Cette courte introduction est une invitation à prendre le temps d’aller voir cette Exposition forcément originale. Je ne résiste pas à l’idée de vous laisser lire l’excellente présentation disponible sur le site du Musée d’Art Thomas-Henry de la ville de Cherbourg-Octeville, tout en la parsemant des splendides échos des réalisations de cet artiste qui en un autre temps aurait pu être un peintre maudit.
Guillaume Sorel, l’illustration ensorcelée
Depuis longtemps la ville de Cherbourg-Octeville s’est intéressée aux arts graphiques. Riche par son musée d’une importante collection de dessins et de gravures d’auteurs prestigieux comme Jean-François Millet et Félix Buhot, soutenant des événements comme les biennales du 9ème Art organisée par l’artothèque (Bilal, Schuiten-Peeters, Juillard et bientôt Loustal), la ville poursuit par cette exposition sa politique de valorisation des arts graphiques.
C’est la volonté de célébrer le bicentenaire de la naissance de Jules Barbey d’Aurevilly, né en 1808, qui a donné naissance à l’exposition « Guillaume Sorel, l’illustration ensorcelée ». Illustré de son vivant par le graveur valognais Félix Buhot, dont de nombreuses œuvres sont exposées au musée Thomas-Henry et seront visibles en même temps que l’exposition, Barbey d’Aurevilly a créé des récits mystérieux, tout en demi-teintes, où l’évocation familière du terroir cotentinais se mêle étroitement au fantastique par la vision hallucinatoire de destins maudits.
Les Diaboliques ne pouvaient qu’inspirer Sorel, chantre des ruelles obscures et des amours empoisonnées. Né en 1966, cet artiste a d’abord dessiné pour des sociétés de jeux de rôle et des magazines, puis a fait son entrée dans la bande dessinée avec L’Ile des Morts. Scénario lovecraftien, graphisme gothique, ambiance ténébreuse, cette série fantastique, inspirée du tableau homonyme d’Arnold Böcklin, permet à Guillaume Sorel d’entrer de plein pied dans l’univers de la bande dessinée.
Son goût pour la littérature du XIXème siècle et les films fantastiques et d’horreur de la Hammer l’a amené à travailler sur d’autres projets, parmi lesquels Les Diables, Le Fils du Grimacier, Typhaon et quelques années plus tard la série Algernon Woodcock.
- « Vernon », illustration de couverture du T2 de « Typhaon » et affiche réalisée par les Éditions Granit.
Guillaume Sorel vit aujourd’hui en Bretagne. Grand travailleur, talentueux et rapide, il partage son temps entre la bande dessinée, l’illustration de couvertures de romans, ... et une autre passion : la cuisine !
L’esthétique de Guillaume Sorel puise son inspiration dans le fantastique ou l’on perçoit en filigrane un romantisme sombre et désespéré. L’atmosphère dramatique est renforcée par un trait nerveux, cursif, aux lignes voltigeantes et une palette de couleurs intenses. Son style relève plus de l’expressionnisme que du réalisme avec des figures agitées : le monde animal, végétal ou humain apparaît dans sa face obscure, monstrueuse et tourmentée.
L’usage de couleurs audacieuses et de contrastes puissants créent une tension troublante que la technique des encres explore dans une richesse infinie de transparences obtenues par un jeu de dilution ou de fusion. Ainsi le rapport torturé de l’ombre et de la lumière se trouve exacerbé par le traitement de la couleur : les rouges sont éclatants et sanglants, les bleus électriques ou minéraux, les verts mystérieux.
L’exposition commence par les illustrations consacrés aux nouvelles de Barbey d’Aurevilly extraites des Diaboliques. Hiboux en vol et pleine lune, ambiances lourdes, poursuites échevelées, rues sombres, étroites et humides, l’atmosphère évoque les gravures de Buhot, dont Guillaume Sorel s’est inspiré. Le thème de la littérature illustrée reste le fil directeur de l’exposition. Après les dessins dédiés à Barbey d’Aurevilly, la visite se poursuit avec d’autres œuvres de Guillaume Sorel, illustrations, couvertures originales de romans ou de bandes dessinées, esquisses, au total plus d’une soixantaine d’œuvres, qui frappent par leur qualité graphique, l’intensité des couleurs et la fougue du trait. Dragons et chevaliers, fées et guerriers côtoient des scènes obscures tirées d’un XIXème siècle imaginaire.
L’exposition se tient dans la dernière salle des galeries d’exposition temporaire du musée Thomas Henry, à la suite de l’exposition Colson.
Du 1er octobre au 30 avril, le musée est ouvert du mercredi au dimanche de 14 heures à 18 heures, le reste du temps sur rendez-vous.
Entrée libre
Le site de l’Expo : Musée d’Art Thomas-Henry de Cherbourg-Octeville
Illustrations : Édition Granit Associés