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Blindness
Film japonais, brésilien, canadien de Fernando Meirelles (2008)
8 octobre 2008

****



Genre : Anticipation
Durée : 2h

Avec Julianne Moore (L’épouse du médecin), Mark Ruffalo (Le médecin), Alice Braga (La jeune femme aux lunettes noires), Gael Garcia Bernal (Le « Roi » du dortoir 3), Danny Glover (L’homme au bandeau noir), Don McKellar (Le voleur de voiture), Yusuke Iseya (Le premier aveugle, Yoshino Kimura (L’épouse du premier aveugle), Maury Chaykin (Le comptable, aveugle de naissance), Mitchell Nye (Le petit garçon), etc.

Alors qu’il est au volant de sa voiture, un homme soudain perd la vue. Il est raccompagné chez lui par un homme qui n’hésite pas à lui voler sa voiture. La femme du premier aveugle accompagne son époux chez un ophtalmologue qui ne trouve aucune raison à cette particulière cécité blanche. Il perd lui aussi la vue. Une à une, les personnes qui attendaient au cabinet du médecin deviennent aveugles. L’épidémie se répand comme une trainée de poudre. Les aveugles sont parqués, sans aide extérieure, dans un asile. Les contaminés doivent se débrouiller comme ils peuvent pour survivre. Seule une femme, l’épouse du médecin, ne perd pas la vue.

« Blindness » est adapté du roman de José Saramago, « L’Aveuglement ».
Le cinéaste Fernando Meirelles n’en est pas à sa première adaptation. Il a notamment signé « La Cité de Dieu » et le très réussi « La Constance du Jardinier ». Et force est de reconnaître l’aptitude de ce réalisateur pour transposer des œuvres littéraires avec habileté. Le singulier style de Saramago est intelligemment retranscrit. En un mot, cette adaptation du roman de Saramago est un vrai bijou.

L’adaptation cinématographie n’est pas un exercice facile mais Meirelles s’en sort très bien. Le scénariste a su conserver l’essentiel du récit et la réalisation a comblé les ellipses narratives grâce à de savantes séquences de montage rapide.
Cette combinaison permet de retrouver dans « Blindness » les moments phares de l’histoire. Bien entendu, certains passages sont éludés, comme la plainte répétitive du petit garçon, désespéré de ne pas retrouver sa mère. D’autres sont condensés, comme la séquence du supermarché, en deux temps dans le livre, en un dans le film. Mais le résultat est cohérent, l’impasse n’a été faite sur aucun moment fort et les détails abondent avec une réelle précision. Meirelles conserve l’œuvre originale et se l’approprie, ce que tous les cinéastes ne savent pas faire, lesquels se contentent parfois de juste mettre en image les mots d’un écrivain.

Comme dans le livre, les personnages n’ont ni prénom, ni passé (exceptée la jeune femme aux lunettes). Leur cécité et leur confinement effacent qui ils étaient auparavant. Les protagonistes deviennent de nouvelles personnes, même si parfois, ils sont catalogués, jusqu’à ce que leur action ou leurs regrets permettent aux autres de changer d’avis sur eux. La ville où se déroule l’histoire n’est pas précisé, ce qui rend le récit universel.

L’image de « Blindness » instaure un climat particulier. Le grain est saturé, lumineux et le processus d’aveuglement est simple (le blanc obture l’image) mais il est très efficace, voire angoissant. Les gros plans cassent la vision du spectateur en l’obligeant à n’adopter qu’un point de vue. De même, la caméra portée à l’épaule permet de s’immerger dans le quotidien et le ressenti des personnages.

Les points de vue sont multiples au début du film. Les récits se concentrent sur chaque protagoniste au fur et à mesure que l’épidémie se répand. Puis l’histoire s’attache à la femme du médecin, la seule à voir (tant au sens propre qu’au sens figuré). Ce personnage est incarné par Julianne Moore, dont la force et la fragilité se mêlent avec finesse.
L’actrice devient cette femme qui porte sur ses épaules un poids écrasant. C’est quand elle faiblit que le montage s’accélère en enchainant des flashes d’images (les excréments jonchant le sol de l’asile, les chiens dévorant les cadavres dans les rues maculées d’immondices). Quand elle se prend en main et qu’elle affronte ses démons intérieurs ainsi que les profiteurs du dortoir 3, la caméra la filme de face, ce qui permet de mesurer ses motivations.
La prise de pouvoir des hommes du dortoir 3 pousse les résidents des autres dortoirs à la soumission. La tension va crescendo jusqu’au point de non retour. Le livre et le film démontrent que l’homme est capable du pire quand il s’agit de sa survie et quand les règles édictées par les lois ne sont plus suivies. L’homme est acteur de sa propre destruction, de ses pires exactions, de ses choix et de ses remords… Livrées en pâture, les femmes démontrent la lâcheté de l’homme quand la situation le dépasse. De même, la dégradation des conditions de vie altère le jugement, exit la moralité…

C’est aux détails que les relations et le quotidien des autres personnages, parfois un peu mis en retrait par l’adaptation, prennent toute leur dimension. Meirelles filme avec tendresse ces moments volés dont seule la femme du médecin est le témoin et permet de rendre l’ensemble cohérent pour qui n’a pas lu le livre. Ainsi, le spectateur devine le destin tragique du voleur de voiture quand la caméra dévoile l’état de sa jambe.

Que ce soit dans le traitement de l’image ou dans l’adaptation, la réussite du film ne serait pas possible sans l’interprétation. Les actrices méritent une mention spéciale. Elles sont les seules vraies héroïnes de cette histoire. Julianne Moore est parfaite et Alice Braga sublime l’image.

Profondément féministe, l’ouvrage de Saramago ne perd en rien de sa verve contre la déchéance de l’humanité. L’adaptation de Meirelles livre une fable universelle en faveur de la solidarité et le réalisateur signe une œuvre majeure qui est une vraie leçon de cinéma.
Un film à voir, incontestablement, un film à méditer. Un livre à lire et un auteur à découvrir.

La critique du roman

FICHE TECHNIQUE

Titre original : Blindness (L’Aveuglement)
Réalisateur : Fernando Meirelles
Scénariste : Don McKellar
D’après l’œuvre de José Saramago : « L’Aveuglement »

Producteur : Andrea Barata Ribeiro, Niv Fichman, Sonoko Sakai
Coproducteur : Bel Berlinck, Sari Friedland
Producteur associé : Aeschylus Poulos
Producteur exécutif : Simon Channing-Williams, Gail Egan

Photographie : Cesar Charlone
Musique originale : Marco Antonio Guimarães
Assistante monteuse : Sandy Pereira
Chef décorateur : Tulé Peak
Décoratrice : Erica Milo
Costumière : Renée April
Directrice du casting : Deirdre Bowen, Susie Figgis
Coordinateur des cascades : Alison Reid (II)
Monteur : Daniel Rezende

Exportation/Distribution internationale : Pathé Distribution, France
Production : 02 Filmes (Brésil), Rhombus Media (Canada), Bee Vine Pictures (Japon)
Distribution : Pathé Distribution (France), Miramax Films (USA)
Attaché de presse : Jérôme Jouneaux, Matthieu Rey, Isabelle Duvoisin


Céline Bouillaud
5 octobre 2008



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Le premier aveugle



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La femme du médecin



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la jeune femme aux lunettes noires



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La femme du premier aveugle



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L’homme au bandeau noir



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Le roi du dortoir 3



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