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À vomir et à lire
Un chœur d’enfants maudits de Tom Piccirilli - Le goût de l’immortalité de Catherine Dufour
Délices & Daubes n°40


Et v’là qu’ça recommence. « Une découverte incontournable géniale de chez pas possible quel bouquin ! », hurlent à la lune et à l’unisson les critiques esbaudis. Je vais chez mon épicier, j’achète Un chœur d’enfants maudits, de Tom Piccirilli, Folio SF, 2006, 299 pages et j’essaye de le lire. Si vous aimez le glauque, le malsain, le tordu, n’hésitez pas à faire comme moi.

L’histoire se passe dans le bayou, dans la flotte sale, le marais et la fange. Il y a du sang, du sperme, du vomi, du caca, de l’alcool, de la coke, des fantômes, le tout à haute dose. Le narrateur a de grosses araignées dans le plafond, et trois frères qui n’en font qu’un, reliés qu’ils sont par les os du crane. Un énorme cerveau et des membres difformes. Tous les personnages sont horribles, moralement ou physiquement, cinglés et obsédés de sexe.

Je me suis plongé dans cette ambiance délétère mais j’ai abandonné à mi-chemin. Je me fichais complètement de ce qui allait arriver. Et j’en avais assez de cette glauquerie, des monstres en tout genre, de cette ambiance. Ça m’a rappelé le seul roman porno que j’ai essayé de lire, il y a longtemps, Vice Versa de Samuel Delany (un type dont je vous recauserai peut-être un jour parce qu’il a écrit aussi de formidables romans). Vous avez l’impression que l’ignominie qui est racontée va vous salir la tête. Beurk !

Piccirilli a du style, c’est indéniable, mais au service de quoi ? Mais bon, il plait aux foules et il a reçu le Prix Bram Stoker.

Incidemment, on ne voit vraiment pas pourquoi ce bouquin est étiqueté « SF », on imagine que « fantastique » ça ne vend pas...

Et puis - ouf ça fait du bien ! - j’ai lu un très bon livre, encensé lui aussi - et cette fois je suis d’accord - Le goût de l’immortalité de Catherine Dufour, Mnémos, 2005, 249 pages. Bon ce n’est pas très gai et le futur décrit ne fait pas envie de vivre vieux. Mais que l’écriture est belle ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu si beau.

Une fillette est empoisonnée par des métaux lourds mais survit, grâce à une potion de sorcière. Elle est toujours là deux cents ans après, dans un sale état mais toujours là. Et elle raconte ce qui s’est passé entre ses huit et ses quinze ans. Le monde est devenu fou, la Nature n’existe plus. Du coup les majuscules ont été retirées aux noms propres et réattribuées aux Arbres, Racines, Humus, etc., et aussi, bizarrement, au Réseau. Mais quand elle était fillette, avant les pandémies, on jouait aux apprentis-sorciers avec les maladies et leurs vecteurs, dont les Moustiques. Outre son histoire, ses relations avec sa mère qu’elle déteste, avec une autre dame à la main verte qu’elle aime bien et avec la sorcière qu’elle hait, elle raconte l’histoire de cmatic, ce grand blond dont elle fut amoureuse, celle de shi, le collègue entomologiste de cmatic et celle d’une jeune musicienne des sous-sols, cheng. Elle nous décrit ainsi l’avenir sombre de la planète. Pour plus de détails, allez-donc lire la critique de Ketty Steward.

Malgré sa noirceur constitutive, ce livre est magnifique. C’est sans doute dû au style, et à l’espèce de distanciation qu’il instaure. Mon seul regret c’est que ça se passe en Chine et que je n’ai pas compris grand-chose des termes et références extrême-orientaux dont le roman est truffé.

Ce bouquin a raflé tous les prix de SF francophone (Prix Rosny Aîné 06, Prix Bob Morane 06, Grand Prix de l’Imaginaire 07) et c’est amplement mérité.


Henri Bademoude
15 février 2007


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