
On ne compte plus les ouvrages consacrés à Michel Fourniret, le sérial-killer, l’Ogre des Ardennes, et à Monique Olivier, sa complice. Avec « Dans le cerveau du tueur, la nouvelle enquête sur Michel Fourniret – Monique Olivier », Michelle Fines se focalise sur les disparitions de Joanna Parrish et Marie-Angèle Domèce, puis sur celle d’une petite fille de neuf ans, Estelle Mouzin, enlevée à Guermantes (Seine et Marne) en janvier 2003.
« Depuis 2003, la femme de l’Ogre est devenue la championne du monde des interrogatoires. Aucune femme n’a été aussi souvent auditionnée en France qu’elle. »
Les amateurs d’affaires criminelles connaissent l’essentiel : suite à un enlèvement raté Fourniret est arrêté en Belgique en juin 2003. S’il est condamné en 2008 pour sept meurtres, on peut deviner qu’il en a commis d’autres. Le rôle de Monique Olivier, sa compagne, est essentiel dans l’attribution de ces enlèvements et de ces assassinats. C’est en effet grâce à elle, et grâce aux particularités de la justice belge (il est permis de poser des micros en prison, les policiers peuvent auditionner un prévenu autant de fois qu’ils le veulent, et ils l’ont auditionnée pas moins de 120 fois en un an) que les enquêteurs ont pu disposer, dès 2004, d’une première liste de victimes. En 2008, Fourniret est condamné pour sept meurtres, mais les disparitions de Joanna Parrish, Marie-Angèle Domèce et Estelle Mouzin, qu’il a pourtant mentionnées, ne lui sont pas attribuées.
En 2015, la juge Sabine Kheris se voit confier les dossiers Parrish et Domèce. À la grande surprise de Didier Seban et Corinne Hermann, spécialisés dans les cold-cases et avocats de la famille Parrish, elle refuse de clôturer les dossiers. Elle est persuadée, leur explique-t-elle, que Michel Fourniret est le coupable. Elle a raison. Elle aura raison également – alors que la SRPJ de Versailles, depuis des années, s’obstine à nier toute implication de Fourniret dans l’affaire – de faire porter les mêmes soupçons sur la disparition d’Estelle Mouzin, et devra elle-même ruser pour se voir attribuer ce dossier et pouvoir en apporter la preuve.
« Il n’y a pas de lieu en France plus effrayant que le château du Sautou, perdu comme au bout du monde, à la frontière avec la Belgique, dans une forêt de quinze hectares plantée de sapins immenses et lugubres. »
La partie s’annonce serrée : Fourniret et Monique Olivier sont devenus deux champions de l’interrogatoire, ne disant ce qu’ils veulent dire et jouant sans cesse au chat et à la souris (jeu macabre que Fourniret continuera à pratiquer lors de l’exhumation de ses victimes, au château du Sautou, en donnant aux investigateurs des indications tantôt fausses, tantôt justes mais tronquées et incomplètes). Avec sa greffière Valérie Duby, Sabine Kheris sait que les choses seront difficiles. Elle demande donc l’aide de Marie-Laure Brunel-Dupin, profileuse au Département des Sciences du Comportement de l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale, qui analysera des milliers de pages de rapports, les sept cents lettres échangées entre Fourniret et Olivier, les innombrables écrits récupérés dans la cellule de Fourniret pour dresser les portraits psychologiques des tueurs et donner des recommandations pratiques. Les auditions devront être longues, répétées, il faudra savoir manipuler les manipulateurs, il faudra savoir garder son calme devant ces monstres froids, parfois glacés, toujours glaçants. Il faudra briser cette glace, gagner cette guerre d’usure, instaurer une relation de confiance, savoir perdre du temps pour arriver à ses fins, ne jamais lâcher prise. Une investigation et des auditions éprouvantes et de longue haleine, qui s’étendront de 2015 à 2018 et aboutiront à un nouveau jugement.
Ce « Dans le cerveau du tueur » aurait pu être un ouvrage à sensation. Vu le sujet, il peut difficilement ne pas l’être, mais il apparaît surtout comme un essai sérieux, honnête, documenté, enrichi de nombreux extraits des auditions des suspects et citant à chaque fois ses sources. Une enquête sobre qui s’intéresse avant tout aux faits et au déroulement des investigations, aux raisons des succès des uns et des échecs des autres, au professionnalisme et à l’acharnement des investigateurs, aussi bien lors des auditions que lors de la recherche de preuves sur le terrain. Une enquête qui est aussi une course contre la montre , une course contre l’oubli puisque sur la fin la mémoire de Fourniret, atteint d’un début de démence sénile, commence peu à peu à présenter des lacunes. Si les investigations menées par la juge Sabine Kheris sont un succès éclatant, on voit aussi, en creux, se dessiner bien d’autres victimes, dont le nombre pourrait excéder la trentaine – des ombres qui ne seront jamais dissipées
Titre : Dans le cerveau du tueur
Auteur : Michelle Fines
Couverture : Studio LGF . Michelle Fines
Éditeur : Le Livre de Poche (édition originale : Arthème Fayard, 2023)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 38056
Pages : 272
Format (en cm) : 11 x 17,7
Dépôt légal : mai 2025
ISBN : 9782253908817
Prix : 8,70 €
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