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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Johan Heliot : Interview Yozone
Un auteur à découvrir (si ce n’est pas encore fait !)
À l’occasion de notre dossier Uchronie

Johan Heliot vient d’obtenir avec Xavier Mauméjean le Grand Prix de l’Imaginaire 2007 (catégorie roman) pour la « traduction » :-) du roman « Bloodsilver » (Mnémos, 2006).

Il est aussi et sans conteste un des écrivains phares de la scène hexagonale SF-Fantastique.
Auteur reconnu et récompensé, il obtient un succès critique et éditorial dès son premier volume de la trilogie uchronique consacrée aux relations Terre-Lune à travers plus d’un siècle d’Histoire détournée, « La Lune Seule le Sait ».
Il ne se limite cependant pas à cette unique thématique et aborde les rivages de la littérature « Jeunesse », de l’anticipation, du fantastique teinté de polar ou d’angoisse. Et toujours de solides bases historiques au service de récits parfaitement structurés.




Il collabore aussi et régulièrement avec Xavier Mauméjean (la série « Le Bouclier du Temps », la traduction (!) du « Bloodsilver » de Wayne Barrow) et s’est depuis toujours consacré à la nouvelle avec un égal bonheur.
Johan Heliot est aussi un homme charmant, posé et accessible.

Avions-nous besoin d’autres raisons pour vous proposer cette petite interview du romancier et ce dossier sur l’uchronie ?
Pas vraiment, le sujet a le vent en poupe depuis plusieurs années et Johan Heliot mérite vraiment d’être sous les projecteurs de la Yozone.

Yozone : Après le succès critique et littéraire de « La Lune seule le sait », deux autres volumes sont venus créer une trilogie et un travail de « suite » assez rare dans le milieu de la SF Française. Était-ce le dernier effort consacré à l’entreprise ou d’autres idées sont-elles en train de germer ? Bref, un tome 4 est-il à venir ou pas ?

Johan Heliot : Rare, vraiment ? Je ne sais pas... Ce n’est pas un projet de cycle au départ, en tout cas. Les tomes se sont peu à peu imposés au gré de mes envies, sans vue d’ensemble. Ils sont d’ailleurs très différents et peuvent être lus indépendamment. Je n’envisage pas un quatrième, car plus je m’approche de notre époque, plus je m’éloigne de la SF (curieuse phrase...) pour approcher le roman noir ou humoristique.

Revenons un peu sur la genèse du projet. Tout cela a commencé quand et comment dans la tête de l’auteur ?

J. H. : Je ne sais plus trop... Il y avait cette nouvelle, « Trouver son cœur et tuer la bête », parue dans « Bifrost », genèse du projet. Et j’ai eu vent de ce que Mnémos cherchait des projets de roman. J’ai écrit quelques pages, je crois, qui ont plu à Célia Chazel, et c’était parti.

Le premier volume était-il conçu comme un one shot ? Si oui, quand est venue l’idée d’une et de plusieurs suites ?

J. H. : Oui. Puis j’ai eu envie de mixer roman noir « historique » et SF, ce qui a donné lieu au deuxième tome.

Chaque époque de vos romans évoque et s’inspire de faits historiques ou culturellement marquants. Était-ce un postulat de travail obligatoire à la création ou, après tout, n’est-ce qu’un heureux hasard inspirateur ?

J. H. : Un fil conducteur que je me suis obligé à suivre...

Johan Heliot : L’évolution délibérée du style correspond au changement d’époque et à de nouveaux hommages littéraires

Le premier volume de la série semble être le plus réfléchi, le plus pensé et travaillé dans les détails stylistiques de l’écriture. On a l’impression (mais peut-être ne s’agit-il que d’une impression) qu’ensuite, le travail de l’écrivain est plus décontracté, joyeux, libéré. N’est-ce qu’une sensation de lecteur sans fondement particuliers ou cela correspond-il à une réalité ?

J. H. : Réfléchi, pensé et travaillé, vraiment ? Je n’ai pas l’impression, d’autant que j’écrivais alors dans des conditions tout à fait différentes, à mes moments perdus après le boulot (le vrai !), alors qu’aujourd’hui je ne fais plus que ça et suis plus concentré, du moins j’en ai l’impression.
Quant au style, c’est un pastiche de celui des feuilletonistes, c’est une question de goût pour le lecteur, mais pour ma part, ce n’est pas celui que je préfère. Mais je me suis sans doute senti plus décontracté par la suite, je suis d’accord, avec le « succès » rencontré par le premier tome.
Toutefois, l’évolution délibérée du style correspond au changement d’époque et à de nouveaux hommages littéraires (Malet puis Vian).

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La Trilogie de « La Lune » a été intégralement publiée chez Mnémos après une première nouvelle inspiratrice dans la revue Bifrost. Elle est rééditée en poche par Gallimard, collection Folio SF.


Plus on avance dans la série, plus on découvre que chaque intrigue, tout en gardant des éléments unificateurs, prend ses sources dans des éléments différents : la littérature dans le premier volume, le cinéma dans le second, etc. Est-ce volontaire ou ne s’agit-il que d’un choix logique imposé par les époques concernées ?

J. H. : Volontaire, oui. La source du troisième pourrait être... la politique, d’ailleurs !

Jules Verne, Léo Malet, Boris Vian, trois tomes et trois écrivains omniprésents. Johan Heliot salue-t-il des « maîtres » ou reprend-il juste des figures marquantes des périodes évoquées ?

J. H. : Pas des maîtres, non. Et des trois, je préfère Malet. Mais ce sont des symboles pour chacune des époques visitées par le cycle de « La Lune ».

Quand Johan Heliot lit, se contente-t-il d’un seul livre sur sa table de chevet ou de plusieurs ? Lequel, lesquels, un genre précis ? Bref, le Héliot est-il un animal lecteur éclectique ou un monomaniaque compulsif ?!

J. H. : L’étagère qui me sert de table de chevet est actuellement recouverte par (une minute, je vais compter...) 67 bouquins en tous genres, et ce ne sont que les derniers arrivés. Ça donne une idée du genre de lecteur que je suis. A présent, je n’hésite plus à reposer un livre si les premières pages ne me plaisent pas et à passer au suivant. Il m’arrive d’en commencer deux ou trois en même temps.

Son plus grand plaisir d’écrivain, c’est...

J. H. : Encaisser le chèque de l’éditeur... Et voir le livre en rayon dans les librairies. Comme tout auteur, j’ai un ego surdimensionné !

Quels sont les livres, films, BD, oeuvres qui ont vraiment marqué sa vie ?

J. H. : Marqué ma vie, faut rien exagérer... Je ne crois pas qu’une œuvre soit aussi influente que ça d’ailleurs. Ou alors il faut mener une bien triste et vide existence. Bref, ado, j’ai été secoué par « Blade Runner » bien sûr, par la lecture consécutive de Dick, des auteurs SF classiques, puis je suis passé au polar et à certains auteurs inclassables comme Fante, Bukowski...
Aujourd’hui, j’admire le travail et les univers de Marc Behm (récemment décédé dans l’indifférence générale, alors qu’il a produit des chefs-d’œuvre « fusion » bien avant que ce soit la mode : « Crabe », « La Vierge de Glace », « Trouille », ...), Tim Powers, Cristopher Fowler, par exemple.

Dans « La Lune Vous Salue Bien » tu convoques toutes les icones des fifties. Il en manque une d’importance, Marylin, As-tu un temps imaginé lui faire jouer le rôle de Lolita et as-tu finalement reculé car tu avais trop de respect pour elle ?«  » (H. T.)

J. H. : Non, absolument pas. J’y fais juste allusion à un moment. Mais Lolita m’inspire plus que Marylin (peut-être pas le truc à avouer en ce moment avec les traques aux pédophiles qui se multiplient !) parce qu’elle est un personnage littéraire (il y a aussi le film de Kubrick) sans doute. Et puis, comme les lecteurs le découvriront vers la fin du livre, je suis encore plus branché par Jane Mansfield, la version « série B » de Marylin ! Cela dit, des tas d’autres icones fifties ne figurent pas dans le bouquin...

Si quatrième tome il y a, échapperons-nous aux aventures du Petit Nicolas en Napoléon IV du XXIe siècle avec BHL en aventurier intrépide ?

J. H. : Ah, vous me donnez des idées... Euh, faut que j’y réfléchisse, quand même !

Mnémos a réédité les deux premiers volumes de la trilogie avant d’éditer le troisième. En quoi la version du premier tome diffère-t-elle du roman original ?

J. H. : Mnémos a réédité le premier volume, pour disposer d’une jolie couverture de Manchu (pléonasme) et de la version par moi déjà révisée pour Gallimard-Folio SF, avec en bonus la nouvelle qui est à l’origine du cycle.

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Johan heliot au naturel et en N&B (© photo Emmanuel Oudot).


Aujourd’hui, Johan Heliot c’est : « La Lune, m’En Parlez Plus ! »« ou »Pas de problème, on pourra même en discuter à Nantes aux Utopiales si j’y suis !".

J. H. : D’abord, j’y serai (à Nantes, NDLR) ! Ensuite, pour ce qui est de « la Lune », je ne sais pas trop. Je pense avoir épuisé le sujet (et peut-être le lecteur par la même occasion). J’ai envie de changer de registre.

L’écriture de romans « jeunesse » diffère-t-elle des romans « pour grands » chez Johan Heliot ? Si oui, en quoi ?

J. H. : C’est plus court, plus vite écrit et ça paye mieux, c’est tout. Ah, et on n’a pas le droit d’écrire des scènes porno sinon notre éditeur a des ennuis, tout comme si on mêle religion et pédophilie (comme dans la vrai vie, quoi...)...

Au finish, le plaisir de l’écrivain est-il le même ?

J. H. : Absolument.

Johan Heliot : Les éditeurs dits de genre sont responsables eux aussi de ce rendez-vous manqué avec les grands médias !

Le succès global de la littérature « Jeunesse » est tel à l’heure actuelle que parfois, on découvre des romans de très grande qualité, voire supérieurs, à ce que le genre SF classique peut offrir. Est-ce un constat partagé par l’auteur et si oui de quoi cela vient-il d’après lui ? (du fait que des auteurs sans racines pré établies s’intéressent à la Littérature jeunesse alors qu’ils n’auraient jamais osé écrire de la SF ou du fantastique ?

J. H. : Je ne fais aucune différence entre littérature jeunesse et... quoi, adulte ? Où commence l’une et où finit l’autre ? J’écris, point. Plus exactement, je raconte des histoires. Mon public a toujours été constitué pour une large part de lecteurs assez jeunes, adolescent et « vingtenaires », comme pour tout auteur de SF ou fantasy.
Le succès (relatif) des collections jeunesse a ceci de bon qu’il ouvre de nouvelles perspectives aux auteurs et qu’il permet de renouveler les générations de lecteurs. Mais les ados que je rencontre assez souvent lisent dans le même temps des Mango (pub !) et des Livres de Poche ou des Pocket, par exemple. Eux se foutent des sectorisations par tranches d’âges.

La SF, le Fantastique, les littérature de l’imaginaire sont finalement relativement ignorés par la critique littéraire hexagonale (constat que l’on peut ne pas partager mais il faudra l’expliquer :-)). Un complot ? Une raison précise à ce désamour ? Où le 6ème arrondissement parisien et les écrivains Normaliens ne se sont-ils finalement jamais remis du succès mondial et populaire d’un Jules Verne ou au fait que le premier prix Goncourt ait couronné une œuvre de SF ?

J. H. : Je ne partage pas tout à fait cet avis. Je viens encore de lire une pleine page du Monde des Livres consacrée aux genres qui nous intéressent (édition du vendredi 5 octobre, consacrée à Catherine Dufour, Jérôme Noirez, Fabrice Colin, Fabien Clavel...). L’indifférence vient de la télé, beaucoup moins des journaux ou de la radio (voir le cas Angelier).
Il faut savoir de quelle « critique littéraire » on parle, poser la question de sa légitimité d’ailleurs. Qui parle et depuis où ? De plus, je pense que les éditeurs dits de genre sont responsables eux aussi de ce rendez-vous manqué avec les grands médias : quels moyens sont mis pour promouvoir un bouquin de SF ? Aucun, ou presque.
Il ne faut pas s’étonner de l’indifférence de certains si on ne fait pas l’effort d’attirer leur attention.

Aujourd’hui, Johan Heliot est un homme heureux ou un être torturé par les supplices qu’endure l’écrivain devant la feuille blanche ?

J. H. : Un peu des deux, sans doute. Heureux, bien sûr, je fais le boulot que j’ai choisi, dans les conditions que j’ai choisies. Torturé, évidemment, c’est parfois très dur de s’y mettre et toujours impossible d’être pleinement satisfait de ce qu’on écrit.

Fin de la pénitence : quelque chose à ajouter ?

J. H. : Euh, achetez mes livres ? Et merci !

EN SAVOIR PLUS SUR JOHAN HELIOT AVEC LA YOZONE

Johan Heliot et Guillaume Lebeau signet à Rennes (roman aux éditions Baleine)
Le club Van Helsing (présentation des quatre premiers roman de la série du Club Van Helsing aux éditions Baleine)
Yo Interview en mode-short : Johan Heliot (Utopiales 2006)
Ados sous Contrôle (critique roman « Jeunesse » chez Mango)
Faerie Thriller (critique roman chez Mnémos)
Le Bouclier du Temps : Sachem America et Le Messager de l’Olympe (critiques romans, oeuvres co-écrites avec Xavier Mauméjean)
Ploum ! Ploum ! Tralala ! Anarchie vaincra ! (Délices et Daubes, n°61 par Henri Bademoude)
Je n’irai pas cracher sur vos tombes (Délices et Daubes, n°62 par Henri Bademoude)
La Lune Seule le Sait (critique, nouvelle édition Mnémos)
La Lune n’Est Pas Pour Nous (critique, éditions Mnémos)
La Lune n’Est Pas Pour Nous (critique, Gallimard Folio SF)
La Lune vous Salue Bien (double critique, éditions Mnémos)

Bibliographie (romans)

Question de Mort (2007)
La Lune vous Salue Bien (2007)
Ados sous Contrôle ( (2007)
La Légion Écarlate (2007)

La Couleur de la Faim (2006)
Destination l’An Mil (2006)
Le Bouclier du Temps (T2) : Le Messager de l’Olympe (avec Xavier Mauméjean, 2006)
Bloodsilver (Wayne Barrow traduction avec Xavier Mauméjean :-)), 2006)

Alter Jérémy (2005)
Faerie Thriller (2005)
Führer Prime Time (2005)

La Lune n’Est Pas Pour Nous (2004)
Opération Némo (2004)

Faerie Hackers (2003)
La Harpe des Étoiles (2003)
Obsidio (2003)

Pandémonium (2002)

Reconquérants (2001)

La Lune Seule le Sait (2000)

Le Bouclier du Temps (T.1) : Sachem America (En collaboration avec Xavier Mauméjean, 2006)

Sources :
Éditeurs et surtout sites internet spécialisés (Noosfere, Quarante-Deux avec tout notre gratitude pour leur formidable boulot).

Récompenses Littéraires

Grand Prix de l’Imaginaire 2007 : catégorie roman pour « Bloodsilver ».
Prix Bob Morane 2005 : catégorie roman français pour « La Lune n’Est Pas Pour Nous »
Prix Bob Morane 2004 : catégorie nouvelle pour « Obsidio »
Prix Masterton 2003 : catégorie roman français pour « Pandémonium »
Prix Rosny Aîné 2001 : catégorie roman pour « La Lune Seule le Sait »

Crédits photos Johan Heliot :
© Emmanuel Oudot (portrait N&B) & Stéphane Pons (Utopiales 2005)
Crédits couvertures proposées :
© éditeurs

Remerciements particuliers à :
Johan Heliot, Emmanuel Oudot, les éditions Mnémos, Gallimard Folio SF, Le Bélial, éditions Mango, Les éditions Baleine, le Festival des Utopiales (Nantes), les sites internet Noosfere & Quarante-Deux, Hervé Thiellement (Yozone).

DOSSIER UCHRONIE



- L’uchronie, renouveau de la SF ? (Maître Sinh)
- Interview exclusive de Johan Heliot (Stéphane Pons & Hervé Thiellement).
- « La Lune vous Salue Bien » (T3) chez Mnémos (Hervé Thiellement et Stéphane Pons)
- « La Lune n’est pas Pour Nous (T2) » (Folio SF) (Stéphane Pons)
- « La Lune n’est pas Pour Nous (T2) » (Mnémos) (Hervé Thiellement)
- « La Lune Seule le Sait » (Mnémos et Folio SF) (Hervé Thiellement)


Stéphane Pons
2 novembre 2007


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Troisième et dernier tome (?) de la Trilogie uchronique de « La Lune », parution chez mnémos en 2007 de « La Lune Vous Salue Bien ».



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Johan Heliot



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Première édition (Mnémos)



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Seconde édition, revue et corrigée par l’auteur et augmentée de la nouvelle originelle parue dans Bifrost (Mnémos)



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Édition poche chez Gallimard (Folio SF)



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Édition du tome 2 en poche (Gallimard, Folio SF)



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Johan Heliot (Utopiales, 2005)



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