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Brüno... à propos d’Electric Miles
“Electric Miles” est une création de Fabien Nury et Brüno
Glénat - Parution le 2 avril 2025

Second volet des entretiens autour de leur nouveau titre, “Electric Miles”. Après Fabien Nury, c’est Brüno qui raconte...
Ils ont déjà réalisé “Atar Gull”, la série “Tyler Cross” (2013 à 2018) et“ L’Homme qui tua Chris Kyle” (2020). Cinq ans plus tard, ils marquent leur retour d’un récit sur l’Âge d’or américain des pulps, mais plus encore ils s’intéressent à celui qui crée, l’auteur, ici un homme déchu qui a des rêves plus grand que de juste publier un livre. Il veut marquer son époque, influencer ses lecteurs et devenir leur gourou !
Brüno nous dit comment le projet « Electric Miles » a vu le jour et ce qu’il compte en faire avec Fabien Nury.



Vous retrouvez votre complice Fabien Nury, avec qui vous aviez travaillé entre autres sur “Tyler Cross” ou “L’Homme qui tua Chris Kyle”. Vous dites avoir fusionné vos univers respectifs ici. Comment s’est passée cette collaboration ?

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Comme sur nos précédents albums, de manière ludique et amicale. Lorsque nous avons commencé à réfléchir au sujet, Fabien m’a demandé d’écrire une liste d’envies graphiques et de synopsis pour qu’on puisse démarrer. Cette liste comportant plein d’idées farfelues s’appelait “Electric Miles” car je l’avais truffée de références à la période électrique seventies de Miles Davis, que j’adore. Par la suite, le projet s’est modifié, mais nous avons conservé le titre. Pour l’anecdote, à cette époque, Miles enregistrait non-stop avec ses musiciens en studio en laissant tourner les magnétos. Puis son producteur, Teo Macero, partait en salle de montage avec tout ce matériau brut et effectuait un assemblage qui allait donner le disque final. Je ne peux m’empêcher d’y voir un point commun avec notre façon de travailler, avec cette importance donnée au montage dans le processus de création. Films, documents et livres viennent nourrir notre réflexion. Fabien écrit, prend des tonnes de notes. On discute beaucoup, des scènes, des séquences émergent…
Lorsque nous avons assez de matériel, je dessine un story-board que nous retravaillons énormément, textes et images. Nous faisons en sorte d’avoir la liberté de pouvoir tout modifier jusqu’au dernier moment, même après l’encrage. Et si je dessine encore sur papier, je remonte les pages sur ordi, pour garder un maximum de souplesse de mise en scène, et que les retouches soient plus faciles à effectuer.

Comment qualifier cette œuvre qui oscille entre pulp, fantastique et science-fiction, mais qui est bien plus que la somme des trois ?

C’est un drame intimiste à trois personnages, et un documentaire sur le monde de l’édition. D’ailleurs, notre éditeur et ami, Franck Marguin, s’identifie beaucoup à John Rockwell, son homologue dans le livre, parce qu’il a une tête de Martien. Nous, on voyait plutôt Franck comme un équivalent de Morris, mais on ne voulait pas lui avouer avant la sortie du livre…

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Plus sérieusement, le troisième personnage-clé est Iris, la femme de Morris. C’est elle, plus que son mari, la véritable prosélyte. Elle est plus sincère et touchante que son mari. Et la scène du salon de coiffure est sans doute la plus SF de tout l’album, avec ces incroyables casques sur la tête de ces dames.

Pourquoi avoir dessiné Wilbur H. Arbogast avec ces lunettes et ce physique ? Doit-il être énigmatique et séduisant pour propager son message ?

En travaillant sur le casting, j’ai rapidement pensé à Marlon Brando, car je savais que le personnage de Wilbur devait pouvoir évoluer physiquement, vieillir, grossir… Et Brando était parfait : au départ séduisant et magnétique, jusqu’à la déchéance physique et sa prise de poids insensée des dernières années. Quant aux lunettes… la disparition du regard est un moyen simple et efficace de rendre le personnage mystérieux et menaçant. Ce regard vide, cela vient d’un lointain souvenir de lecture : Kevin, le psychopathe du premier “Sin City”. Les lunettes peuvent aussi fonctionner comme un miroir, une fenêtre ou un écran. J’ai vite découvert qu’elles pouvaient servir de frontière entre un monde et l’autre. Elles sont très utiles pour entrer ou sortir des délires de Wilbur. On le voit notamment dans la scène “biblique” avec le reflet des croix des suppliciés, ou encore dans la séquence où, revenu du « Grand Blanc Tournant », Wilbur vient vendre son texte à Morris. Si Dieu a des lunettes, c’est sans doute parce qu’il est myope. Ce qui explique beaucoup de choses sur le monde qu’il a créé…

Votre style et votre sens de l’esthétique sont reconnaissables entre mille. Mais comment illustrer la folie d’un homme et son cheminement mental ?

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Quand on travaille, avec Fabien, je ne reçois pas de découpage case à case, ni même page à page. Il m’envoie simplement une continuité de scènes, avec le strict minimum d’indications visuelles et beaucoup de dialogues. Après, je suis libre : disons que deux
types vont passer dix pages à discuter dans une voiture, que faire ? En fait,
les véritables indications visuelles sont contenues dans les dialogues eux-mêmes. Comme je ne vais pas passer dix pages à dessiner des “têtes à bulles”, chaque dialogue peut devenir narratif. On ne voit plus celui qui parle, mais ce dont il parle. Et ça tombe bien, vu qu’il nous raconte une histoire… Je fais une proposition, et puis nous affinons ensemble. Ce qui est amusant, c’est que nous avons découvert cette méthode en documentaire, avec Chris Kyle, avant de l’appliquer en fiction. En fait, une clé serait de ne pas chercher à « illustrer » la folie de façon appuyée ou scolaire, mais simplement de suivre les personnages, leurs émotions et leurs points de vue. Admettre que si rien n’est réel, tout est possible. C’est comme cet entretien : vous êtes sûr qu’on est là, chez Glénat, et que je suis en train de vous répondre ? Si ça se trouve, il y a un Autre dans l’ombre, qui dicte nos paroles… et demain, nous serons prisonniers d’une
page.

Avez-vous l’impression que votre style a évolué pour la conception de ce projet ? Et pour aller dans quelle direction ?

Au fil de nos albums, mon dessin est devenu de plus en plus réaliste. “Tyler Cross” ou“ L’homme qui tua Chris Kyle” nécessitaient une évolution de mon dessin pour mieux servir les univers développés. J’ai progressivement modifié la ligne claire de mes débuts en y intégrant de plus en plus d’éléments venant des comics, notamment des clairs-obscurs plus marqués. Cette évolution s’est amplifiée pour soutenir l’atmosphère de thriller fantastique dans “Electric Miles”.

Que représente ce chien qui vole la vedette à Wilbur sur la couverture ?

There is no world. God is a dog.


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Entretien © Éditions Glénat
Illustrations © Fabien Nury, Brüno et Éditions Glénat



Fabrice Leduc
26 juin 2025




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Brüno



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Electric Miles (T1) Wilbur - Glénat



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Electric Miles (T1) Wilbur - Collector N&N - Glénat



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