Premier récit : “Le réveil” ou la peur de se réveiller dans son cercueil. Une histoire de zombie bien amenée à laquelle “Patient zéro” vient faire écho. Oui, mais de quelle affection ?
Le second texte s’avère très dérangeant avec cette “Petite chose avide” demandant à être nourrie. Le jeune âge de la protagoniste condamnée à devenir prostituée, le lot des femmes de cette famille de génération en génération, et puis la révélation finale, ne peuvent que faire frissonner. L’auteur surfe sur la terreur à de nombreuses reprises, il sait instiller le malaise. C’est ainsi que “Amy né de l’homme et de la femme” revisite avec brio le célèbre “Journal d’un monstre” de Richard Matheson.
La maltraitance au foyer s’invite en la personne d’un homme rappelant sans cesse à sa femme qu’il ramène le seul salaire, ce qui l’autorise à se montrer exigeant avec elle et lui demander de se plier à sa moindre volonté. Heureusement que “L’ombre sur le palier” veille... “Ils” ressemble à un coup de poing. Une agression sans pitié d’une femme y est mise en scène. Pour une prostituée, l’expérience de la “Communion intime” avec un client pervers s’avère des plus douloureuses. Autre texte choc : “Intrusion” avec un homme revenant d’une soirée beaucoup trop arrosée. Il ne se réveille pas qu’avec mal au crâne...
La magie n’est pas en reste dans ce recueil. “N’djé” est-elle la belle Africaine que Christian voit en elle ou le laideron que les autres voient ? Cérémonie vaudou pour protéger les habitants de l’île contre “L’abomination venue des étoiles”, un clin d’œil à Lovecraft. Deux femmes logent tour à tour un pensionnaire exigeant, le bien nommé “Old Blue Eyes”, mais avec de si beaux yeux. “Le chant de la harpie le soir au fond des bois” montre que Yves-Daniel Crouzet sait aussi manier l’humour à travers l’invocation d’un démon qui ne se passe pas du tout comme prévu.
Humour aussi dans le traitement d’une figure classique du fantastique dans “L’honorable fantôme”. Pas facile pour lui de suivre la marche du temps et de voir que de source de terreur, il est passé au stade de curiosité dans notre époque actuelle, avide de sensationnalisme. Dans “La promotion”, une administration dévolue aux mythes et à ses figures abrite toujours son lot de travers humains qui n’ont pas fini d’enrayer son bon fonctionnement.
En parlant de mythes, de déités, la première nouvelle publiée par l’auteur, “Le grand Moudzou” en appelle aux divinités de pacotille, celles élevées au rang de dieux du fait des fidèles toujours prêts à croire en quelque chose et vouées à l’oubli une fois les ouailles disparues, comme toutes les religions.
“Sous l’aile de l’ange” qui donne son titre à ce recueil fait référence à cet ange gardien censé nous protéger. Parfois, nous sortons de situations dangereuses quasi indemnes et en nous demandant comment c’est possible, et le voilà qui nous revient en mémoire.
Yves-Daniel Crouzet aime aussi jouer avec le temps. “Le souhait” revient à fuir ses responsabilités, à chercher si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Aller aux toilettes dans ce cinéma s’accompagne de drôles d’effets que seul un homme remarque lors de “La séance”. Il y a aussi un air de “Déjà-vu” quand le temps se met à reculer.
Restent quatre nouvelles plus difficiles à raccrocher à un thème, mais toutes aussi percutantes. “La papillonite” est une de ces affections provoquées par le réchauffement climatique. La prolifération d’une nouvelle variété de papillons entraîne de graves séquelles. “Sylvia” où un homme abandonne femme, enfant et boulot pour suivre une star sur le déclin et prête à assouvir tous ses fantasmes. Passer “Le test” ne peut être anodin et peut se révéler lourd de conséquences, surtout suivant la vie que l’on a menée. “La tache” apparait un beau jour dans la paume de la main, puis elle grandit avant de se stabiliser et de faire montre d’étonnantes propriétés.
23 textes au sommaire, chacun avec une présentation de l’auteur, la plupart déjà publiés dans différents supports, mais avec le même plaisir à la lecture. La palette explorée est large, avec une prédominance pour le fantastique, mais l’auteur flirte à l’occasion avec la science-fiction, et fait souvent preuve d’humour. Il sait instiller le malaise, déranger le lecteur en versant parfois dans la terreur à travers des êtres maltraités, torturés. Que ce soit en terme d’ambiance, de finale, de thématique, chaque nouvelle apporte son lot d’émotions et sa pierre à l’édification de ce recueil, jusqu’à nous amener « Sous l’aile de l’ange ».
Une plume originale, somme toute rare, mais attrayante en diable.
Pour entrer en territoire fantastique, connaître l’angoisse, c’est sur le site de l’éditeur Rivière Blanche qu’il faut aller.
Titre : Sous l’aile de l’ange
Auteur : Yves-Daniel Crouzet
Couverture : Mike Hoffman
Éditeur : Black Coat Press
Collection : Rivière Blanche Collection Noire
Numérotation dans la collection : 192
Site Internet : Recueil (site éditeur)
Pages : 276
Format (en cm) : 20,4 x 12,5
Dépôt légal : avril 2025
ISBN : 9781649323835
Prix : 20 €
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