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Tableau (Le)
Claude Robert
Favre, Thriller, 234 pages, novembre 2024, 19 €


Dans une bâtisse industrielle reconvertie en ateliers d’artistes, un peintre est retrouvé mort, les mains sectionnées, une figure de goule brossée à grands traits à côté de lui. Miro, son chien, gît à ses côtés, blessé et inconscient. En cette nuit de nouvel an, une équipe est rapidement constituée pour résoudre l’affaire : les inspecteurs Ji, Costa, et Leyvraz seront secondés par Anna, la scientifique. La légiste Céline Marquet sera en charge de l’autopsie. Les autopsies, plutôt, car les cadavres ne vont pas être longs à s’accumuler.

« Sur un établi, elle voit de grandes feuilles recouvertes de formes fantomatiques, enchevêtrées dans des nuances de gris, allant jusqu’au noir profond. »

Pour ce premier crime, en tout cas, les suspects ne font pas défaut. À commencer par les artistes, car Max, la victime, était un individu particulièrement prétentieux, arrogant, persuadé d’être de très loin le meilleur artiste de tous et particulièrement prompt à rabaisser les autres et à afficher son mépris – une tendance mégalomaniaque confirmée par le fait qu’il prétende descendre de l’empereur Maximilien. Charles, sculpteur sur stéatite, Petitpierre sculpteur sur fer et acier qui est aussi le fils de la compagne de la victime, Jocelyn, adepte du fusain, Constantin, peintre d’origine sud-américaine, Marina, spécialisée dans les scènes tendres avec bébés, Elisabeth Meyer, aquarelliste, Marion Favre et Myriam Möwli, créatrice de bijoux qui a découvert le corps, avaient donc bien des raisons de ne pas l’apprécier et même de lui en vouloir. Mais, comme les uns et les autres ne manquent pas de le faire remarquer aux enquêteurs, de là à l’assassiner, il y a un pas.

Peut-être. En tout cas, d’autres suspects viennent bientôt allonger la liste. Car il semble bien que la victime, en marge de ses œuvres classiques, ait eu une carrière occulte de portraits d’enfants pas tout à fait académiques et passablement répréhensibles : les clients louches et non officiels de la victime, qui restent à identifier, font à l’évidence partie d’une faune interlope. Mais encore : les membres de la famille de Max, avec qui il semble qu’il n’ait pas été précisément un ange, sont depuis longtemps en froid avec lui. Il n’a pas reconnu ses fils, qui ont bien des raisons de lui en vouloir. Tout comme sa fille. Tout comme d’autres encore.

« Ces remords qui les hantent les différencient des psychopathes qui eux, n’en ont aucun. Il est bien décidé à découvrir ce que ressentent les acteurs de la pièce qui se joue en ce moment.  »

L’enquête va bon train ; elle sera résolue en très exactement sept jours. Ceci explique sans doute l’impression de resserrement chronologique que le lecteur est en droit de ne pas toujours considérer comme très vraisemblable (les policiers qui vont interroger les proches à domicile durant la nuit même de la découverte du crime, le propriétaire Jorand qui avant même qu’on lui pose des questions se met, de manière très théâtrale et sur une tonalité très littéraire, à décrire sa vie et ses relations avec la victime comme s’il dictait ou écrivait ses mémoires), mais il faut reconnaître que même si les aspects psychologiques, des investigateurs comme des suspects, occupent une place importante, Claude Robert a su formater fort justement son intrigue sur moins de trois cents pages, sans en faire trop, là où bien d’autres auteurs auraient dilué l’ensemble sur deux cents pages de plus.

« C’est le diable. L’être supérieur m’a parlé et donné une onde électrique pour éloigner le diable. (…) et tous les Mauvais de la terre je les éliminerai, je les électrocuterai avec l’onde et je ferai le bien, moi seul. »

Bref mais dense, ce « Tableau  » a le mérite de ne pas se limiter à la résolution d’une intrigue mais d’aborder des problèmes plus vastes. Il permet d’étudier des chaînes de causalité tragiques qui aboutissent à la perpétration des crimes par des individus qui n’étaient pas destinés à pratiquer des actes répréhensibles. Il pose le problème des abus subis et des conséquences psychologiques de traumatismes conduisant les victimes à devenir à leur tour des bourreaux. Il pose le problème des trajectoires déviantes et des vies brisées, des responsabilités, y compris celles d’une justice qui, jugée trop tolérante ou simplement dépassée, conduit par ses carences des individus à se comporter à tort en justiciers. Sans juger, à travers une intrigue rythmée, Claude Robert construit un petit polar intelligent et qui pose bien des questions.


Titre : Le Tableau
Auteur : Claude Robert
Couverture : Idéesse / Steve Guenat
Éditeur : Favre
Collection : Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 234
Format (en cm) : 14 x 23
Dépôt légal : novembre 2024
ISBN : 9782828922115
Prix : 19 €


Les éditions Favre sur la Yozone :

- « Un arrière-goût amer » par Raphaël Guillet
- « Aveuglément » par Laurence Volta
- « Terres sauvages » de Lionel Tardy



Hilaire Alrune
19 décembre 2024


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