Dans le lointain futur décrit dans “Le Nid” de Chi Hui, les « Passants », des humanoïdes solariens, en fait les humains, ont conclu un traité de paix avec les Tanla de la lointaine planète Tantalula. Mais les humains cherchent un prétexte pour essayer de briser leur résistance. Mauvaise idée : les Tanla ont plus d’un tour dans leur sac et ne sont pas vraiment des ethnies arriérées. Une science-fiction très « pulp », à l’ancienne et un soupçon horrifique, qui, même si elle rejoint les obsessions post-colonialistes contemporaines, aurait tout à fait pu être écrite à l’âge d’or du genre, et trouve surtout, à sa manière, une belle – mais peu rassurante – explication au paradoxe de Fermi.
Avec “Une fluctuation dans le vide”, narrée au présent à travers une prose simple tendue, rythmée, l’Allemande Aiki Mira décrit l’odyssée de deux personnages aux identités perpétuellement changeantes qui à travers l’espace, les technologies, les écosystèmes crées de toutes pièces s’éloignent, se croisent, s’aimantent, se retrouvent, se reconnaissent. Difficile de ne pas penser à l’étrange et mémorable « Oiseaux du temps » (2019) de Max Gladstone et Amal el Mohtar où l’amour naît entre deux entités, et à ses mondes et ses personnages en perpétuelle mutation.
Il n’est pas aisé de saisir le fil conducteur du “Marginalia” de luvan (sans majuscule), qui par moments flirte avec la littérature expérimentale et risque de perdre bien des lecteurs en cours de route. Dans un avenir indéterminé, une narration décousue entrecoupée de missives non signées, peut-être numérotées, peut-être datées, fait apparaître par bribes, au long d’une cinquantaine de pages, un récit d’évolution, de mutations et de rencontres sur la planète Kekin / Tantalula.Il y est question de scaphandres et de métamorphoses, de galeries et de satellites, de gestation, de croissance et de monstration, d’ondes zéta et de biominéralisation, mais aussi de cuisine et de danse, et de portails galactiques.
Pour finir, il semble important de prendre en compte la singularité de l’objet-livre qui se démarque du tout-venant par son format atypique au sein des livres de poche, toujours moins larges dans leur présentation courante, par ses pages de garde en dégradés rouge-rose-blanc et par ses illustrations, majoritairement dans les tonalités rouge, rose, bleu et blanc, composées par les étudiantes et étudiants de la Haute École des arts du Rhin. Préfacé par Lukas Dubro et Philippe Thiollier, ce petit volume de la collection « Abécédaire de l’imaginaire » n’est donc que le premier d’une série d’anthologies illustrées et colorées d’auteurs européens et chinois. On gardera à l’esprit que le principe de nouvelles européennes articulées autour d’un récit chinois pose un défi qui peut être aussi un écueil. Soit l’on cherche des nouvelles existantes sur un thème commun, ce qui permet de sélectionner des textes déjà passés au crible de la sélection éditoriale dans un corpus déjà constitué, soit l’on sollicite des auteurs en leur demandant d’écrire, sur les mêmes thématiques globales, dans des univers proches ou apparentés, des textes venant faire écho au texte chinois préalablement choisi. On sait ce que valent les anthologies bâties sur des textes de commande : au final, les nouvelles sont plus souvent des exercices que des œuvres réellement inspirées. On ne demande qu’à voir, en tout cas, ce que pourront nous apporter les volumes suivants.
Titre : Arborescences
Auteurs : Chi Hui, Aiki Mira, luvan (sans majuscule)
Traduction du chinois et de l’allemand : Gwennaël Gaffric,Thomas Herth et Milena Yung
Couverture : Marius Wenker
Éditeur : L’Asiathèque
Collection : Abécédaire de l’imaginaire, tome I
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 152
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : octobre 2024
ISBN : 9782360574025
Prix : 16 €
L’Asiathèque sur la Yozone :
« Ton temps hors d’atteinte » de Xia Jia
« Fantômes d’Ogura » par Hubert Delahaye
« La Statue de Chaojue » par Hubert Delahaye
« Le Magicien sur la passerelle » de Wu Ming-yi
« Encore plus loin que Pluton » de Huang Chong Kai