pommepuy & Kerascoët
Editions Dupuis

La jolie Aurore a tout bien préparé pour accueillir son amoureux, le prince Hector. Tout est parfait, de la robe au goûter. Cependant, alors qu’ils échangent de sages mots tendres assis côte à côte sur le canapé, le plafond commence à couler…
Il faut dire que leur univers n’a rien de commun et que choisir de loger dans le corps d’une petite fille, c’est très douillet, sauf lorsque celle-ci meurt et que son corps se décompose.

Délogés de leur cocon comme des dizaines d’autres petits êtres, c’est la lutte pour la survie qui commence et la petite Aurore qui tente de tout bien organiser et de prendre soin de chacun est bien vite dépassée par l’effroyable tournure des événements.



Le choix d’un titre en oxymore semble particulièrement pertinent, tant cet album joue sur les opposés.
Le dessin délicat, peut-être un peu mièvre, qui m’a fait penser de prime abord aux dessins bon enfant que l’on voit parfois dans les magazines féminins, contraste fortement avec l’histoire cruelle qui se déroule sous nos yeux.
Oui, le goûter idyllique et maniéré du début laisse très rapidement la place à une lutte pour la survie durant laquelle les événements sordides se succèdent l’air de rien.

Avec un recul froid et un détachement sans faille, les auteurs nous entraînent dans le récit.
Une fois commencé, difficile de décrocher ! “Jolies ténèbres” prend aux tripes, les noue, les soulève.
On persiste, malgré le malaise qui s’instaure de plus en plus, à suivre ces personnages mielleux au comportement malsain.
La décomposition du corps de la fillette rythme ce conte noir dont on croit pouvoir toucher le sens sans jamais avoir de certitudes.
Aurore… Le nom de l’héroïne est le même que celui de la fillette étendue dans les bois. Tous ces petits personnages qui grouillent et s’affairent peuvent apparaître comme les facettes de la personnalité de l’enfant disparue, ou comme ses rêves, son imagination, son âme.
Le prince charmant, la peste belle et hautaine qui met tout le monde à ses pieds, l’aventurière… Autant de personnages que l’on imagine bien dans des jeux d’enfants.
Et puis « la dégoûtante », celle qui refuse de quitter le cadavre malgré tout, pourrait-elle être assimilée à un déni de la mort, à un refus de la petite fille de croire en sa disparition ?
Tout ceci reste bien entendu des suppositions personnelles. Rien ne permet jamais d’avoir une réponse.

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Mais qu’importe ! On lit coûte que coûte et on assiste avec l’impuissance du lecteur à l’hostilité du monde qui entoure ses petits êtres. Mais ceci n’est rien en comparaison de la barbarie qui les anime.
Ils ont une naïveté atroce, d’une implacable cruauté. On contemple avec une fascination morbide les disparitions successives et le périple sans fin de la (presque) gentille Aurore qui perd tout mais qui reste la seule à qui on peut avoir envie de s’identifier ici.

Refus de la différence, trahison, hypocrisie, appât du gain, manipulation… On explore nombre de facettes de nos côtés obscurs, l’air de ne pas y toucher.
Le style de dessin prend toute son importance, créant le contraste saisissant qui donne toute sa dimension à l’histoire et l’empêche de tourner au glauque. La couleur directe est superbe, les paysages bien rendus et les personnages attachants. Les quelques cases reprenant un style réalistes sont également somptueuses.
Un morceau de chair en putréfaction enroulé dans un emballage de bonbon.

Un clair-obscur fascinant qui interroge et ne laisse pas indifférent. À ne pas manquer.


Jolies Ténèbres
- Scénario : Vehlmann et Pommepuy
- Illustration : Kerascoët
- Éditeur : Dupuis
- Dépôt légal : mars 2009
- Pagination : 92 pages couleurs
- ISBN : 978-2-8001-4238-8
- Prix public 15, 50 €


© Dupuis (2009)



Myriam Bouchet
17 mars 2009




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