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Galaxies n°90 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°90, SF - nouvelles - articles - critiques, janvier 2025 ?, 192 pages, 11€

Ce « Galaxies » met en avant un écrivain que les amateurs de Science-Fiction connaissent, mais qu’ils n’ont pas forcément lu, à savoir Olaf Stapledon (1886-1950). Ce professeur de philosophie à l’université de Liverpool était un visionnaire, un penseur qui aimait se projeter dans l’avenir et quel meilleur vecteur pour ce faire que la Science-Fiction ? Ils sont trois à s’être attelés à ce dossier : Simon Ayrinhac, Jean-Guillaume Lanuque et Xavier Noÿ.



Chacun permet d’affiner le portrait de l’écrivain et de mieux cerner son œuvre. Même si elles vont à l’encontre de nos connaissances actuelles, les échelles de temps en début de dossier illustrent déjà la démesure de son imaginaire. « Les premiers et les derniers » suit le parcours de l’humanité, des premiers hommes jusqu’aux derniers. Comme il est dit en présentation, aux échelles décrites par Stapledon, seule une espèce entière fait figure de personnage. Quant à « Créateur d’étoiles », ce roman se déroule à l’échelle du cosmos, rien de moins ! Dans “Cartographier les abîmes du temps”, Simon Ayrinhac décrit très bien le vertige induit par l’immensité de son terrain de jeu. Jean-Guillaume Lanuque et Xavier Noÿ s’intéressent plus particulièrement et respectivement à “L’utopie politique derrière la multitude” et au fait qu’“Homo Sapiens ne devrait pas jouer avec le transhumanisme”, deux articles permettant d’aborder plus avant sa bibliographie.
La nouvelle inédite “Un monde de sons” (1936) montre comment l’écoute d’un morceau de musique peut inspirer à l’auteur tout un monde. Sa manière de nous entraîner vers un ailleurs insoupçonné s’avère vraiment impressionnante.
Sylwen Norden a écrit une nouvelle pour ce dossier : “Les lettres perdues d’Olaf Stapledon à Agnès Miller”. L’auteur s’empare très bien de l’histoire personnelle de l’écrivain qui, lors de la première guerre mondiale, écrivait du front à sa future femme demeurée en Australie. Il y adjoint quelques textes rebondissant sur l’imaginaire de Stapledon. Une nouvelle plaisante et parfaitement de circonstances.
Les trois chevilles ouvrières de ce dossier partagent leur découverte d’Olaf Stapledon et Simon Ayrinhac est interviewé autour de la traduction de « Créateur d’étoiles ».
Une bibliographie reprenant les romans et novellas d’Olaf Stapledon apparentés à la Science-Fiction conclut ce dossier de très bonne facture.

“Cycle sur cycle” d’Anthony Boulanger a terminé troisième du Prix Alain le Bussy 2024. Il suit l’étonnant cycle de reproduction des carcinisés (plus ou moins des crabes) dans l’espace. Des scientifiques essaient à travers les siècles de mettre la main sur un spécimen à fin d’études, mais sans succès. Tout individu repéré parvient toujours à s’échapper par des moyens défiant la compréhension. C’est là que réside l’originalité de cette nouvelle, avec la diversité d’espèces capables de vivre dans des conditions extrêmes, impropres à toute vie humaine.

George W. Barlow nous amène dans un orphelinat. Il ne faut pas faire des vagues, ne pas se faire remarquer, étudier pour avoir un avenir, même si c’est voué à l’échec selon les professeurs dans le cas de l’élève Brossard, pourtant doué en science. Suite à une soirée où il fait le mur pour voir un cirque, il décide de prouver ce dont il est capable. Mal lui en prend ! Il peut dire “Comment j’ai atteint une dimension universelle à quatorze ans”, mais c’est surtout un aveu d’impuissance. C’est amusant, dans le genre blague tournant mal.

Jean-Pierre Andrevon nous convie à l’absurde construction de “La cité radieuse”. Enfin du boulot dans ce trou ! Mais pourquoi toutes ces précautions et ce secret autour du lieu du chantier, ces militaires gardant les travailleurs et puis, surtout, quand la construction va-t-elle vraiment commencer ? L’auteur nous amène dans une logique sans queue ni tête et le lecteur curieux suit, se demandant où cela conduit. Si ce n’est pas le métier, ça !

Selon Wikipedia : “La gentrification est un processus socio-économique qui se produit lorsque des populations plus aisées s’installent dans un quartier, souvent au détriment des résidents à faibles revenus qui y vivaient auparavant.” La nouvelle “Gentrification” de Michèle Laframboise explique très bien ce scandale où l’argent est roi. Une artiste résiste, elle ne veut pas quitter son atelier, créant avec l’énergie du désespoir une dernière œuvre. Elle n’est pas seule dans ce combat perdu d’avance, mais que peut-elle changer ? Un coup de gueule à travers le prisme de l’art, de la création, dans cette lutte inégale, un vrai phénomène de société. Un texte engagé et très plaisant à lire.

La venue du roi dans la ville de Torchtkiv est à haut risque. Tout laisse présager d’un attentat, alors un flic connaissant la ville est chargé de déjouer le complot contre le pouvoir. Matviy espère réussir et, en même temps, s’élever dans la hiérarchie pour gagner une plus grande respectabilité et pouvoir courtiser une femme qu’il connaît depuis son enfance. “L’âme de la ville du diable” de l’Ukrainienne Iryna Hrabovska n’est pas toujours aisé à suivre, notamment à cause de passages en italique sans que cela semble se justifier, mais le lecteur est vite pris dans cette course contre-la-montre sur fond de politique.

Dans “Série-graphies”, Jean-Guillaume Lanuque est dans l’air du temps avec l’intelligence artificielle. Il y évoque longuement la série « Westworld ». Quant à Didier Reboussin, il revient dans “Croisière au long du Fleuve” sur André Caroff, écrivain populaire mort en 2009 avec plus de 200 titres à son actif. Et « Galaxies » s’achève avec son important volet critique de plus de cinquante pages consacrées aux romans, recueils, bandes dessinées, films et animes. Tout à la fin se trouve même un jeu de mots croisés !

Ce « Galaxies » met en avant un écrivain qui s’est emparé de la Science-Fiction pour mener sa réflexion à ses limites et amener les lecteurs sur les territoires du vertige en terme d’espace et de temps. L’apport au genre d’Olaf Stapledon est d’importance et ne doit surtout pas s’effacer du fait de son ancienneté. Heureusement, des initiatives éditoriales mettent en partie ses écrits à disposition et des passionnés partagent leur intérêt pour son œuvre. Ce numéro ne peut que donner envie de lire un de ses livres et plonger dans l’immensité du temps. Mission accomplie !
Et d’autres bonnes choses agrémentent ses pages.


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 90 (132 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Krystal Campruby
Traductions : Sofia Berkovska (L’âme de la ville du diable) et S.Ayrinhac (Un monde de sons)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : janvier 2025 ?
ISSN : 1270-2382
N° ISBN : 9782376252474
Dimensions (en cm) : 13,5 x 21
Pages : 192
Prix : 11 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
12 juin 2025


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