À lire : une précédente chronique sur la Yozone
En postface, Blake Crouch avoue sa passion pour « Twin Peaks » de David Lynch, depuis son adolescence, sa frustration face aux blancs laissés à la fin de celle-ci. « Wayward Pines » n’est pas une fan-fiction, une suite hypothétique à la série, mais son hommage, le produit de son influence.
Parue en 2012, la trilogie « Wayward Pines » a depuis été elle aussi déclinée en série, avec Matt Dillon, à la satisfaction des fans d’ambiance trouble et de mystère.
Dans ce premier tome, l’auteur nous immerge immédiatement dans ce néant qu’est l’esprit de Burke. Comme lui, il faut retrouver des repères. On le suit, on le voit affronter la population locale, tantôt avec son aplomb d’agent secret habitué à être obéi... mais incapable de prouver son identité et son autorité (comme quoi cela tient à peu de choses...), sans argent pour manger ou dormir, les vêtements sales et déchirés et la tronche marquée d’hématomes. Rien que cela suffirait à se faire jeter dehors. Lui-même a du mal à rassembler ses souvenirs récents, voire à aligner deux pensées cohérentes à cause des lésions. Puis vient la faim, et l’affaiblissement physique.
Il y a aussi le fait que l’hôpital ne lui inspire pas confiance, malgré la jolie infirmière Pam, car les lieux sont déserts. Un deuxième séjour, après qu’on l’a ramassé évanoui en ville, lui fait rencontrer un psy qui échoue à le retenir. Dehors, la ville a ce charme des années 70, suranné ou hors du temps, loin de la vie à Seattle en 2012 qu’il connaît.
Sa psychose est entretenue par un message que lui fait discrètement passer Beverly, la barmaid compatissante qui lui offre un repas : une adresse, non pas la sienne, mais celle d’une maison délabrée où il trouve le corps de son collègue l’agent Evans.
Le shérif local est réticent à lui obéir, et l’écarte vite des investigations. Et Burke ne peut joindre au téléphone ni sa femme ni son supérieur hiérarchique.
Pendant longtemps, on danse d’un pied sur l’autre. Le héros lui-même se demande s’il n’est pas fou, s’il ne rêve pas. Le souvenir de sa captivité à Falloujah, lors de laquelle il a été torturé, lui fait envisager du stress post-traumatique.
Et entre l’avancée de l’action et ses hypothèses, on lit aussi comment Theresa, sa femme, fait son deuil après des mois d’absence. Puis comment un homme vient lui proposer, à elle et son fils, de retrouver Ethan, en absorbant un produit narcotique.
Dès lors, nos repères temporels sont chamboulés. Ce n’est que le début. Ethan retrouve son autre collègue disparue parmi les résidents de Wayward Pines, mais elle a vieilli de 40 ans !
Plus on avance aux côtés d’Ethan plus les choses deviennent folles. Les révélations que lui fait Beverly, après une évasion à haut risque de l’hôpital, laissent place aux hypothèses les plus paranoïaques : est-ce une expérience sociale ? Est-ce une réalité virtuelle ? Un progrom s’ensuit, où la population entière, dans une vague de violence, se lance à sa poursuite. Il y a ici un secret, une vérité connue et tue de tous, que sa présence met en péril.
C’est vraiment palpitant à lire, parce que bien construit et très immersif, avec des va-et-vient qui retranscrivent bien l’état mental du personnage. Tout le passé d’Ethan Burke laisse envisager une solution d’évasion mentale, pour échapper à la torture, à la mort... Et plein de choses viennent le contredire. La charge des émotions, du ressenti tant physique que mental du personnage, sa faim, son rythme cardiaque nous fait vivre cette histoire avec lui.
J’aurais peut-être un petit bémol sur la conclusion, et la « révélation finale », où l’on bascule en pleine SF old school, qui explique tout, peut-être un peu trop facilement. C’est presque trop satisfaisant, mais le doute ne pouvait planer trop longtemps non plus. Et surtout, maintenant que la vérité est révélée, il y a deux autres volumes, « Rébellion » et « Destruction », plein de promesses pour aller au-delà de ce simple ressort littéraire.
Titre : Révélation (pines, 2012)
Série : Wayward Pines, tome 1/3
Auteur : Blake Crouch
Traduction de l’américain (USA) : Patrick Imbert
Couverture : Mathieu Persan / Valérie Renaud
Éditeur : Gallmeister
Collection : Totem
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 266
Pages : 361
Format (en cm) :
Dépôt légal : janvier 2024
ISBN : 9782404080208
Prix : 7,90 €
Wayward Pines
Révélation : avis à parution et un autre plus tard
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