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Fils enchevêtrés des marionnettes (Les)
Adam-Troy Castro
Le Bélial’, Une Heure-Lumière, n°54, court roman traduit de l’anglais (États-Unis), Science-Fiction, 120 pages, septembre 2024, 11,90€

Isadora a été la première humaine modifiée à participer au Ballet vlhani. C’est elle qui a initié le mouvement que d’autres ont suivi à force modifications sans garantie d’être acceptés dans cette chorégraphie. Le Ballet fascine, car aucun observateur ne sait à quoi il rime, le pourquoi de cette danse et du massacre des cent mille participants. Le lecteur a pu se familiariser avec cet événement et cette première dans « La marche funèbre des marionnettes » que la présente novella prolonge en quelque sorte.



Shooteur de biopics à succès, Paul Royko est envoyé sur la planète Vlhan couvrir le Ballet et interviewer Shalakan, une participante humaine modifiée et présentée comme aussi douée qu’Isadora. À sa grande surprise, elle est accompagnée de son mari Dalmo, lui aussi modifié mais qui n’a pas été retenu pour le Ballet. En effet, ses extensions et modifications diverses entrent souvent en conflit, le bloquant dans ses évolutions. Pourtant les Vlhanis lui vouent une grande attention, ce qui déroute Royko. Il rencontre aussi dans leur entourage une observatrice humaine naturalisée Riirgaan, Ch’tpok, amoureuse de Dalmo et qui appréhende en partie son importance dans le Ballet. Royko n’a pas fini de se poser des questions et, à l’aide de drogues, il parvient à assister à tout le Ballet, battant cette année un record de longévité. Il est un des seuls à remarquer la prestation hors champs de Dalmo se finissant par son blocage. Quel rôle joue-t-il donc ? Ce n’est que des années plus tard qu’il comprend que le plus important de son reportage n’était pas Shalakan mais Dalmo qui n’en a pas fini avec Vlhan.

Le Ballet en lui-même est vite expédié par Adam-Troy Castro. Maintenant que les lecteurs l’ont appréhendé avec « La marche funèbre des marionnettes », il n’y a plus besoin de décrire à tout-va les Vlhanis et leur déroutant événement annuel. L’auteur se concentre sur l’avant et l’après Ballet. Depuis Isadora, sa connaissance n’a pas beaucoup progressé, mais tout de même. C’est là qu’intervient Dalmo qui se révèle finalement une pièce maîtresse, mais bien fragile et défectueuse.
Vouloir participer au Ballet revient à accepter des années de souffrance, sa mort également après la performance, mais tout en ayant conscience d’avoir un rôle à y jouer. L’acte n’est pas futile, il y a une finalité au bout. Conscient de son importance, Dalmo ne peut accepter de rester en retrait. La fin de cette novella donne tout son éclairage au premier chapitre. Le don de soi au profit d’une cause plus grande qui échappe à la majorité dépasse toute considération personnelle. Dans certaines circonstances, le sacrifice semble nécessaire, tant le bénéfice final se révèle important.
Adam-Troy Castro donne des indications, il apporte des pistes de réflexions à défaut de réponses claires et nettes. Il expose aussi l’évolution du Ballet avec des intervenants hors planète toujours plus nombreux, développe l’épreuve que constituent les modifications corporelles, la force qu’il faut pour en sortir sain d’esprit. Paul Royko n’est pas né avec une cuillère dorée en bouche, il a connu une existence difficile, ce qui le rend plus réceptif à la détresse de Dalmo et lui permet de comprendre son message. Le lecteur ne peut qu’être subjugué par le déroulement du récit, le massacre final du Ballet frappe les esprits, alors chacun veut connaître la raison de tout ça. Chacun se fera sûrement sa propre idée, les indices jetés ça et là permettent d’échafauder des théories aptes à satisfaire la soif de savoir. C’est là tout le talent de l’auteur, l’histoire continue à vivre après lecture, elle reste présente tant le concept défie l’imagination.

« Les fils enchevêtrés des marionnettes » prolonge avec brio « La marche funèbre des marionnettes ». Ce récit pousse le curseur encore plus loin avec un être imparfait, Dalmo dont les modifications buguent, mais qui s’avère une pièce maîtresse dans le Ballet se poursuivant d’année en année, alimentant les recherches et les spéculations sur sa finalité. Rien d’étonnant à ce qu’Adam-Troy Castro ait envoyé bien des années plus tard Andrea Cort sur Vlhan.
L’histoire est belle, désespérée et ne peut que fasciner les lecteurs avides de bonne science-fiction. Un auteur dont chaque parution française est décidément remarquable.


Titre : Les fils enchevêtrés des marionnettes (The Tangled Strings of the Marionettes, 2003)
Auteur : Adam-Troy Castro
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Benoît Domis
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 54
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 120
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : septembre 2024
ISBN : 9782381631479
Prix : 11,90 €


Du même auteur :
- La marche funèbre des marionnettes
- Andrea Cort, tome 1 : Émissaires des morts
- Andrea Cort, tome 2 : La troisième griffe de Dieu
- Andrea Cort, tome 3 : La guerre des marionnettes

Derniers titres chroniqués de la collection :
- 43. « Connexions » de Michael F. Flynn
- 46. « Le dernier des Aînés » de Adrian Tchaikovsky
- 47. « La peste du léopard vert » de Walter Jon Williams
- 48. « Barbares » de Rich Larson
- 49. « Sweet Harmony » de Claire North
- 50. « De l’espace et du temps » d’Alastair Reynolds
- 51. « La marche funèbre des marionnettes » d’Adam-Troy Castro
- 52. « Kid Wolf et Kraken Boy » de Sam J. Miller
- 53. « L’automate de Nuremberg » de Thomas Day

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
23 septembre 2024


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