“La Voie Ferrée” de Rosalie Demers relève du fantastique horrifique. En rentrant de l’école, deux gamins suivent d’anciens rails à travers des lieux soit disant hantés. L’un est battu par son père et, à la vue du cadavre d’un cerf, il se comporte bizarrement, avant que tout ne dérape. Une nouvelle à l’atmosphère pesante et qui fonctionne très bien. Il est à noter qu’elle a remporté le concours de nouvelles « À partir d’un décor » 2024 et connaîtra une adaptation en court métrage par les Productions Les Montagnes Hallucinées.
Jean-Louis Trudel nous convie à “Prendre le train pour Compostelle”. Indrek Kelm est un physicien extrapolatif ; à force de simulations, il espère que les résultats iront dans le sens de ses rêves. Les quelques succès rencontrés le mettent sur le devant de la scène, ce qui n’est pas une bonne chose pour sa sécurité. Cette nouvelle s’avère des plus plaisante et intéressante, notamment à travers la branche des sciences abordée, ainsi qu’avec le séjour en train lunaire pour s’habituer à la gravité terrestre, ce qui offre un huis clos surprenant.
CM Deiana aime surprendre les lecteurs, les sortir de leur zone de confort. Il use du prénom Charles pour la femme se réveillant dans un vaisseau désert. Celle-ci pense à ses parents qui, on l’apprend un peu plus tard, sont deux hommes. Charles se retrouve seule, vraiment seule, la dernière représentante de l’espèce humaine, ce qui n’est pas facile à accepter. Pourquoi tous les autres membres du vaisseau ont-ils jeté l’éponge ? Une espèce de deus ex machina échange avec elle, lui apprend la vérité et la fin relève du clin d’œil geek. “Celle qui ne voulait pas mourir seule” peine à convaincre, la faute à des zones d’ombre et autres facilités.
Pour goûter au gâteau des lumières, il est demandé : “Crache le cash, junkie !”. Mygale est prête à tout pour cela, même à se séparer de ses implants auditifs high tech. Elle a beau se raisonner, vouloir faire durer, elle cède à chaque fois et avale tout à la suite, peinant à redescendre, d’autant qu’une présence s’immisce dans ses trips. Une rencontre extraterrestre à la sauce Josée Bérubé qui use d’un langage dans le ton du sujet.
L’abord de “La Physique des satellites” de Frédéric Parrot n’est pas immédiate, car il faut saisir le contexte assez bizarre. Maïa s’occupe d’un magasin en orbite. Il n’est jamais approvisionné et seuls les gens riches peuvent se permettre d’y acheter des choses des plus banales mais hors de prix, car plus forcément disponibles sur Terre. Maintenant que la marchandise vient à manquer, le propriétaire veut le fermer, ce qui inquiète Maïa. L’idée de départ de Frédéric Parrot ne manque pas d’interloquer et un drôle de sentiment reste à la fin de la lecture.
Dans “Les Carnets du Futurible”, Mario Tessier s’intéresse à des objets stellaires fascinants, les trous noirs. Il s’agit d’une incursion plaisante dans les mondes de la science et de l’imaginaire. Quant à Claude Janelle, il nous parle du « Journal of American Folk-Lore » qui, de 1916 à 1940, a publié 103 contes merveilleux et 16 contes fantastiques, recueillis auprès de conteurs québécois. Histoire, méthodologie... un propos très instructif.
Ce « Solaris » propose de belles choses et d’autres qui diviseront peut-être plus le lectorat. Il est parfois bon de surprendre, de sortir des sentiers battus, mais ce n’est pas sans risques quand le postulat de départ ne convainc pas. Un numéro qui ne mérite pas moins amplement la lecture.
Titre : Solaris
Numéro : 235
Direction littéraire : Geneviève Blouin, Francine Pelletier, Pascal Raud et Élisabeth Vonarburg
Couverture : Érick Lefebvre
Illustrations intérieures : Laurine Spehner, Sagana Squale, Julie Ray et Suzanne Morel
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques
Sites Internet : Solaris ; numéro 235
Période : hiver 2025
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 0709-8863
ISBN : 9782925427179
Dimensions (en cm) : 13,4 x 21
Pages : 162
Prix : 13,95 $ CAD
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